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“Forest Music” d’Acid Fountain : comment fait-on un clip avant-gardiste ?

En faisant appel à Sybil Montet, Acid Fountain était à peu près certain de se retrouver avec un clip dantesque. La vidéaste n’a pas déçu. On a posé quelques questions à la réalisatrice sur son travail et la façon dont elle abordait l’exercice du clip.

Si vous nous suivez attentivement, vous devez connaître Acid Fountain depuis l’époque de “Altana + Adult Aural Tears” sur Alpage Records. Son dernier album, Fauna Diction, est sorti sur son propre label, Hylé Tapes, et est une merveille de lyrisme électronique. Aujourd’hui, il sort son nouveau clip, “Forest Music”. Un morceau long de près de 10 minutes, qu’il a confié à la vidéaste Sybil Montet pour une plongée incroyable au fin fond de la flore numérique.

Contrairement à d’autres artistes du genre, Montet ne joue pas la facilité avec du glitch “brouillon-romantique”. Au contraire, elle semble attacher un soin particulier à ce que chaque clip soit parfaitement identifiable, pour un résultat indéniablement à une certaine avant-garde. Soyez d’ailleurs attentif la prochaine fois que quelqu’un vous en met plein les yeux en club : elle exerce aussi en live. On a voulu comprendre sa manière de travailler.

Villa Schweppes : Tu travailles la vidéo en live pour illustrer morceaux. Quels procédés techniques utilises-tu ? Les deux exercices sont-ils profondément différents ?

Sybil Montet : Pour les vidéoclips, il s’agit plus de trouver la dimension visuelle d’un morceau, que de l’illustrer. Comme pour le live d’ailleurs. Inventer une symbolique, une narration, abstraite ou non, qui entre en résonance avec la musique. Je cherche à rendre visible des images mentales et des sentiments. J’utilise les mêmes outils en live que pour créer des vidéos. Seule leur place diffère dans le processus. Première pro, After effects, un synthétiseur vidéo analogique que je couple avec un lecteur vhs et une tv, et Modul8, un logiciel de vj qui est primordial en live mais dont je me sers également comme outil de création. L’exercice est différent dans la mesure où le live se joue dans l’instant. C’est souvent de l’improvisation totale, et parfois de la transe. Quand je crées un clip j’ai le temps de structurer mes idées et le processus est beaucoup plus long, précis. Quel que soit le médium, le rythme est souvent primordial.

Les clips pour Sydney Valette et Acid Fountain sont très différents : comment les imagines-tu ? Qu’est-ce qui en est le point de départ ?

Sybil Montet : Pour le clip de Sydney, “P.A.R.I.S”, il s’agissait de traduire une mélancolie un peu post-goth, d’intégrer Syd dans une ville aussi brillante et rugissante – la Ferrari – que morbide et déprimante. D’où la caméra analogique, le grain, le noir et blanc, les tombes, la tour Eiffel déformée et la Seine, qui se meut mais qui semble rester toujours la même. “Forest Music” est une fable éco-digitale où je dilue un sentiment de romance un peu mutante dans des paysages abstraits. Le morceau est long, progressif, mystérieux et sensible. J’ai commencé par créer des textures issues de films d’amour avec mon vidéosynth, et j’ai puisé des images fixes – beaucoup de trucs en 3D – et une séquence d’orage la nuit sur le net. J’ai tout déformé et structuré dans des compositions digitales avec Modul8 et Première pro. Ce qui joue aussi c’est le moment où le clip tombe dans mes propres recherches “plastiques”. Si je suis à fond dans des expérimentations abstraites, ou si je reviens de sessions où je filme dans la nature par exemple, ça risque d’influer sur la vidéo.

Comment sélectionnes-tu tes images de base ? Tu les crées ? Tu parcoures les tréfonds d’internet ?

Sybil Montet : Ça dépend du projet. Pour le live, je travaille sur ce que j’appelle de la média-archéologie et du collage-vidéo. Je vais parcourir internet pour chercher des séquences précises, dans des films, des documentaires, de l’animation japonaise, des trucs zarbis, qui peuvent traduire des émotions, des états psychiques ou physiques. Ça à souvent rapport avec la violence, le sexe, la science-fiction ou la nature. Je les compose en rajoutant des éléments, comme du texte ou des textures, dans un logiciel de montage. Je n’utilise jamais un média sans l’avoir retravaillé. J’associe ces compositions avec des visuels que j’ai crée ou des vidéos que j’ai filmé. La frontière est mince entre le live et les clips, parce que je mélange beaucoup de médiums dans les deux cas. Mais pour un clip, si j’ai du temps je chercherai toujours à créer une vidéo unique, à faire un mini-film

La pochette de Fauna Diction, d'Acid Fountain

La pochette de Fauna Diction, d’Acid Fountain