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Lentonia, l’engagement chevillé au corps

On continue notre tour des structures présentes durant le Village Label de la Villette Sonique. Aujourd’hui, on vous fait découvrir Lentonia Records !

Plus que deux petites semaines avant les festivités. Cette fois-ci, on fixe notre regard sur , lancé en 2006 par Elise Pierre et rejoint trois ans plus tard par Emmanuelle de Hericourt. En un peu moins d’une dizaine d’années, le label a fourni “seulement” 14 disques aux bacs des disquaires. Un rythme calme mais logique pour un label nommé en hommage à la lenteur.

Musique féminine, musique de qualité

Si les deux meneuses de la maison prennent leur temps, elles ne chôment pas pour autant. Leur activisme et leur exigence ont fait de la structure l’une des références en matière d’électro tordue, réussissant à créer un vrai environnement et une fanbase solide.

Dans l’univers ultra masculin de la musique indépendante, Lentonia a choisi de faire la part belle aux femmes : “Lorsqu’on ouvre un magazine indé ou électro, la représentation féminine plafonne en dessous des 10%. Ça n’est pas normal. Nous ne perdons pas de vue non plus que nous sommes dans un pays très patriarcal. Les derniers événements nous confortent dans notre direction”, explique Emmanuelle de Hericourt.

Pourtant, il serait réducteur de s’arrêter à la dimension politique du label : si les disques sortent avec parcimonie, c’est parce qu’ils sont choisis avec exigence. Pas de “petites sorties”, au contraire, de nombreux beaux disques à l’image de ceux d’Unison ou Phoebe Jean & The Air Force. Emmanuelle de Hericourt elle-même, quand elle réduit son nom à EDH, devient l’une des artistes les plus brillantes de l’avant-garde électronique française.

“Au départ, Elise avait comme modèle le label Dischord, de Washington D.C. pour le fonctionnement. Elle voulait quelque chose de très équitable entre label et musicien. On a dû s’en éloigner parce que les temps ne sont pas les mêmes. Quand on démarre un label, il y a toujours pas mal de fantasmes et d’utopies, et c’est bien comme ça. Concernant la mise en avant des femmes, nous avions dans notre paysage le label allemand Monica Enterprise tenu par Gudrun Gut. A Paris, Tsunami Addiction oeuvre aussi dans ce sens là”, explique EDH.

Repenser le système

La place des femmes dans la musique n’est pas le seul point de réflexion de Lentonia. EDH s’est, par le passé, offert quelques saillies musclées sur la Sacem. Après avoir expérimenté les licences de droits d’auteurs alternatives de Creative Commons, elle a été contrainte de retourner vers l’organisme “officiel”, non sans douleur : “La Sacem est un système injuste pour les musiciens indépendants. Dans les milieux associatifs où nos musiques sont diffusées la plupart du temps, l’argent versé à la Sacem revient pour une bonne partie aux artistes mainstream qui justifient un certain nombre de ventes. Ce qui reste, une fois qu’ils ont été servis, ce sont les irrépartissables, qui, comme leur nom l’indique, ne sont pas répartissables. Il y a une logique du petit qui bosse pour le gros. Ce système ne me plaît pas. Le problème de licences comme Creative Commons, c’est que les diffuseurs continuent de payer la Sacem de toutes façons. La Sacem était donc alimentée par mon travail, sans mon autorisation. J’ai finalement dû y adhérer pour récupérer mon argent. Les Creatives Commons sont une très bonnes initiatives mais restent encore une impasse dans certains cas”.

Les plateformes de streaming fonctionnent sur le même principe : “Le streaming, c’est un point assez chaud. Ce qui est clairement frustrant, c’est de faire partie d’un système dont nous ne sommes même pas les acteurs et dont les bénéfices sont redistribués aux plus commerciaux. On alimente cette grosse machine sans avoir donné notre consentement. Nous avions demandé a être retiré de Deezer et Spotify, par principe. La réponse du distributeur: “C’est inclus dans le forfait, si vous les retirez, vous serez absent de toutes les plateformes de vente en ligne””.

Après une petite décennie, Elise Pierre et Emmanuelle de Hericourt sont en passe de réussir leur premier objectif, ayant créé un label rassemblant des femmes qui rivalisent au moins aisément avec leurs homologues masculins. Leur second combat, celui qui vise à trouver des alternatives à un systeme qu’elles jugent défectueux, nécessitera quant à lui de l’organisation et l’adhésion d’autres structures pour être entendu : à l’heure où une grande partie des labels semble préférer éviter tout contact avec des institutions qu’ils considèrent comme obsolètes, Lentonia a parfois du mal à trouver un écho. Pour autant, en avançant lentement mais sûrement, rien ne semble capable de les arrêter.

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