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Bjork, Joey Bada$$, Noveller… Le Rayon Frais du 26 janvier

Cool où es-tu ? C’est à cette question que le rayon frais répond en passant en revue les sorties de la semaine.

Vulnicura : Barney perdu, Bjork retrouvée

Toujours un orteil dans demain et souvent les deux mains dans l’audace, Bjork a donc contacté The Haxan Cloak et Arca pour produire ce neuvième album. Un leak plus tard (un calvaire pour le petit label One Little Indian qui s’achève plutôt heureusement : l’album est dans les principaux tops 10 iTunes) et la sortie de l’album est avancée de deux mois. Un nouvel objet reçu donc dans son plus simple appareil, sans scories marketing phagocytant l’attention suscitée par l’objet à l’instar de son précédent album.

C’est un des écueils dans lequel s’engouffrait Bjork sur Biophilia, oeuvre étouffée dans son concept et par l’artisterie environnant l’Islandaise. Vulnicura est une renaissance à tout point de vue, il marque sa séparation d’avec Matthew Barney et raconte les différentes nuances de rupture en abordant régulièrement le thème du deuil. Une Bjork seule mais pas mal accompagnée, ici The Haxan Cloak glace l’échine, givre le coeur, confectionne une fourrure de flocons et souffle le froid d’effroi quand Arca tort, distord, fractionne.

Ainsi Vulnicura s’apparente à l’hostile et au fascinant de ces bois sombres poussant dans les fééries. Intime, dépouillé, plus direct et abstrait par touches, Vulnicura consacre de vraies bourrasques de sentiment et de grandes mélodies nobles pour se draper. On pardonnera les relents inélégants de Massive Attack début 00’s dans la section rythmique tant le résultat est poignant. Vulnicura ne convoque pas Bjork le génie mais Bjork l’audacieuse au romantisme nu.

Joey Bada$$ passe à l’as

Le freshman auteur d’un boom bap à papa continue à fantasmer un âge d’or du peura qu’il n’a jamais connu et récite ses classiques sur un premier album où il cherche à s’imposer comme newcomer de 95, vingt ans plus/trop tard. Badass est parfait dans le propos. Il aborde la condition d’afro américain avec intelligence, joue sur les mots comme personne, connait une vraie audace technique mais… le résultat ressemble aux pires b-sides du rap des 90’s qui se prenait très au sérieux.

Pourtant armé d’une équipe de producteurs capable de dérouler des classiques clé en mains – DJ Premier ( !), The Roots (!), Hit-Boy (!), J Dilla (!!!) ou encore Lee Bannon et Statik Selektah – Joey Badass oeuvre en tant que maniériste du classicisme new yorkais, cherche les Nas, les Prodigy mais trouve moins la clé de l’intemporel instantané (à la MF DOOM au hasard) que du pré-périmé. Dommage. Le rap c’était mieux quand ?

Noveller et sa planète des songes

Nouvelle épreuve de paysages en drones et de guitares contemplatives pour Noveller. Sur ce Fantastic Planet, Sarah Lipstate fait de ses productions un essor permanent en continuant à souffler des marées stellaires. Soundscapes trouvant son relief dans les stries, Lipstate ouvre un nouveau chapitre à son travail sur la texture en thématisant son objet autour du mouvement. Résulte une masse gazeuse magnifique, ce Fantastic Planet, volcanique et brulant à l’approche du soleil.

Motorama ne réinvente pas la roue

Vous aimez la cold wave de bon poil et le post-punk courtois ? Ces Russes rêvant de Manchester vont vous plaire. Poverty, troisième album d’un groupe qui s’affine avec le temps et se raffine plus qu’un The Drum, propose de la Factory à danser où l’on privilégie le hook à Peter Hook. Poverty est indigent dans sa formule et son audace mais reste un album de plaisirs simples. Voire simplets.

Calypso, la justesse d’une bonne patisserie

Comparer produits alimentaires et musique est toujours un terrain glissant. Pourtant, comparer la pop à une patisserie, un dessert, semble un ici cohérent. Il y aurait alors deux types de fondants au chocolat : celui qui sort du congelateur et qui sent plus le beurre industriel qu’autre chose et celui d’un bon patissier, qui mêlerait l’art de la texture, celui des justes proportions – de sucre, de chocolat, de gras notamment.

Le dernier 45 tours de Calypso sur Metadrone Records ressemble exactement à l’idée qu’on se ferait en musique d’un gateau de la seconde categorie. C’est fin, plein d’évocations, très riche, doux mais exaltant. En deux titres, le quintet réussit à créer une friandise raffinée, servie en petite portion. Loin de vouloir immédiatement se reservir, on se dit que lors de notre prochain passage chez ces maîtres de pop, on aura envie d’essayer autre chose. Un long format? Espérons. Quoi qu’il en soit, ce single est un savant régal.

Paris, Ker meilleur que jamais

Supergroupe issue de la mafia des quadras parisiens, Paris rassemble des membres de Poni Hoax, Limousine et du précieux Gyrls. Après un album parfois laborieux dans son élaboration avec son groupe principal, il semble que Nicolas Ker ait eu un sacré désir de revanche : pour preuve, dans cet album conçu comme en famille et sorti aujourd’hui sur Ekleroshock, il chante comme il n’a jamais chanté. Juste, pertinent dans tous ses placements, puissant comme à ses débuts, il brille de mille feux. La production est tout aussi réussie, évitant les facilités electro-pop pour planquer dans la pop un vrai disque de synthétiseurs, épais comme celui d’un Blackmail ou d’un Sommet. Victoire par K.O. des anciens dans le match contre les kids du rock de France.