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Saint DX : la rencontre musicale du mois

Après un premier EP sorti en 2017, Saint DX affine et confirme son style avec un second opus “Unmixtape” qui donne un bel exemple de sa pop élégante aux accents eighties. Co-producteur sur l’album QALF de Damso, nous avons échangé avec le saint prodige français à la fois chanteur, compositeur et producteur, pour cette nouvelle rencontre du mois.

On te retrouve derrière de nombreuses productions rap mais c’est sans rappeler que tu as aussi ton projet solo. Comment tu arrives à distinguer les deux ?

Saint DX : En fait, la production pour les autres c’était un peu une parenthèse. Je n’y avais jamais pensé avant. C’est une rencontre qui a fait que je m’y suis mis. J’ai rencontré Prinzly, Paco Del Rosso et puis on s’est retrouvés très vite sur l’album de Squidji et de Damso, ensuite. Tout s’est fait très vite. Moi j’écoutais pas beaucoup de rap francophone à la base. Je viens de l’indie, du rock, de la pop. J’avais mon projet et ça m’est tombé dessus. Et puis, en faisant des séminaires pour d’autres gens, j’ai très vite eu envie de revenir sur ce que je faisais avec Saint DX. Après, s’il y a des collaborations trop kiffantes qui se présentent, je le ferais mais je ne compte pas devenir producteur.

Est-ce que la production pour les autres et Saint DX sont arrivés au même moment ?

Non, pas du tout. J’ai commencé Saint DX fin 2017 et j’ai sorti pas mal de chansons et un premier EP avant de produire pour d’autres. C’est qu’en 2020, donc 3 ans après, que je me suis mis à produire pour d’autres gens. C’était toujours en production groupée, je bossais toujours avec des beatmakers, j’ai jamais fait des prods à 100%, de A à Z.

Ta dernière sortie Unmixtape correspond à ton second EP. Le nom de “mixtape” est souvent attribué à l’univers du rap, mais tu en ajoutes “Un-” comme pour t’en détacher. Est-ce un clin d’oeil à tes deux casquettes ?

Bien sûr, il y a ce clin d’oeil, mais ça vient aussi du fait que pendant que je composais UnMixtape, j’enregistrais des morceaux dans ma chambre et je les sortais le soir même sur Internet, sans les avoir mixés. Donc je cherchais un nom un peu générique à donner à ces morceaux qui n’avaient pas de titres, donc je les appelais tous “Unmixed”, car je ne les mixais pas. Et au moment de les rassembler tous dans un format, je voulais aussi garder ça, ce clin d’oeil à ces “Unmixed”.

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Cette volonté de vouloir créer un son par jour, elle est venue de quoi ?

C’était pendant le confinement quand on s’est retrouvés tous désoeuvrés. Moi c’était mon cas, je n’ai pas compris ce qui m’arrivait. Je me suis retrouvé chez ma mère, dans ma chambre d’ado, avec un Juno, avec des plug-in, à avoir une envie de faire plus que ce que je faisais d’habitude. Et j’ai adoré ce temps suspendu. Il n’y avait rien à faire d’autre que prendre le temps pour travailler, pour lire. Il n’y avait pas de lendemain, c’était comme si on vivait la même journée pendant deux mois. Moi qui remettait toujours tout au lendemain, là il n’y avait pas de lendemain, ça m’a donné beaucoup de force pour composer. Et puis il n’y avait pas de restaurants ouverts, pas de bars, pas de potes, c’était plus facile de composer.

Tu en as produit combien pendant toute cette période-là ?

J’ai dû en faire une quinzaine finie. Il y en a d’autres que j’aimais beaucoup mais que je les ai gardés pour mon album qui arrive l’année prochaine. Il y en a deux ou trois que je n’ai pas mis dans la mixtape… Pour le reste, je me suis essoufflé à un moment. J’en ai sorti que neufs, mais après je ne sais pas pourquoi, je crois que c’était surtout la fin du confinement, donc comme ce truc-là était fini, je n’ai pas continué.

Tes deux projets, celui de produire pour d’autres artistes mais également celui d’écrire avec Saint DX, sont nourris de collaborations nombreuses. Qu’est-ce que cela t’apporte ?

Les featurings sont aussi venus pendant le confinement. J’aimais beaucoup faire de la musique tout seul. J’avais toujours peur de demander aux gens de collaborer avec moi. Avec le confinement, comme il n’y avait pas de lendemain, les gens ne pouvaient pas mytho. C’était un peu genre : “Hey ça te dit pas de bosser sur une track ?”. Si les gens te répondaient : “Ouais non, j’ai trop de trucs à faire, je dois bouger demain”, c’est qu’ils voulaient pas bosser avec toi. S’ils disaient juste non, c’est qu’ils n’avaient pas envie de le faire tout simplement. Du coup, j’ai envoyé plein de messages à des amis, ou à chaque fois que je composais une chanson, je pensais à un ami, et voilà. J’ai envoyé des prods et tout le monde a dit oui. Tous les gens auxquels je pensais me disaient que c’était trop bien.

Couverture de l'EP

Couverture de l’EP “Unmixtape” de Saint DX

Penses-tu que la collaboration devrait avoir une place plus importante aujourd’hui dans la musique ?

Pas nécessairement, ça dépend de ce dont tu as besoin en tant qu’artiste. C’est aussi une question de mode. Il y a tous ces rappeurs avec des personnes comme Kanye ou Frank Ocean et cette idée de séminaire où tout le monde se retrouve dans une pièce à 10 pour composer. Oui, il y a quelque chose de génial quand il y a une énergie commune, un truc très fort. C’est un peu comme avoir un groupe de musique. Forcément c’est enrichissant, mais ça dépendra vraiment de l’artiste. Dans les artistes que je kiffe trop, il y a Bon Iver, son premier EP, il l’a fait dans une cabane en bois, avec sa guitare acoustique et sa petite carte son et c’est un EP que je kiffe autant que d’autres albums qui ont été faits en studio, avec 15 ou 20 têtes pensantes. Après je respecte aussi les artistes qui font tout eux-mêmes de A à Z. Puis la musique est aussi une fête, ce n’est pas forcément quelque chose de douloureux ou de remise en question, bien que ça le soit d’une façon continue, mais ça peut être un moment convivial.

Quelle serait ta collaboration de rêve ?

Je crois que j’adorerais faire une chanson avec Neil Young, ça serait de la folie. Ou je pense aussi à Kate Bush.

Et quelle serait ta collaboration impossible ?

Je me dis que tout est possible. Tu peux faire une collaboration avec n’importe qui et ça peut fonctionner. Après je ne suis pas trop dans des bails genre Florent Pagny ou Lara Fabian. Quoique ! Mais Patrick Fiori, je ne suis pas sûr (rires). Sinon dans les impossibles parce qu’ils sont morts, je dirais Prince… Mais même vivant, ça serait mort, de toute façon (rires). Sinon dans les collaborations impossibles car ça ne fonctionnerait plus aujourd’hui, bien que ce soit des gens dont j’ai surkiffé la zik, je dirais R Kelly, mais aujourd’hui ce n’est plus possible, avec ce qu’il a fait… Même à écouter, je ne peux plus. C’est plus ça, le genre de collaborations impossibles.

J’ai rêvé que je grimpais à un arbre et que je choisissais entre Saint Citron ou Saint DX.

Qu’est-ce qui t’inspire au jour le jour et même lors de la création d’Unmixtape, comment tu as réussi à maintenir une certaine inspiration ?

En fait, la musique j’en fais pas tous les jours, afin d’emmagasiner des nouvelles idées, des nouvelles émotions, avant de revenir au studio et de les retranscrire. C’est un peu comme une psychanalyse. Tu suis le chemin de ta pensée, de tes mots et c’est ça qui va faire ta musique. Parfois je me sens un peu triste, je me dis que je vais faire une musique un peu “badante” et puis je fais une musique joyeuse. Je me laisse vraiment porter par mon inconscient.

En parlant d’inspiration et de collaboration, tu as vécu un moment particulier dans ta carrière, c’est ta rencontre avec Damso. Avec un peu plus de recul aujourd’hui, qu’est-ce que tu en tires ?

Encore maintenant et pour très très longtemps, ça restera une de mes expériences les plus folles. La manière dont elle s’est déroulée et l’expérience en elle-même, de voir quelqu’un comme lui créer, c’était assez hors norme. La façon dont il écrit, dont il pose en cabine, la confiance qu’il dégage et qui donne à ses musiciens, ses producteurs, le sens du détail, sur chaque truc, et même la liberté que tu as en tant que songwriter, quand tu travailles avec lui, c’est vraiment une leçon. C’est même quelque chose que j’essaie d’appliquer aujourd’hui. J’écris pas des textes en 30 minutes comme lui, mais sur comment une session de studio se passe, j’ai été grave influencé.

Cover du single No Love de Saint DX

Cover du single No Love de Saint DX

Est-ce qu’il y a derrière ton blase une dimension sacrée que tu essaies d’infuser, projeter avec ta musique ?

C’est vrai que ça aurait pu avec un nom pareil, mais en fait, j’ai rêvé que je m’appelais comme ça. Je cherchais désespérément un nom pour sortir ma première chanson et j’ai rêvé que je grimpais à un arbre et que je choisissais entre Saint Citron ou Saint DX. J’en ai parlé avec mon père le soir même et je lui ai demandé : “tu en penses quoi si je m’appelle Saint Citron?”. Il m’a dit : “Oublie”. Donc j’ai choisi Saint DX, et puis je venais de m’acheter ce synthé qui s’appelle le DX7, et je pense que le rêve découle aussi de ça. C’est un synthé que j’ai beaucoup utilisé dans mes premières prods, dans les titres de Damso, donc oui il m’a un peu suivi. Donc s’il y avait un sage ou un truc un peu spirituel, ça serait lui, le synthé, le DX7.

En parlant du DX7, on le retrouve dans des compositions eighties, chez Kool & The Gang, Whitney Houston, Brian Eno aussi sur ses compos ambient. Qu’est-ce que tu aimes le plus dans cet instrument ?

Ce que j’aime avec le DX7, c’est l’immédiateté. Dès que je l’ai utilisé, en posant mes doigts dessus, j’ai eu tout de suite de l’inspiration. Ça m’a renvoyé à des souvenirs, à l’enfance, à un tas de chansons et de sonorités que j’écoutais énormément avant. La musique du Grand Bleu a été beaucoup composée avec ce synthé. J’ai adoré ce truc où j’avais juste besoin de poser mes doigts dessus et le son tuait. Ah et aussi, il y a un détail que j’adore sur le DX7, les touches sont plombées, donc il y a une sensation de cliquetis quand tu le touches, c’est très satisfaisant, un peu ASMR en fait. Je conseille, c’est très thérapeutique !

Ce synthé renvoie indéniablement vers une époque, est-ce qu’il y a un moment que toi tu aimerais vivre musicalement ?

Elle est assez kiffante celle que l’on vit en ce moment. La musique que je fais aurait sans doute plus de succès dans les années fin 80, début 90, c’est vrai. Mais non, je kiffe trop notre époque, musicalement c’est totalement riche. Il se passe tant de choses. Aujourd’hui la musique est accessible à tout le monde, plus de gens peuvent s’exprimer.

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As-tu un lieu de prédilection pour composer en ce moment ?

Oui, en ce moment, depuis plus d’un an, c’est le studio ICP en Belgique. J’adore le studio, les patrons, John et John John, père et fils. Je suis très attaché à ce studio. Généralement, j’y vais trois à quatre jours où je charbonne pour faire des titres et des chansons pour un EP ou pour mon album, et après je peux penser à autre chose.

D’ailleurs, si tu devais te définir par un album, lequel se serait ?

De mes sons, je dirais que c’est Staccato, c’est celui qui me définirait le mieux. Mais, parmi les sons d’autres artistes, je ne sais vraiment pas, c’est difficile. En fait, ça dépend tellement des jours, des semaines, des années. Dans chaque période de ma vie, il y a des titres et des artistes avec lesquels je me suis construit. J’ai découvert Neil Young à l’adolescence, je faisais des crises d’angoisse de ouf et c’est le seul artiste avec sa musique qui arrivait à m’endormir vraiment. J’écoutais des albums de Neil Young en boucle. Nirvana et Guns N’ Roses ont été aussi très importants dans ma vie. Quand j’ai découvert les premiers albums de Coldplay, je suis tombé amoureux tous les jours, puis j’ai découvert Radiohead. La musique ce sont des cheminements de vie, tu découvres quelque chose, tu passes par des phases, tu as des up et des down en musique, donc c’est complexe d’en trouver un seul.

Avant Saint DX, tu officiais dans le groupe Apes & Horses, est-ce que performer dans un groupe est encore quelque chose de possible pour toi ?

Non, je ne crois pas, parce qu’aujourd’hui j’aime trop avoir le contrôle. Ça apporte énormément d’être dans un groupe. Aujourd’hui j’ai l’avantage d’être dans les deux en quelque sorte. Partager la composition, ça c’est kiffant j’adore, mais ensuite j’ai envie que les choix finaux soient les miens.

Quelles sont les prochaines reprises que tu penses faire ?

Aucune, j’en ai beaucoup fait et je ne veux pas en avoir sur l’album. Il y en a une dans mon premier EP, c’est ‘Take My Breath Away’ puis il y en a deux dans Unmixtape, donc il y a un moment, c’est bon. Je ne suis pas un chanteur de bal (rires).

Où en es-tu sur ton nouvel album ? Tu peux nous en dire plus ?

Je suis trop content de ce qui se passe. Je bosse avec Paco et Prizly sur des productions. J’essaie de rendre la chose un peu plus live aussi en bossant avec des musiciens. Mais il y a encore pas mal de choses dans ma tête.

C’était quoi ton plus beau moment avec Saint DX ?

Le concert que j’ai fait au Point Éphémère pour la sortie de mon premier EP avait été hyper fort. On avait préparé cela comme des fous, le concert avait été millimétré. J’avais rien laissé au hasard, avec mon équipe, ceux qui s’occupent de ma scéno, Alexandre Contini et Juliette Gelli, le batteur… Et en fait, on a eu un énorme problème pendant le concert, il y a eu un problème avec un boîtier de la salle. En gros, la batterie était quasiment injouable donc, après toute cette préparation, j’ai dû improviser. J’ai fait des acapellas, du piano voix au milieu du concert et on a décidé au bout de 20 minutes de continuer le concert malgré le son de batterie qui était épouvantable. et là, il y a eu une sorte de symbiose avec le public, tous les gens étaient tellement bienveillants, il y a un truc qui s’est passé, ça m’a libéré et ça a même perturbé mon schéma de penser le live. C’était un moment super fort.

Comment tu vois le futur avec Saint DX ?

Alors déjà Bercy l’année prochaine, ça j’aimerais bien, c’est mon objectif (rires). Non là, j’ai envie que ma musique puisse aller dans le plus d’oreilles possible. C’est ça le plus important pour moi.



Saint DX – EP “Unmixtape
Sorti le 1er octobre 2021



Découvrez la playlist Villa Schweppes réalisée par Saint DX à l’occasion de notre rencontre musicale du mois.