Skip to content

Le bon esprit de la Magie Noire : Interview

L’un des fondateurs des soirées Magie Noire, le collectif artistique qui monte de plus en plus en ce moment, nous a accordé une interview exclusive. Au programme : leurs soirées, leur concept et leur univers bien décortiqué.

Villa Schweppes : Pourriez-vous présenter le collectif ?

Greg : Qui je suis ou qui on est n’a pas grande importance. Ce qui compte c’est le projet et non les personnes qui l’organisent. On est juste un collectif de passionnés de musique électronique. On a chacun d’autres soirées où nos personnalités sont mises en avant ce qui suffit à flatter nos egos (rires). D’ailleurs, vous qui connaissez un peu Magie Noire vous savez que nous ne mettons que les headliners sur les affiches et flyers et que nos noms ne sont jamais cités.

D’où vous est venue l’idée de “Magie Noire” ?

Greg : Je garde le souvenir de grosses raves techno où la population était très éclectique et mélangée : gays, hétéros, lesbiennes, gens en sac à dos ou supers lookés, tous se rassemblaient dans une “messe musicale oecuménique” autour d’un genre musical, d’une idée, d’une pensée et toujours d’une envie commune. C’était vraiment agréable car tu pouvais rencontrer toutes sortes de personnes, de toutes classes sociales confondues qui étaient seulement là pour apprécier le moment, et les artistes qui passaient. On prenait le bus pour aller à l’Euphoria dans le sud à Chambéry ou à Grenoble. Et on rentrait tous le lendemain à la ramasse mais avec un gros smile. Plus que l’idée c’est le désir de recréer cette atmosphère qui nous motive.

Et du coup comment avez-vous décidé de vous réunir ?

Greg : Cela faisait un moment qu’on avait cette envie de faire un tel rassemblement “d’ initiés” et de travailler ensemble. On s’entend bien, on a les mêmes envies musicales et des compétences complémentaires et cette vision commune du projet.

On pense que les gens attendent des soirées où on ne se prend pas la tête, où la musique est cool, où on découvre ou re-découvre des artistes de Détroit, Chicago ou Berlin… et d’ailleurs. On serait bien con de pas le faire puisque tout est là y compris le public qui (on le croit sincèrement) est en demande non pas que des meilleurs line up mais aussi de soirées qui lui ressemblent dans toute sa diversité.

Magie Noire c’est plus un concept à part entière qu’une soirée, pouvez vous nous parler de l’univers général de la structure?

Greg : Ce qui était intéressant c’était de mêler les choses que l’on aime : l’art vidéo en est une. Depuis toujours, en allant dans ces fameuses raves de 10 000 personnes, des jeux de lumières étaient présents ainsi que des projections (plus ou moins bien). Personnellement je ne suis pas trop adepte du VJing qui pour moi est souvent une mêlasse d’images plus ou moins heureuses et une sorte de nouvelle mode en boîte de nuit. J’apprécie le mapping où il y a beaucoup de créativité : cependant, on voulait proposer quelque chose de légèrement différent qui était à la fois un peu décalé mais qui en même temps se collait parfaitement à la musique techno.

On a donc demandé à des artistes contemporains qui font de la vidéo ou à des jeunes artistes en devenir (étudiants aux beaux arts…) de s’approprier l’image de Magie Noire. On a laissé carte blanche à ces artistes avec comme seule contrainte de nous proposer des oeuvres en noir et blanc. Des choses complètement différentes sont ressorties et c’est ça que l’on a trouvé très intéressant. Les vidéos que l’on présente, ne sont pas diffusées en boucle durant nos soirées mais elles sont projetées sous forme d’exposition. L’idée étant, de proposer des oeuvres visuelles pas du papier peint. Le public est parfois surpris mais pas indifférent c’est donc que le pari est réussi. Mélanger les arts et cet univers mystérieux c’est laisser la place à l’imagination, au vagabondage.

Ce que l’on souhaite c’est que le public adhère mais surtout qu’il participe activement à la création de cette soirée comme un espace de liberté qu’il s’approprie à son tour, qu’il prenne à son compte cet état d’esprit. On se donne à fond pour en mettre plein les yeux et plein les oreilles mais en fin de compte le succès de la soirée c’est le public. Booker les plus gros artistes ou les plus ‘tendance’, tout le monde peut le faire et certains le font déjà très bien mais cela ne garantit absolument pas que tu rentres chez toi avec le smile. Autrement dit on peu presque considérer le public comme étant un membre du collectif et l’idée me plait beaucoup.

Une soirée techno pourquoi ? Par choix, goûts musicaux, mode ?

Greg : Tout d’abord c’est un genre musical que l’on appréciait et connaissait bien avant l’ère Easyjet (rires). D’ailleurs, l’un des membres de notre collectif est aussi une grande collectionneuse de vinyles autant house de Chicago que techno de Détroit etc… Donc pour nous ce n’était pas un effet de mode dans le genre des “gens qui partent en vacances à Berlin et qui découvre ce genre de musique“. On n’a rien contre Berlin, au contraire la production berlinoise a été et est superbe mais ce n’est pas ni toute la techno ni toute son histoire. Ce n’est donc pas un effet de mode qui nous motive, c’était juste quelque chose que l’on avait envie de faire depuis un moment.

Ce sont des critiques que l’on entend pas mal à Paris en ce moment “la techno c’est à la mode, tout le monde en fait” mais la techno ça fait 25 ans que c’est à la mode.

Le problème du mot “techno”, c’est que c’est un terme galvaudé, il veut dorénavant dire tellement de choses différentes : y en a qui pour la techno ça va être exclusivement le son joué au Berghain, d’autres pour qui ça va être ce que tu entendras au Tekos de Reims, d’autres pour qui c’est exclusivement du Gabber et rien d’autre. C’est d’ailleurs pour cela que nous n’étions pas intéressés par le fait d’être identifiés seulement comme une soirée “techno” au sens d’aujourd’hui qui est beaucoup trop restrictif mais techno-ish.

On peut naviguer de Milton Bradley avec son projet Alien Rain à Abdulla Rashim, OVR , Green Velvet , Théo Parrish , Margaret Dygas , MCDE , Apollonia , UR. Quand t’écoute les premiers morceaux techno parfois ça ressemble plus a de la new wave. Whatever!

Votre soirée est itinérante c’est à dire, qu’elle n’est pas attachée à un club propre. Pour quelles raisons?

Greg : Beaucoup de soirées ont commencé comme ça je pense à qui au départ était la Twisted : Grego G a dit quelque chose de très vrai qui est que le fait de ne pas être rattaché à un lieu est plutôt intéressant car tu peux toucher divers publics en fonction des clubs où tu vas. De plus, pour le public qui te suit cela lui fait découvrir de nouveaux lieux et de nouveaux environnements… Bon après malheureusement tu ne peux pas faire cela pendant des années car quand tu as fait le tour de tous les gros clubs de Paris il n’y a plus d’intérêt là-dedans. C’est peut-être aussi un autre moyen pour les gens d’adhérer à notre projet et à notre univers plutôt qu’à un lieu propre car un lieu c’est versatile, un jour on l’apprécie le lendemain il est devenu “has-been” du coup, circuler de lieu en lieu nous permet de garder un rythme et de surprendre à chaque fois notre public. Peut-être que l’on a pas encore trouvé le lieu parfait et adéquat pour nous aussi : notre volonté est de réellement faire mûrir le projet et dans l’idéal on aimerait beaucoup investir des lieux atypiques et on est toujours à la recherche de quelque chose de différent. Après, il y a des lieux extérieurs comme les carrières d’Issy ou autres qui sont devenus des lieux limites mainstream et que les gens connaissent déjà. Ce vers quoi on tend sur le long terme, serait de faire une fête en extérieur ou dans un lieu où on puisse accueillir 5000 personnes en proposant un plateau et des oeuvres de dingues…

Cette soirée est faite pour quel genre de public, est-ce que vous vous adressez à un type particulier?

G : On s’adresse à tout le monde. La Magie Noire n’est pas une soirée gay, la Magie Noire n’est pas une soirée hétéro, la Magie Noire n’est pas une soirée lesbienne, la Magie Noire c’est une soirée où on a envie de voir une population qui se mélange. Le public que l’on veut et souhaite avant tout c’est celui qui aime la musique, qui aime danser, qui aime la techno, qui aime la nuit dans tout ce qu’elle peut représenter. A la fois un public de connaisseurs mais aussi de gens qui adhèrent à cette philosophie : les gens peuvent venir car ils connaissent les artistes de nos plateaux mais ils peuvent aussi venir pour d’autres raisons…

Notre soirée c’est pas la porte du Montana quoi!

On cherche avant tout à avoir un éclectisme réel dans le public qui vient à nos soirées. On a tout simplement envie de dégager quelque chose de positif, de créatif ce fameux “lâcher prise” et toujours cette idée de créer un espace de liberté et de tolérance. Le DJ n’est pas là pour faire plaisir à un type de personne, il est là avant tout pour partager quelque chose avec le public, il y a une sorte de communion, il touche ton coeur à travers tes oreilles. Magie Noire c’est justement une soirée qui ne se veut pas sectaire, on a pris un terme un peu maçonnique et mystérieux mais en fait c’est le contraire, on n’aimerait qu’il y ait plein d’initiés et que tout cela, se fasse dans le respect mutuel.

Retrouvez le collectif Magie Noire le 2 mai au Showcase avec un line-up démentiel : Green Velvet, Marcellus Pittmann et FunkinEven