Avec Kindred, Passion Pit ne parle pas que de parenté : le groupe américain fait état d’une certaine maturité mixée à une envie de rester des “Kids”. Rencontre avec Michael Angelakos.
Passion Pit, c’est une histoire qui dure, une passion bien sûr pour la musique mais aussi une manière particulière de la façonner, de la travailler avec parfois des années à la filtrer. Ce nouvel album Kindred rassemble une voix d’Angelakos déformée par ordinateur, des pédales d’effet, des textes sensibles et surtout, une sorte d’apaisement pour une pop travaillée, soignée. Le chef de bande Passion Pit témoigne avec toujours autant de fragilité – sa maladie jouant sans doute sur son charme à fleur de peau – et de talent son intérêt pour la composition, la prise de temps dans un monde où tout va toujours très vite. Interview en délicatesse alors, à Paris, dans les jolis bureaux de Sony.Villa Schweppes : Est-ce que vous connaissez quelques mots en français ?
Passion Pit : Un tout petit peu. Quand je viens en France, je sors avec des gens et j’apprends la langue comme j’apprendrais des maths, une formule amène une autre formule en réponse. J’ai appris le français au collège mais je n’ai jamais fait des séjours linguistiques, du coup, je suis particulièrement mauvais – sauf pour le lire ! De toute manière j’étais terrible en tout à l’école.
Qu’est-ce que vous connaissez de Paris, de cette ville ?
Passion Pit : Tu veux dire en tant que touriste ?
Plutôt comme artiste, qu’est-ce que l’on ressent en venant jouer à Paris ?
“Minuit à Paris” de Woody Allen, c’est typiquement la vision américaine de Paris
Passion Pit : C’est très intimidant. Ce que l’on connaît ou que l’on croit connaître de Paris historiquement est intimidant. Mais c’est la même chose lorsque l’on réunit Paris, Berlin et tout ce qu’il s’est passé entre ces deux pays, la France et l’Allemagne. Et puis finalement en venant à Paris, on découvre une ville comme une autre. On la compare d’ailleurs assez souvent à New York, où je vis. En résumé, c’est toujours plus plaisant que ce à quoi je m’attends en venant à Paris. Quand tu te projettes, tu as peur, tous ces cafés, ces gens qui s’agitent, un peu comme dans le film de Woody Allen ” Minuit à Paris “, ça typiquement, c’est la vision américaine de Paris. J’aime ce long-métrage mais ce n’est définitivement pas ça ! Pour moi, c’est encore une autre ville avec des gens géniaux qui l’habitent.
Sur Villa Schweppes, on évoque la vie nocturne. Que faites-vous la nuit ?
Passion Pit : J’aimerais pouvoir dormir. Vraiment… Je ne comprends pas le terme ” vie de nuit “. Je sais que ça existe à New York et je comprends l’aspect attractif. Je ne connais pas vraiment la nuit à Paris et je sais qu’elle est particulière en Europe. Mais bon, moi je suis plutôt le type qui rentre le soir à la maison, qui travaille sur ses morceaux ou qui lit. Je ne sors pas beaucoup mais j’essaie. Et plus je sors, plus je me rends compte qu’il faut que je le fasse car je perds petit à petit l’énergie de ma jeunesse, je vieillis d’année en année.
Que pensez-vous de la French touch ? Est-ce que par exemple vous écoutez les Daft Punk ?
Je ne serais pas là si les Daft Punk n’avaient pas existé.
Passion Pit : Je pense que je ne serais pas là si les Daft Punk n’avaient pas existé. Phoenix, c’est pareil, dans une autre mesure. Il y a une idée de perfection. Vous, en France, vous êtes absolument fous de détails, de toutes les manières possibles. Tout est particulièrement bien composé, arrangé, mixé. Vous avez simplement bon goût. C’est beaucoup pour moi.
Parlons de votre nouvel album…
Passion Pit : Oh, de ce truc que j’ai fait… (Rires).
Qu’allons-nous trouvé sur Kindred par rapport aux précédents ?
Passion Pit : Je pense que c’est une question de maturité. J’ai souvent dit que c’était un projet et c’est exactement ça, un album mûri, travaillé. On a passé presque 8 ans sur cet album. Et à chaque étape, j’ai voulu le perfectionner. Au début, c’était vraiment brouillon, c’était le bordel et petit à petit, on a affiné le projet, de façon artisanale jusqu’à ce que ça devienne efficace comme musique pop. Avec cette idée, j’ai pu aller bien plus loin, aller de manière plus libre vers des textes, des productions plus profondes en pop musique. Techniquement, c’est de la pop musique mais finalement, je me suis appuyé sur des thèmes des années 40. Je n’aurais jamais pu faire ça seul, j’ai été épaulé et j’ai trouvé la manière de la faire à ma manière. Cet album, c’est véritablement une question de processus.
Kindred (“parenté”), est-ce que cela signifie que l’album traite de la famille, de son quotidien ?
Ma musique est ma meilleure thérapie.
Passion Pit : Je crois que Passion Pit a toujours été une sorte de filtre, un filtre sur le personnage que je suis, l’enfant que j’étais, celui de 19 ans vivant dans son appartement et faisant de la musique par passion pour la première fois de sa vie. En partant de cela, en ajoutant de la frustration, de l’observation sur ce qu’était devenue ma vie, je me mets au travail. A chaque sortie d’album, on me demande : ” Mais pourquoi as-tu mis 3 ans pour faire cet album ? “. Pour Kindred, je pense que l’album parle de ce phénomène étrange où plein de personnages entrent dans ta vie, certaines restent, d’autres partent, et tous ont une signification. Au final, il y a toujours quelque chose de positif à ces rencontres et quelque chose de négatif. Cet album est nettement plus positif que les précédents et j’aime ça. Ça me rassure. Ma musique est ma meilleure thérapie.
Quand vous n’êtes pas en train de travailler, que faîtes-vous ?
Passion Pit : C’est injuste cette question car je ne fais que travailler en ce moment avec l’album ! (Rires). En fait, j’adore travailler. Travailler sur Kindred a été épuisant, très complexe aussi. Et au-delà de la création, il y a une construction autour de ce projet, voyager dans le monde entier, parcourir les salles et rencontrer le public. J’ai toujours eu des idées en tête et là, elles s’accomplissent, elles se mettent en forme.
Cette maturité dont vous parlez, ce n’est pas effrayant quelque part ?
Ce que vous devez comprendre c’est que je serai toujours (…) un enfant
Passion Pit : Je crois que je n’ai pas le choix. Ça se passe et je l’accepte. Ce que vous devez comprendre c’est que je serai toujours – pas cet adolescent de 19 ans dans sa chambre – mais un enfant. Et tous les gens artistes autour de moi, qui créent, sont aussi des enfants d’une certaine manière.
En 2009, vous faisiez d’ailleurs la couverture du magazine Technikart, “Passion Pit, Kids”, ça n’a donc pas changé ?
Passion Pit : Dans le sens où je suis innocent ? Oui mais je crois que j’en ai plus conscience aujourd’hui. Je n’ai plus d’excuses, j’ai fait face à mes problèmes et je me suis dit que je pouvais être un homme normal, mature comme n’importe quelle autre personne ! C’est intéressant vu que ces trois dernières années, il y a vraiment quelque chose qui a changé, jusqu’à cet album Kindred, une évolution, une maturité littéralement.
Comment vivez-vous le succès de Passion Pit partout dans le monde et même jusqu’au Japon (sur Twitter, les fans sont nombreux) ?
Ce n’est pas le meilleur album que j’ai fait car le meilleur ça sera le prochain encore.
Passion Pit : C’est la plus belle chose à vivre. Je pense que ma musique ne me met pas non plus dans une mauvaise position ou une situation inconfortable, comme par exemple pour Lady Gaga et ses extravagances. Je ne suis pas une pop star et je ne pourrais jamais faire ça. Même si ma musique se jouait sur toutes les radios, je ne pourrais pas en être. Je ne pourrais pas être ultra connu. Après, que l’on me connaisse bien, c’est génial. Finalement, Kindred a pour objectif d’être compris, d’être reconnu parmi les siens, et Passion Pit a toujours eu cet objectif aussi, être compris. Il y aura toujours des gens pour parler de vous ou vous critiquez, que l’on soit connu ou au tout début d’une carrière. Je me souviens que lorsque j’ai commencé, un groupe de gamins racontaient de la merde sur internet, sur Facebook. Et puis finalement ils ont voulu m’ajouter comme ami ! J’ai accepté car je ne lis plus internet maintenant, j’ai appris pour la première fois à être excité et fier de ce que je fais. Je suis content de tout ce qu’il se passe et honnêtement, ce n’est pas le meilleur album que j’ai fait car le meilleur ça sera le prochain encore. Ça a toujours été le cas. J’aime cet album, je suis ravi si tout le monde en parle mais je pense déjà au prochain.
Dernière question, quel est votre petit rituel avant de monter sur scène ?
Passion Pit : Je dois sauter partout, je chauffe ma voix, je me concentre mentalement et on joue un peu de musique comme ça, entre amis, que des trucs assez stupides ! Ça me prend quand même une heure et demi. Et puis juste avant d’entrer en scène, je mets ma cravate, ma veste, comme une routine, en fait, celle que j’avais quand j’allais à l’école ! Mais ça m’aide, un peu comme Steve Jobs l’expliquait, cette routine prépare à faire les choses comme il faut, il faisait la même chose avant d’aller travailler. Aussi, ma veste me permet de tenir droite mon épaule qui part en l’air. Je sais, c’est un peu bizarre mais on a tous nos petits défauts !