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Rayon Froid : les disques dont on a oublié de vous parler

Trêve des confiseurs oblige, aujourd’hui le Rayon Frais fait amende honorable et revient sur ce qui en 2014 est passé à la trappe.

Untold : spirale noire, trou blanc

On l’abordait en tant que découvreur de Breton ou dans un Cabinet de Curiosités, le génial Jack Dunning se réveille après pas loin d’une décennie de service à l’électronique d’autrui (via son label Hemlock) pour faire paraitre l’oeuvre la plus physique en techno de cette année : Black Light Spiral. Pour comprendre l’objet, il était bon de se référer à Change In A Dynamic Environment, une série d’EPs d’Untold trahissant – dès le nom – l’architecture de sa techno. Penseur de la bass music – le genre qui n’indique aujourd’hui plus rien d’autres qu’un ventre bas, dur et lourd – au même titre qu’Orbison, Pangea, Mount Kimbie ou Koreless, Untold aime effectivement à travailler sur les mouvements dans des environnements dynamiques. Un jeu sur la profondeur, le cycle, la lumière où les espaces et les perspectives se confondent jusqu’au troublant. Black spiral, trou blanc.

Lee Gamble, le brutalisme cuit à l’étouffée

Bien que nous l’ayons évoqué comme un bijou brutaliste plus tôt cette année, admettons-le, nous n’avons pas sauté sur l’occasion de couvrir dans une envergure décente KOCH. Sorti chez Pan – maison berlinoise tenue par le taulier grec de la techno Bill Kouligas – ce troisième LP est comblé de présences physiques en lévitation permanente, se modelant et remodelant dans l’air. Gamble sculpte les espaces, fait du silence une matière à part entière et impose un charme dans la techno des géomètres. Quant à son clip pour Motor System, Gamble expliquait que “la vidéo est bâtie partiellement sur des idées liées à l’architecture brutaliste“. Une formule qui s’applique à ses productions, ballets d’ergonomie et valse (de la) mécanique sans avoir à plonger les mains dans le cambouis. Puissant et dur comme du v12 allemand, classieux et discret comme un moteur britannique, Gamble pratique une techno de dur à cuire, cuite à l’étouffée. Mentale et contemplative, la musique de Gamble se palpe, se décèle plus qu’elle ne s’écoute. Une électronique qui ne se propage pas dans l’air et n’existe qu’en son auditeur. Brillant.

Aygee Tee & Kinlaw, le son du dark net

Après une première compilation marquante, le label hors cadre Permalnk propose sur une seconde clé USB (support le moins vendeur après le mini-disque, donc d’autant plus romantique) un EP entre Kinlaw et Aygee Tee, deux entités présentées comme respectée dans le net-bac à sable de Permalnk : la vaporwave, le digital art etc… Permalnk a ici fait le choix de rapprocher son obsession pour “la musique internet” avec la techno “de club”. Attention, tout de même, cet EP n’a pas vocation à faire dans le killer track, mais les références au genre pullulent. Les quatres morceaux, downtempo, correspondent à l’idée qu’on pourrait se faire de la musique industrielle à l’heure d’internet. “Kos Bir” sera le track le plus évocateur. Les remixes en fin d’EP ne gâchent rien, notamment celui de Karmelloz.

Hørd, bande son de l’hiver

Autre label placé sous nos radars et suivi ici avec attention, Les Disques Anonymes. Ces Rennais, organisateurs, entre autres, de l’excellent festival Vision à Morlaix, ont sorti récemment la cassette du bordelais Hørd, parfaite pour l’entre-deux-fêtes.

Hord a beau se revendiquer d’une musique “gelée”, la chaleur de ses morceaux vient emplir l’espace sonore et fait office de radiateur d’appoint : Les quatre tracks de ce EP mettent de l’humain dans la vague de froid, non sans une certaine violence – Heart Part One – ou un goût du rêve à la Volcan ou Egyptology – Delivrance. On a hâte d’entendre l’album.

Bonus

S’il n’a jamais été homme à conduire entre les lignes, Kassem Mosse à fait paraitre cette année un engin qui roule clairement dans la brume et piétine dans le morose. Workshop 19, c’est de la deep house et pas du tout, parfois techno mais jamais vraiment, ça semble familier et pourtant ça n’est comparable à rien d’entendu… Ce Workshop 19 est d’une simplicité éclatante et envoie Gunnar Wendel faire du hors-piste, mais sans danger, dès le debut album. Charmant et chaleureux.

A la sortie de Music For The Uninvited, certains ont cru y voir du Four Tet en puissance. Pourtant Leon Vynehall fait déjà partie de ces grands jardiniers-paysagistes de la house, organique, fleuri, luxuriant et généreux sur le hook. House parfois jusqu’au deep, élégant à souhait, on se demande qui en 2014 est capable de produire pareils papiers peints composés comme des toiles de maitres. Plus tôt cette année, nous parlions de son single Time en ces termes : “de la house cotonneuse, arrangée à la guirlande et aux scintillements intermittents. Bref ce “Time”, c’est de la neige chaude“. Voilà qui est valable pour tout le LP.