Les frontières de la musique moderne sont poreuses. Ainsi, si Sam Smith est aujourd’hui chanteur de soul, c’est parce qu’il s’est illustré en diva sur un titre de house chez Disclosure. Rencontre avec le Whitney Houston de la pop moderne.
Villa Schweppes : Ma première question est peut-être curieuse mais vous avez grandi à Bishop Strotford et… (il rebondit, ndla)
Sam Smith : Je suis allé à l’école à Bishop Strotford mais j’ai grandi à la campagne.
Et du coup je me demande quelle enfance on a dans cette bourgade paisible et bucolique ?
SS : C’était fantastique ! J’ai eu la meilleure enfance qui puisse exister. Je vivais dans une maison magnifique, dans un petit village où il y avait énormément d’espace et de verdure puisque nous étions à la campagne et ça me permettait de vivre beaucoup à l’extérieur. Et puis, il y avait une ville à proximité où l’on trouvait tout le nécessaire, c’était absolument parfait comme enfance.
Est-ce que vous venez d’une famille qui écoutait beaucoup de soul ?
SS : Oui ! Mes parents adoraient la soul. J’en ai écouté depuis ma prime enfance. Ça et du jazz, c’était très black music à la maison.
Généralement, les chanteurs de soul se font une réputation en chantant sur de la soul contrairement à vous qui vous êtes illustré en chantant sur de la house, chez Disclosure. Vous pensez que ça a été une vitrine plus efficace pour vous faire connaitre ?
SS : J’en suis certain à 100 %. Mais d’un autre côté, si Disclosure a sorti un album de house, pour moi “Latch” (son feat, ndla) est un titre de soul. Et puis c’est un titre de pop aussi. Et quoi qu’il en soit, je ne fais pas attention aux genres, j’ai commencé à bosser avec Disclosure sans savoir ce qu’ils faisaient, je veux être prêt à chanter n’importe où. Tu vois, si tu replaces “Latch” dans ma discographie, tu ne peux pas le mettre entre parenthèses, c’est un titre de soul comme mes autres titres sont des titres de soul. Même si ” Latch ” est comme il est, bien particulier.
Dans les ballades sentimentales, un peu fredonnées, il y a quelque chose de crooner chez vous. Vous vous considérez comme un crooner moderne ?
SS : Non ! En fait je ne suis pas sûr. Qu’est-ce que c’est ?
Un crooner ? Vous savez, ce sont des chanteurs américains, très Las Vegas, des chanteurs à voix, un peu de charme… type Sinatra…
SS : Ha oui ! Là je vois. Je ne suis définitivement pas un crooner. Mais peut-être est-ce à cause de ce que je dégage ou de ma dégaine que je laisse présumer ça. Après, beaucoup de choses m’inspirent, je ne veux pas être connu pour un simple type de musique ou de son, je tiens à couvrir un large spectre du champ musical.
J’ai vu que vous faisiez beaucoup de versions acoustiques de vos morceaux. Une bon morceau, ça doit pouvoir se jouer en acoustique ?
SS : Quand je fais des versions acoustiques c’est parce que je veux pouvoir jouer le morceau de manière plus intimiste, être sûr que ça passera auprès d’un public plus restreint. Par exemple, quand je chante “Latch”, je regarde les gens dans la fosse, ils pleurent, ils s’embrassent et ça montre la puissance d’un morceau. Un des meilleurs exemples serait I Will Always Love You de Whitney. Un bon morceau, c’est un morceau qui peut provoquer ce genre de choses. Et c’est pour ça que je fais ce métier, avoir ce genre de réactions.
les intérêts de l’industrie musicale ont souvent tendance à venir supplanter tes intérêts
Vos premiers concerts, vous les avez faits devant un public qui connaissait déjà vos titres. Ce n’est pas étrange de monter sur scène pour la première fois et en entendre le public vous chanter ?
SS : Ho si ! Vous savez, “Latch” et “La La La” sont des titres complétement différents et je n’ai jamais vraiment réfléchi à ce genre de choses, à savoir ce que ça donnerait sur des scènes géantes, devant autant de monde. Et dans les deux cas ça a donné des choses époustouflantes. Tu peux t’entrainer autant que tu veux, tu n’es jamais vraiment prêt à faire face à ce genre de choses, tu ne devines jamais comment tu vas le recevoir. C’est incroyable et j’aimerais rendre grâce à tout ce qui m’a permis d’arriver là.
Et pour vous qui avez connu un succès si soudain, est-ce que ça a compliqué votre rapport à la création ?
SS : Non, j’ai le sentiment de très bien gérer les choses, de trouver comment faire face à la pression. Et puis quand j’ai fait l’album, rien ne me pressait tellement, ni le label ou autre. Et puis, je suis un bosseur, je sais faire vite et bien, je pense que je suis parvenu à boucler l’album avant que la pression soit trop intense. Quoi qu’il en soit, quand j’écris un titre, j’ai besoin qu’il soit rapidement réalisé, une chanson ça ne doit pas prendre plus d’un jour à être réalisé.
Et comment est-ce que vous parvenez à faire face à la pression ?
SS : Je m’amuse ! Les intérêts de l’industrie musicale ont souvent tendance à venir supplanter tes intérêts. Ce que j’essaie par-dessus tout, c’est de conserver en vue mes intérêts. Ça passe par constituer seul, ma propre fanbase. Le jour où le label te lâche, tu ne t’écroules pas parce que tu as ce soutien. C’est très important pour moi de ne pas me laisser déposséder de tout ça, c’est mon travail, mes albums et je veux entretenir un lien avec mes fans, pour être certain de leur apporter ce travail là et ne pas laisser un label s’interposer entre eux et moi. Du coup, je m’entretiens beaucoup avec eux, après les concerts ou autres, je gère moi-même mes réseaux sociaux. Même si de toute évidence, c’est impossible de discuter avec tout le monde. Mais je fais de mon mieux.
J’ai vu que vous avez bossé avec Nile Rodgers récemment (il rebondit, ndla)
SS : C’était un rêve, il est incroyable. C’est génial d’être auprès de lui.
Et vous n’êtes pas sans savoir que la plupart de ceux qui ont bossé avec Nile ont connu un succès monstrueux par la suite. C’est aussi pour ça que vous l’avez approché ? Pour vous porter chance ?
SS : Ho non ! Je voulais juste travailler avec lui, être avec lui, le connaitre, m’approcher, rien de plus.
Le mieux, c’est quand je sens que tous les titres pourraient être des singles
Vous devez entendre vos chansons un peu partout maintenant, non ? Vous pouvez encore sortir et acheter n’importe quoi sans tomber sur l’une de vos chansons ?
SS : C’est incroyable ! Et c’est hyper dur de se concentrer sur quoi que ce soit dès que ça arrive. C’est vraiment étrange comme sensation et j’essaie de me remettre à ma place, trois ans plus tôt quand j’étais barman, pour ne pas perdre la tête.
Mais c’est un processus facile pour vous d’écouter votre propre musique ? Ou alors une fois que c’est fait, vous avez besoin de tourner la page et c’est très dur de vous entendre ?
SS : Ho non, je n’ai aucun mal à me réécouter, au contraire, j’en ai besoin pour rendre le morceau aussi parfait que possible. Par contre, je ne parviens pas à regarder un live de moi à la télé.
Vous qui travaillez vite, comment savez-vous lorsque un album est fini ?
SS : Je pense que tu le sens quand ça arrive, tu sais que c’est le moment. Le plus important c’est d’avoir les singles. Le mieux, c’est quand je sens que tous les titres pourraient être des singles. Et après je regroupe le tout de manière à ce que ça raconte une histoire. Ici, c’était autour de l’amour, des relations passées ou fantasmées, c’est ça que je voulais raconter ici.
Pour finir, vous qui vous rendez à Paris assez régulièrement, qu’aimez-vous faire ici ?
SS : Manger évidemment. Il y a un endroit appelé Chez Moustache, c’est merveilleux, j’adore y aller et y rester des heures. Ou alors je marche pendant des heures, les rues sont faites pour ça ici et il y a des vues magnifiques, c’est tout ce dont tu as besoin dans une vie.
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