On dirait que chaque semaine les sous-sols du R&B tremblent tant le séisme semble important. Aujourd’hui, le genre s’est trouvé une nouvelle sirène en la personne de Fatima, qui transforme la concurrence en Castafiore.
Elle sort son premier album aujourd’hui mais on a l’impression de la connaitre depuis des lustres. Un sentiment que Fatima fait partie des meubles et ce, bien qu’elle possède un coffre comme on en ouvre rarement. Un point cardinal trouvé entre la tradition et l’intemporel. Pourtant Fatima a été amenée par un vent nouveau. Celui d’un R&B nettoyé du mièvre où le sentiment éclate sans que le sentimentalisme éclabousse. En somme, le genre s’offre une âme nouvelle et pioche dans la soul comme dans l’électronique pour renouveler son vocabulaire.
Depuis le temps que Fatima offre à son label, Eglo, parmi ses meilleurs moments, ce premier LP aurait pu sortir il y a bien des lunes de cela. Mais le temps de gestation de ce Yellow Memories témoigne en soi du soin apporté à l’ouvrage. Un cachet fignolé par le patron du label, Floating Points – chapelier fou de l’électronique – qui produit les trois quarts de l’album et canalise ici son obsession du sample au groove inédit. Et si, chez Fatima le pistil est sénégalais, l’éclosion suédoise, et la floraison londonienne, sur ce Yellow Memories, le voyage se déplace en elle. La chanteuse s’abandonne à une introspection vagabonde, pour se saisir du plus vibrant (l’absence de son père, par exemple), du plus tumultueux et revient chargée d’une sincérité et d’une mélancolie dans laquelle le miel infuse.
Si vous chinez dans vos souvenirs, vous la reconnaitrez en Bonobo époque Black Sand ou dans le Massive Attack de 1991 (Blue Lines), une de ces rencontres frontales entre la black music et le trip hop. Néanmoins, ne baillez pas, vous qui furent allergiques à l’électronique engourdie de ces années-ci, la signature de Fatima traverse les époques. Il y a des genres qui ne s’essoufflent jamais tant qu’il reste des Fatima pour y insuffler un vent frais.