Skip to content

Neue Grafik : “J’aime l’idée que Paris veuille dire quelque chose”

On a interviewé Neue Grafik avec ALT de Mawimbi, bluffé par l’aspect afro de son live à Exploration(s). On a causé UK, Afrique du Sud et surtout… Paris!

On est allé rencontrer Neue Grafik après son live à Exploration(s). On a emmené avec nous ALT de Mawimibi, ce collectif qui mêle musique africaine et musique de club, qui était sorti bluffé par le brassage musical opéré dans la performance du producteur. Rencontre entre deux valeurs montantes, du Garage pour le premier, de l’Afro House pour le second.

Ce soir, tu jouais live de producteur, mais tu es aussi très actif en tant que DJ : quel exercice te plait le plus ?

Neue Grafik: Ce soir c’était un peu particulier parce que j’ai fait un mélange entre mes tracks et des tracks d’autres. Certains de mes morceaux en version masterisés, d’autres qui sortent tout juste de mon cerveau, et d’autres qui font clairement partie de mes références. Par exemple, le dernier que j’ai joué, de Manu Dibango, “New Bell Makossa” : il vient de mon pays, c’est un melange de jazz afro et de funk. C’est une influence qui me parle vraiment, même si elle n’est pas en lien direct avec la house.

Ça ne se ressent pas trop dans tes disques, mais c’est quelque chose que tu veux aborder ?

Neue Grafik: C’est assez discret. Je trouverais ça un peu caricatural d’être un gros noir avec une grosse barbe qui fait de l’afrobeat. Ce n’est pas ce qui m’a donné envie de faire la musique que je fais. Mais c’est dans mes références, comme la disco, la cold wave, j’aurais aussi pu jouer du Etienne Daho, des compiles Born Bad… Ce qui est cool dans la musique, c’est que plein de choses te touchent pour plein de raisons différentes. Je ne vais pas kiffer “Bela Lugosi’s Dead” de Bauhaus comme je vais kiffer un Fela Kuti. La musique est une humeur, et tu choisis celle que tu veux mettre en avant en tant que producteur. En live, j’ai toujours trouvé qu’il y avait quelque chose de très chaleureux dans les musiques qui viennent d’Afrique Centrale.

ALT : Ce sont des choses qui nous parlent beaucoup dans Mawimbi. Il y a eu des passages où je te sentais vachement proche de ce qu’on fait, entre électronique et musique noire. Le Manu Dibango que tu as joué, ça aurait pu être sorti par des gens comme Joe Claussel par exemple. J’ai trouvé pleins de vagues comme ça dans ton live, ça m’a surpris par rapport à ce que je connaissais de toi. Je ne sais pas si c’est des choses que tu veux explorer…

L’important est de savoir que la musique est partout, ici, en Angola, au Nigéria, en Afrique du Sud, ou n’importe où.

Neue Grafik : C’est cool si ça t’a plu. Il y avait plusieurs styles de musiques, mais je pense malgré tout être dans un truc assez précis. Il y a plein de choses qui me touchent, et, même si ça ne s’entend pas toujours, de nombreux samples et idées me viennent des musique caribéennes, de samba. J’ai donné un morceau, récemment, avec des samples issus d’un vinyle d’apprentissage de la kora sénégalaise. Mais je ne m’arrête pas là.

Dans quelle mesure sens-tu une influence de musiques non occidentales dans les musiques qui t’inspirent, le UK, la bass ?

Neue Grafik: La plupart des musiques anglaises qui m’interessent sont faites par des noirs. Souvent, les noirs anglais sont d’origines jamaïcaines ou des îles. Que ce soit le dubstep, le grime ou le UK Garage de Wookie, il y a une influence naturelle de l’Afrique. Les rythmes africains sont passés des musiques des îles jusqu’en Angleterre. Après, la musique moderne est nourrie de plein de choses.

ALT : En voyant ton live, je me demandais si tu connaissais un mec comme Murlo. C’est un anglais blond, blanc, qui fait une bass music afro caribéenne, avec du dub, de la jungle, de la drum & bass et des trucs, donc, hyper africains.

Neue Grafik : Non, ça ne me dit rien, pour le coup.

ALT : Cooly G, peut-être ? Elle a bossé pas mal sur BBC Radio One avec Roska.

Neue Grafik : Je connais bien, ça. Après, il y a aussi Untold et le label Hemlock que je kiffe bien. Je suis un gros gros fan de Burial, j’ai tous ses disques. J’aime les trucs assez sombres.

ALT : Visionist ?

Neue Grafik : Visionist aussi, même s’il est plus grime. L’Angleterre est un carrefour. On se rend compte qu’il y a l’Angleterre, l’Allemagne, mais souvent, je me demande la place de Paris sur cette carte du monde. Ce qui m’intéresse, c’est de trouver un équilibre. Etre influencé, mais rester ancré ici. Les titres de mes morceaux, c’est la ligne de métro à côté de chez moi, c’est Blanche parce que la Machine du Moulin Rouge est parmi mes clubs préférés. Je préfère être très influencé par ma ville. Je ne connais personne qui ne se revendique parisien, c’est presque même une insulte. J’aime l’idée que cette ville veuille dire quelque chose, qu’on ne la “berline” pas, par exemple. Qu’on la “parisianise”, dans le meilleur sens possible.

ALT : On est exactement dans la même idée. Mais pour le coup, à Paris, si on voulait vraiment faire exploser une scène, il faudrait, je pense, casser quelques barrières sociales. Je prend un exemple dans l’afro: à Barbès, il y a des tonnes d’excellents petits labels de musiques afro qui font leur trucs dans leurs coins. Par ailleurs, il y a les mecs des Siestes Electroniques du quai Branly ou encore ceux du Comptoir Général. Ils font tous des trucs super, mais on dirait qu’il ne se parlent pas. Il faudrait que les gens discutent un peu plus, se mélangent un peu plus : plutôt que d’aller piocher dans la collection du quai Branly, ce serait peut être plus marrant que Bambounou aille voir les mecs du label Syllart par exemple…

Neue Grafik : Que les gens se mélangent, qu’ils ne se mélangent pas, ce n’est pas si grave. L’important est de savoir que la musique est partout, ici, en Angola, au Nigéria, en Afrique du Sud, ou n’importe où.

ALT : D’ailleurs, on a déjà fait venir Shimza au Djoon, on fait Culoe de Song la semaine prochaine au Showcase. La house est la musique la plus populaire en Afrique du Sud, c’est fou. Tu écoutes ça dans le taxi, au boulot, dans le bus scolaire… Un mec comme Black Coffee, c’est énorme. Par exemple, Shimza organise chaque année un festival qui fait deux fois Rock en Seine. C’est énorme l’électro là bas.

Ces temps ci, on met en valeur un underground techno sombre parisien. Mais il y a aussi une grosse scène UK Garage très… chaude, presque sexuelle. Tu peux en dresser une espèce de cartographie ?

Neue Grafik : Ahahah ce côté “cul”, c’est exactement ce qu’aurait dit le producteur Hybu. Tu as aussi KM3, qui mixe garage extrêmement bien, qui produit de la house et qui vient de signer sur le label Faces. Je mets ces deux registres ensemble, parce qu’au final, pour moi, c’est presque la même chose. C’est au coeur de ma culture. Il y a aussi S3A. Et les producteurs du label Beat X. X_1, pour commencer, dont la première sortie est une pure folie house qui a été jouée par les plus grands. Pulkone, son groupe, qui sont vraiment les plus garage. Monomite qui brasse beat, house, garage… Il y a Ntek, qui est producteur, rappeur, et dont tu sens qu’il est vachement influencé par le son UK. Ma salle favorite, c’est le 6B. Elle est excentrée mais représente tout ce que j’aime: c’est dans la ville sans y être, et j’y ai toujours passé d’excellents moments. Parce que c’est une ambiance. La plupart des gens qui viennent de Paris ne se sentent plus à Paris, ils ont une autre manière d’être, très agréable qui colle bien avec notre musique. La chaufferie, bondée, c’est aussi très chaud, très moite, j’adore.