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Conversation avec Danger Records : ” Faire de bons disques pour les vrais amateurs “

Un label Français de rock marche du tonnerre mais la presse n’en parle pas. Il était grand temps de casser cette injustice avec une vraie rencontre en bonne et due forme.

Danger Records est ce genre de label principalement connu des fouineurs de bacs à disques : discrets dans les médias mais hyper efficaces quant à la mise en circulation de leurs sorties, ils alignent des chiffres de ventes qui en font l’un des labels les plus porteurs de l’indie hexagonal. Leur force ? Une grande expérience en tant que disquaires, l’obsession pour les réseaux de distribution alternatifs. Surtout, ils ont cette fantastique capacité à transformer des vieilleries oubliées ou laissées pour compte en ” must have ” à travers leurs ré-éditions et de mélanger cela avec des albums groupes actuels géniaux.

Au catalogue ? Charles de Goal, entité mythique de la cold wave 80, la légende urbaine weird-free Lucrate Milk, Sneaks, qui a fait le disque le plus sexy de 2015 ou le très étonnant américain Static & The Cubes, pour ne citer qu’eux. Vous n’en avez jamais entendu parler et pourtant, ils écoulent plus de copies que certaines des grosses icônes médiatiques made in france.

Les 3 larrons du label fêtent leur 2 ans au Point Ephémère à travers un festival à la programmation superbe pour ceux qui aiment sortir des sentiers battus, avec des groupes du label, d’autres qui en sont proches et quelques invités, comme Illustration Sonore.

Comment ? Pourquoi ? Qui sont ces best-sellers masqués ? Rencard au shop de fringues rétro Born Bad rue Keller, pour prendre le temps de discuter de l’histoire du label et de leur façon de faire, bien différente de celle de la concurrence.

Villa Schweppes : Comment s’est formé Danger Records ?

On réédite des disques que l’on adore.

Jeremy : Je travaillais avec Ivan chez le disquaire Born Bad. Il a conservé la boutique de vêtements et on a lancé l’idée d’un label spontanément. En fait, non, l’idée d’un label n’est pas venue comme ça. Je suis devenu très ami avec Patrick Blain, l’homme derrière le groupe mythique Charles de Goal car c’était un client. Très vite, je lui ai dis que j’étais complètement fan de l’album de Coma, le groupe qu’il avait fait avant Charles de Goal et qu’il fallait le rééditer. L’idée a germé et j’ai proposé qu’on le fasse à Ivan parce qu’on s’entendait déjà super bien. Et Patrick a décidé de prendre part directement au projet.

Le label était alors lancé?

Jeremy : On ne pensait pas encore faire, véritablement, un label. Mais on a eu très vite l’idée de ressortir Lucrate Milk et on avait une amie qui venait de monter un groupe de synth-punk à Portland, Sex Crime… Tout est allé très vite.

Le label a fatalement une identité qui semble assez proche du disquaire Born Bad, notamment dans les ré-éditions. Quel est le projet, avec ces ressorties ?

On a aucune présence médiatique.

Jeremy : Évidemment, on réédite des disques que l’on adore. L’idée, c’est aussi de casser les prix par rapport à la cote des collectionneurs. Donner un second souffle, rendre vraiment accessible un disque qu’on trouve mortel. C’est ça, la réédition. Ce n’est pas une démarche altruiste : je veux avoir un disque que je ne peux pas me procurer donc je le ressors. On essaie d’avoir une cohérence artistique. C’est ce pourquoi on sort aussi des groupes actuels qui peuvent sonner comme ce que l’on aurait tendance à rééditer.

Quand on observe un peu le label, on a la sensation que, contrairement à beaucoup d’autres, vous priorisez la distribution chez les disquaires à la promotion dans la presse.

Jeremy : Vous soulevez un bon point, on est nuls pour ça. Faut comprendre que ce que l’on veut, c’est avant tout vendre nos disques. Là-dessus, on est assez forts. La plupart sont sold-out : on arrive à avoir un très bon réseau de distribution en Europe, aux Etats Unis et même Japon. Mais à côté de ça, on a aucune présence médiatique. Je crois qu’on est inexistant en France.

Ivan : Ce n’est pas que le fait d’être mauvais en promo. C’est aussi que l’on s’en fout un petit peu. Ce n’est pas une priorité. On ne fait pas ça pour être connus ou reconnus.

Jeremy : Parfois, ça pourrait aider à en écouler plus largement. Mais à l’heure actuelle, c’est suffisant. On vend déjà tout en fait.

Par rapport à d’autres labels récents, vous pressez de grandes quantités de disques : là où les autres en font 300, vous n’hésitez pas à les sortir par 1000…

Jeremy : Le disque des Kids, on l’a même fait à 1500. Aujourd’hui, on a décidé de ne plus faire que des disques à 500 exemplaires pour avoir un rythme tendu. On aime l’idée de vendre un disque sur la longueur… Mais on a tellement de projets qu’il faut avancer !

Ivan : On vend sûrement aussi ces disques parce qu’ils sont bons. Surtout, les gens les veulent quoi…

Après le bouleversement de l’aspect industriel de la musique, on a parfois l’impression que les labels ont perdu de vue le fait de vendre des disques avant d’en parler.

500 disques à l’échelle mondiale, c’est rien.

Ivan : On est assez surpris quand on entend les quantités que les labels vont produire ou écouler. On se dit que ce n’est pas possible : on entend parler de leurs disques partout et les gars en font 300 et ils peinent à les vendre.

Jeremy : La plupart des gens sont aussi super frileux d’en faire 500, alors qu’en fait, 500 disques à l’échelle mondiale, c’est rien. Dans les 90’s, quand Ivan avant Born Bad, bossait au Silence de la Rue, les volumes de pressage pouvaient être considérables. On sort malgré tout une musique singulière, on a pas forcément besoin de se développer beaucoup plus. Je ne vois pas vraiment l’intérêt que l’on aurait à avoir des chroniques dans tous les magazines trendy alors qu’on fait 500 copies. C’est quoi l’impact ?

Au fil du temps, deux clientèles ne se seraient-elles pas formées dans la musique ? Ceux qui écoutent sur internet, vont aux concerts de temps en temps et ceux qui découvrent et achètent des disques chez les disquaires ?

Faire de bons disques pour les vrais amateurs.

Jeremy : Oui, je pense. Et on touche plus ce second public. Qui est aussi, j’ai envie de te dire, plus curieux et qui va essayer de chercher autre chose que ce qu’on lui propose spontanément. Sneaks, par exemple, je trouve ça super excitant. On a découvert Sneaks il y a peu, elle joue depuis un peu moins d’un an. On y a vu un certain potentiel, quelque chose de très novateur…

Ivan : Tu parles de potentiel. Surtout, c’est que ça nous a plu à fond. Commercialement, on ne peut pas penser à avoir de prétention avec ce volume là. Ce serait ridicule. C’est pour les gens qui veulent l’écouter chez eux, contrairement aux 90’s où l’on faisait 3000 copies parce que les gens découvraient l’artiste à l’achat. Aujourd’hui c’est différent : ils le découvrent et choisissent peut être d’acheter son disque. Le potentiel, c’est celui de faire de bons disques pour les vrais amateurs.

Jeremy : On peut s’intéresser à des choses un peu obscures mais on ne veut jamais être élitistes pour autant. On veut au contraire populariser ce que l’on sort. Rendre ça accessible notamment financièrement.

Vous mettez en ligne les disques à venir mais sans ne jamais vraiment annoncer le moment de leur sortie. C’est odieusement frustrant…

On veut au contraire populariser ce que l’on sort. Rendre ça accessible notamment financièrement.

Jeremy : On tease à mort (rires). C’est notre façon de travailler qui est un peu spéciale.

Ivan : On a beaucoup de projets sans forcément avoir les finances sur le moment. Donc on annonce les disques et des choses viennent s’intercaler entre temps. Par moment, certains projets prennent le pas sur d’autres. Pour Juin, il y aura les disques des groupes qu’on fera jouer au Point Éphémère pour notre festival anniversaire, c’est la priorité actuelle.

Danger Records 2 Years Birthday Festival
19 & 20 juin 2015
Point Ephémère
200 quai de Valmy, 75010 Paris
Event
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