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Paris, sa banlieue et sa nuit avec Macki Music

Depuis deux ans, c’est dit et répété, Paris renait et renoue avec sa nuit. Parmi ses bienfaiteurs, les promoteurs Cracki et Mamie’s qui s’associent les 4, 5 et 6 juillet prochain pour le Macki Music Festival.

Alex et Donatien font partie de Cracki, label et ambassadeurs d’une autre nuit à Paris aux côtés des Concrete, SNTWN, Die Nacht, Alter Paname ou Mamie’s. C’est avec ces derniers que Cracki s’associent en ce début juillet pour fonder le Macki Music Festival, dont la première édition à Carrières Sur Seine perpétue cette ruche à riches idées que sont leurs événements, cette fois-ci à l’échelle de milliers de personnes.

Si on comprend parfaitement la cohérence entre les lignes de Cracki et la Mamies, c’est quoi le bénéfice de cette association ?

Alex : Avec la Mamie’s ça a commencé lors d’une fête que l’on donnait à Ivry, en 2010, au Culture Palace. Une semaine après notre fête, il y en avait une de la Mamies au même endroit. Petit à petit on a commencé à se fréquenter, à faire la fête ensemble et l’idée de monter un projet commun est née rapidement. On cherchait une usine désaffectée, ça n’a pas fonctionné, est née par la suite l’idée de l’open air puis du festival.

Donatien : Et puis lorsqu’ils ont investi La Ferme du bonheur, ils nous ont booké Isaac Delusion, l’Impératrice et ils sont venus jouer à un de nos open air et il y a eu un échange entre nous.

 

Et lorsque l’idée du Macki est née, vous aviez un leitmotiv, une idée précise de la ligne ?

A : oui, c’était vraiment perpétuer la ligne de nos évènements avec un travail sur l’ambiance, hyper important chez nous et des tarifs accessibles. L’accueil chez nous c’est essentiel, ça passe par la scénographie. C’est aussi important que la musique pour nous, on veut absolument partager une expérience.

D : Et puis le leitmotiv c’était de dénicher des petits groupes qui étaient voués à devenir connus.

A : Oui, sans prétention, devenir défricheur. Prescripteur de petits groupes pas forcément connus comme Mop Mop mais qu’on soutient. Leur donner la chance de jouer devant des gens qui ne connaissent pas vraiment ça mais susceptibles d’apprécier. Créer des liens en somme.

D : Et puis on a voulu créer un truc entre deux générations. Reijjie Snow et Lordz Of the Underground c’est vraiment deux époques. On voulait faire communiquer nouvelles scènes et anciennes. Comme Schatrax qui n’a pas joué depuis 2001, qui est une légende des 80’s, assez underground mais respecté du milieu. Aujourd’hui, il ne fait plus de musique, il habite sur l’Ile de Wight tout seul et vient juste pour une représentation sur la Macki.

 

Tu parlais de scénographie à l’instant. Qu’est-ce que ça implique ? Vous avez des des modèles en termes de festivals ? Vous essayez de restituer des idées ?

A : Oui ça fait longtemps qu’on se rend sur des festivals et qu’on voulait créer le nôtre. Je ne pensais pas le créer maintenant mais c’est génial que ça arrive. Benicassim, Sziget, ça nous inspire depuis longtemps. Après l’idée c’était aussi d’utiliser la dynamique de nos potes, photographes, dans le ciné, architectes, designers. On s’est entourés d’eux pour créer une équipe. Certains bossent sur le Bellastock , festival d’archi, ils se sont inspirés de ça, moi j’aime bien le Wilderness en Angleterre que je trouve hyper chaleureux et je voulais restituer ça.

D : On avait commencé comme ça avec Cracki. On récupérait du matos dans la rue, des canapés et on recréait des salons lors de nos évènements. Ici, on voulait reprendre notre concept et le pousser un peu plus loin. Et continuer à surprendre le public, ça nous importe.

A : On s’inspire d’autres festivals mais l’idée n’est pas du tout de reproduire ce qu’ils font, attention. L’idée c’est de bosser avec des mecs comme ce squat à St Ouen qui crée des structures surprenantes et si on s’inspire d’un endroit, un savoir-faire c’est pour recréer quelque chose de vraiment nouveau.

 

A l’avènement des Concrete et consorts, les opens airs et autres fêtes en banlieue dans des warehouse, on abordait la lassitude du public pour le format club. Vous pensez qu’il y aussi une lassitude du festival tel qu’il est pensé aujourd’hui ? Qu’il y a une demande pour de la fraicheur ?

A : Moi ce que je veux, c’est être surpris en me rendant sur un festival. J’ai envie d’être initié à quelque chose et c’est cette nouveauté qui crée des souvenirs, qui reste en tête. Je pense que le public veut être surpris. Mais c’est bon d’avoir les deux, le public a aussi envie de savoir où se rendre s’il a juste envie de danser.

D : Et puis on veut rester un rendez-vous à taille humaine. Pas tomber dans l’évènement à échelle industrielle.

 

Vous avez prévu quelle jauge ?

A : 4000/5000 par jour. C’est pas mal déjà, il faut les remplir. Mais c’est considérable pour nous, on gère ça avec nos deux boites, il n’y a pas de gros trucs derrière. Dans cette ambition, on s’inspire de festivals comme Nachtdigital à Leipzig qui accueille 3000 personnes ou le Midi Festival.

D : Ca nous tient à coeur que le public n’est pas le sentiment d’être une vache à lait, faire quinze minutes de queue pour manger un kebab infecte, il en est hors de question.

 

Et la répartition des rôles entre Cracki et Mamie’s ? Une entité gère plus l’artistique et l’autre s’occupe de la logistique ?

A : Ouais, on est une dizaine, on était obligés de créer des pôles. Mais ça reste très démocratique dans nos choix.

D : On se répartit en équipe si tu veux, un Cracki est toujours avec un Mamie’s. Mais l’artistique a été élaboré tous ensemble, tout le monde a jeté des noms sur la table et on a vu ce qui était faisable et intéressant.

 

On a abordé la question de la politique tarifaire à l’instant. C’est un grand sujet de plaintes des parisiens même lorsque, à l’instar du Weather, on essaye de travailler à une accessibilité maximale.

A : Tu trouveras toujours des plaintes dans tout ce que tu fais, c’est logique. Après, tu t’y attaches ou pas.

D : Mais c’est assez propre au public français quand même.

A : Oui mais à la source même de nos événements tu trouves une volonté d’accessibilité. On voulait faire jouer nos potes et on ne voulait pas que le public paye un tarif d’entrée ou de conso qu’on ne pourrait nous-même pas payer. Quand tu vois les plaintes liées au Weather, il y en a énormément concernant les prix. Mais monter un événement pareil, c’est un cout énorme, le public n’en a aucune idée. Il y a la législation, il y a la police, il y a des milliers de paramètres derrière, que le public ignore. C’est facile de taper sur les prix systématiquement, mais ça se remarque lorsque tu es dans un évènement tenu par des mecs qui essayent de faire du fric. On n’est pas là pour faire des mille et des cents mais on doit quand même gagner un peu notre vie quand même.

D : Et puis en privilégiant des prix bas, ça favorise la mixité du public.

 

Et vous, hormis quelques événements, vous considérez que la fête en France/à Paris est trop chère ?

A : Ça dépend. Des fêtes comme Alter Paname, c’est relativement peu cher, par exemple. Mais bon, on est à Paris, il ne faut pas l’oublier, les loyers sont excessifs, les clubs ont des frais de fonctionnement énormes, c’est logique que ça soit cher. On ne peut pas être compétitif avec Berlin où les loyers sont beaucoup plus accessibles. Et puis en termes de législation aussi, c’est très difficile d’avoir un lieu ici aussi, tu es très contrôlé. Mais je pense qu’il y a un vrai ras-le-bol de tout ça d’où la prolifération de collectifs proposant des entrées à bas prix.

 

Et justement cette politique d’accessibilité, ça permet renouveler le public, d’amener un nouveau public vers l’électronique et de rendre le genre plus populaire ?

A : Complétement ouais. Et puis réciproquement le public est de plus en plus éduqué sur le sujet, ça participe au succès de ce genre d’événements.

 

En délocalisant en banlieue, avec votre politique, vous ressentez que le public pour la musique électronique devient de plus en plus extra-muros ?

A : Oui. Et puis c’est un public qui n’est pas négligeable du tout. Là sur le festival, on n’a plein de gens de Carrières sur Seine qui bosse avec nous, des assos. C’est une dynamique que l’on essaye de s’approprier aussi.

 

Une des grandes questions que soulève un événement en banlieue, c’est la question des transports. C’est un frein pour avoir une nuit compétitive à l’échelle européenne (comparé à Berlin notamment où l’on trouve des transports toute la nuit, ndlr) ?

A : Bien sûr oui. Si on avait des transports toute la nuit, ça nous aurait aidés pour pas mal d’événements. Après, ça fait partie de l’aventure aussi, combien de fois à Berlin on a marché une demi-heure depuis le métro pour trouver un open air.

D : Et puis l’espace à Paris est tellement restreint que l’on a plus d’autre choix que d’aller en banlieue. Et contrairement à ce que l’on raconte les Parisiens n’ont plus peur de traverser le periph.

A : Oui ça nous aiderait s’il y avait plus de transports, ça va arriver avec le Grand Paris mais ça fait encore 5/6 ans à attendre. Mais est-ce que ça va repousser juste les frontières ? Le développement des transports en commun va de pair avec un développement immobilier et les spots que l’on trouve aujourd’hui seront des logements demain. Et tant mieux mais ça signifiera qu’il faudra sûrement aller encore plus loin.

D : Mais on dépend encore beaucoup des transports et c’est peut-être aussi à la RATP de jouer le jeu et de marcher main dans la main avec certains promoteurs. Ils le font avec certaines entreprises privées. On est peut-être trop jeunes encore, on a besoin de donner confiance.

A : Mais c’est vrai que l’on manque de soutien de la part des politiques. Ça manque cruellement d’initiative pour nous pousser et nous aider à nous sentir considérés. Par contre, cette année, on est partis voir la mairie de paris, on a vraiment été écoutés, ça nous a vraiment redonné espoir.

 

C’est notamment du fait des transports que vous avez dû arrêter le main event à 22h ? Pour s’adapter aux transports ?

A : Oui et pour le voisinage aussi. On est obligés de finir à 22h.

 

Deux petites questions assez courantes pour terminer : quels sont les avantage de Paris ? Et ses inconvénients ?

A : Un gros avantage est qu’on a un public incroyable. Les gens se bougent, veulent faire la fête. Ça m’impressionne toujours. Il cultive une certaine curiosité.

François (un troisième Cracki est arrivé entre temps, ndlr) : Un avantage qui est aussi un inconvénient est que le public parisien est assez critique. C’est un inconvénient évident mais ça peut devenir un avantage parce que ça nous pousse à chercher le meilleur.

D : Néanmoins, on y réfléchit souvent à la critique. Ça peut, même inconsciemment, nous pousser à nous autocensurer.

A : Je vois ça comme une tentative de notre part de se mettre à la place de notre public.

F : Mais un des inconvénients majeurs reste l’espace. Paris intramuros est hyper dense et ça nous pousse à aller chercher loin en grande couronne. C’est un véritable inconvénient, quand tu es dans un espace où le premier voisin est à 300 mètres, ça offre un certain confort pour mettre en place l’événement. À Paris, il y a de la place laissée à la création mais pas à la fête.

Site internet du Macki Festival