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Interview : Les lives Matière Brute, c’est quoi au juste ?

Mercredi 26 novembre avait lieu la troisième édition de “Matière Brute”, une soirée-concert où le public est invité à découvrir deux artistes en live au milieu d’une salle entièrement redorée afin de mieux comprendre son processus de création. Rencontre avec les organisateurs.

La Villa Schweppes : Bonjour ! Présentez votre soirée “Matière Brute“.

Les organisateurs de Matière Brute : Bonjour ! Alors tout d’abord, petite rectification : nous rejetons le nom de “soirée” et préférons celui de “concert” du fait que nous organisons des performances live en semaine et de 20h à minuit et non des DJ sets tard la nuit.
Les fondateurs du projet sont Philippe Marsaud, directeur Artistique de l’agence événementiel Grand Secret, et les membres du collectif SEML. Nous voulions tous aboutir à quelque chose de différent et proposer en cela un format qui le permette. L’idée du concert est venue tout naturellement.

Pourquoi le nom de “Matière Brute” ?

MB : Le nom Matière Brute est venu de Philippe. Il voulait une appellation qui retranscrirait bien l’idée de voir naître la composition d’un artiste de musique électronique dans son ensemble, et de pouvoir l’offrir aux spectateurs de manière visuelle et intimiste.

Quel est le concept ?

MB : Il s’agit d’appréhender et apprécier la musique électronique autrement que par le binôme club-after. L’écoute de la musique électronique se résume bien souvent aujourd’hui à une sélection de vinyles passés les uns à la suite des autres, sans pour autant voir le travail qu’il a représenté en amont par l’artiste que nous écoutons. C’est aussi cette idée que nous défendons : Pourquoi un artiste n’aurait-il pas le droit d’avoir un format concert pour son oeuvre ? Pourquoi devrait-il se cantonner au format club où la proximité est difficile d’accès et où finalement seul le résultat compte et non l’ensemble, à savoir composition + performance = son ?
Organiser ces concerts Matière Brute, c’est également l’occasion de pouvoir mettre en avant de jeunes producteurs, affiliés au Label SEML, lors des premières parties de concert.

Vous organisez toutes vos fêtes au Divan du Monde. Pourquoi là-bas ? Comment ça s’est fait ?

MB : Nous voulions un lieu qui ne soit pas un club trop connoté à un seul environnement musical. Nous cherchions davantage une salle de concert. Le fait est que Philippe travaille en partie pour le Divan du Monde, fut une occasion de voir comment nous pouvions transformer ce lieu en une salle capable de recevoir une toute autre configuration.

La scénographie est très importante pour ce projet, n’est-ce-pas ?

MB : Elle est l’image communicatrice extérieure, celle qui nous permet de vendre le projet comme “différent”. C’est elle qui défini comment les gens vont se comporter autour de l’artiste. Oui, “autour” fut le mot clef. Par soucis de se tenir à ce que nous présentions (nb “chaque session aura lieu en semaine de 20h à 00h, dans un lieu intimiste, pour une proximité maximum avec l’artiste…”) nous avons cherché quel scénographie serait la mieux adaptée.

Et résultat ?

MB : Le collectif SEML avait rencontré à Amiens le scénographe aux idée assez surprenants, Clément Mercier-Sanders. Nous avons demandé qu’il travaille avec nous sur ce projet avec l’idée de reprendre son projet de scénographie centrale, mais en inversant le principe (L’espace du Divan nous permettait d’avoir 200 personnes au sol encerclant l’artiste, c’était donc parfait). Les artistes se trouveraient donc autour d’un “cube” et plus précisément des “light-cube” plus une projection.
Le plus étonnant fut la réaction du public lorsque ce dernier a découvert le lieu aménagé de la sorte. Les gens n’osaient pas s’aventurer au plus près de l’artiste, alors qu’ils n’hésitent parfois pas à venir s’entasser derrière les DJ booth des Boiler Room (Effet de la vidéo ?). Et finalement il n’a fallu qu’un moment pour que les esprits se chauffent et pour que ce petit monde se réunisse un peu plus proche du cube.

Et dansent ?

MB : Non, ce n’est pas le but ! Les gens se rapprochent, observent l’artiste en pleine performance, prennent le temps de comprendre sa production.

Vos évènements ont lieu de 20h à minuit. Pourquoi si tôt ? C’est vraiment pour vous la seule façon d’appréhender et d’apprécier la musique électro ?

MB : Le choix de l’horaire et de sa position en semaine est volontaire. Par expérience, nous vivons la musique électronique comme un univers que nous percevons et captons le plus souvent tard la nuit, et dans un environnement sombre et entouré d’une foule bien souvent alerte aux nouvelles expériences. La musique électro brasse aussi un public qui est de plus en plus large. Cette nouvelle génération consomme la fête de manière exhaustive, sans pour autant prendre le temps de savoir qui fait quoi, et comment (c’est un peu pousser une porte ouverte que de dire que l’image de cette musique n’en subit pas moins les conséquences auprès du “grand public”). Nous ne cherchons pas à intellectualiser la musique, nous voulons tout simplement le meilleur créneau pour l’apprécier à sa juste valeur, et valoriser le travail de ses compositeurs. Nous pourrions tout aussi bien proposer ce projet de jour, en extérieur, lorsque la météo nous le permettra. Il n’est pas conditionné à exister uniquement sur ce format en début de soirée, ni à vivre uniquement à Paris…

Votre politique d’accessibilité en termes de prix (6 euros l’entrée en prévente et 8 euros sur place seulement), c’est dans le but de convertir de nouveaux clients à la techno ?

MB : Il semble que beaucoup n’ont pas pris conscience de cette accessibilité depuis la première édition ! C’est d’ailleurs assez décevant vus les efforts fournis pour proposer une prestation de qualité… Le projet doit acquérir en maturité, se faire connaitre et, ainsi, pouvoir être à la hauteur du prix proposé. Dès lors, il deviendra plus facile de justifier des tarifs plus élevés pour des artistes plus “couteux”. Sans oublier quand même que nous préférons ne recevoir qu’entre 200 et 300 personnes maximum autour de l’artiste pour garder un vrai côté intimiste aux lives.

Ces artistes que vous avez déjà bookés lors des trois première éditions, parlez-nous en.

MB : Nous souhaitons que le public puisse comprendre les tenants et aboutissants d’un artiste, son univers, et comment il pratique la composition de ses oeuvres musicales. Et ceci tel que soit son courant et pas seulement un producteur de musique électronique. La preuve : les trois premières dates ont clairement représenté des artistes de différents styles. Juju & Jordash = Leftfield – Deep House. Cuthead = Breakbeat – Dubstep – House et Voiski = Techno – Drone.

Paris c’est vraiment le nouveau Berlin ou tout le monde exagère en disant ça ?

MB : Cette phrase nous exaspère un peu à la longue. Paris c’est Paris, Berlin c’est Berlin. Ce qui est arrivé à Berlin ne peut s’appliquer historiquement à Paris. Effectivement, De ce faite, la population française n’a pas du tout la même appréhension vis-à-vis des musiques électroniques. Ce serait donc stupide de vouloir se comparer à une autre ville. D’ailleurs, sur quels critères peut-on juger cela, et qui en a le droit ? Non, chaque ville à sa façon d’évoluer, et prend ce qui est à prendre sur un courant artistique.
Il est vrai néanmoins que, depuis quatre ou cinq ans, la musique électronique à Paris rebondit sur un style qui lui va plutôt bien. La capitale devient importante en la matière, on en profite tou (nous les premiers), mais n’a rien de fondatrice pour autant en termes de house et de techno.

Quel est votre/ vos clubs préférés à Paris (et environ) ?

MB : Les clubs historiques et fondateurs comme Le Rex, Le Batofar, La Java… mais aussi ceux qui ont relancé ce mouvement (La Concrete…) et les nouveaux qui complètent la scène : Le Badaboum, Le Monseigneur…

Et quelle(s) soirée(s) et festivals (toujours à Paris et banlieue) ?

MB : Le Weather est indéniablement LE festival qui a tourné une page, bonne ou pas, dans ce que nous cherchions jusqu’aujourd’hui, c’est-à-dire la volonté faire des événements de grand ampleur, légaux, en touchant un public de connaisseurs et de curieux. Oui, il y eu le temps des premières soirées We Love Art, celles où il était incroyable de voir 4 000 personnes dans un seul et même espace, le même soir, danser sur de la minimale techno, aux rythmes des artistes Minus et co… Mais laujourd’hui, nous avons dépassé ce stade !
Remarquable et à soutenir également : le projet monté par les copains de Cracki et de la Mamie’s, le Macki Festival. La première édition l’année dernière fut une nouvelle dimension. Fini la connotation fête tournée sur un seul et unique style musicale. Maintenant, il s’agit de faire découvrir à des non-initiés des artistes d’un tout autre courant musical et de mélanger les publics sur un seul événement.
Et puis il y a aussi tous les événements organisés ponctuellement durant l’année, en extérieur de Paris, en banlieue. Parfois réussi, parfois non.

Vous pensez quoi du travail de tous les collectifs confrères Blank, Blue, BP, La Mamie’s, La Draft, Cracki etc. ?

MB : Nous participons tous au renouveau et au dynamisme de cette scène musicale. Avec chacun sa manière de voir les choses, de proposer des projets différents. Une chose est sure : nous ne devons en aucun cas nous considérer comme des “ennemis”, mais plutôt profiter de la force de chacun en s’associant – comme il arrive sur certains projets – pour proposer des événements. Il n’y a jamais eu autant de structures de type associative/collective ou de jeunes labels indépendants à Paris qu’en ce moment même. À nous de savoir en tirer les avantages…

Dans vos rêves les plus fous, à quoi ressemblerait votre soirée idéale (Où ? Avec quel line up ? Etc.) ?

MB : Question complexe, car elle demanderait de prendre en compte pas mal de données relatives à l’événement en soit. Mais nous, SEML, aimons beaucoup le projet que nous avons monté avec nos potes de Jekyll&Hyde : “12.12.12”, une fête qui se déroule dans un Loft, de midi à minuit, un samedi, avec 250 personnes. C’est à chaque fois une expérience particulière et très agréable.

Vous dites que ce projet est “ambitieux”. Quoi de prévu pour la suite ?

MB : Ce projet est ambitieux, parce qu’il est modulable, il n’est pas figé. Il est adaptable à tout type de situation comme nous le précisions plus haut, ou tout type de musique. Nous verrons en fonction de son évolution, mais Matière Brute pourrait très bien acquérir une réelle première partie avec une intervention public/artiste. Le plus intéressant, c’est l’aspect mobile de notre évènement. Il pourrait ainsi prendre place dans n’importe quelle ville de France, voire même à l’étranger. On pourrait ainsi mettre en avant des artistes locaux au côté d’une tête d’affiche.

La nuit…

MB : …il fait noir, à nous de l’éclairer.