Dans le paysage musical français actuel, Bagarre semble insaisissable. Un pied dans la pop, un pied dans le club, au turbin dans les tremplins, hébergés dans l’indie… Nous sommes allés les rencontrer.
a quelque chose de l’énigme. Quand on écoute leur musique, quand on suit leur parcours, on est désarçonné : le groupe est partout et nulle part à la fois, dans les fêtes qui commencent après minuit chez les Fils de Venus, dans les showcases de tremplins à 20h, dans des disques de pop pour le label indie Rouge Vinyle, dans un format proto-hip hop sur scène… Face à la Seine sur la péniche de la Balle au Bond, on a essayé d’éclaircir leur identité avec eux.
“L’idée d’une scène ne t’aidera pas : en dehors du français, musicalement, nous ne sommes pas spécialement liés aux groupes qui nous sont proches. Mais on aime partager la scène avec Grand Blanc, Blind Digital Citizen ou encore Aamourocean”. Dès l’amorce de la rencontre, les quatre musiciens refusent toute affiliation, toute tentative de clarification par rapport à leurs contemporains.
Le club c’est d’abord un immense espace de liberté. Il s’y passe des choses très fortes sur le plan humain.
Car ils sont un groupe avant toute chose. Auto-alimentés par des personnalités variées et passionnées par des artistes extrêmement différents, ils fonctionnent exactement comme bon leur chante, tant dans la musique que leur parcours. Cette impression de grands écarts répétés dans leurs choix est quelque chose qu’ils cultivent: une certaine notion de la liberté. Ils nous laissent tout de même un indice sur ce qui motive leurs collaborations : “Quand tu regardes notre réseau au sens large, tu te rends compte que c’est avant tout un concentré de gens jeunes qui en veulent. Par exemple, les Fils de Venus ou notre label Rouge Vinyle”.
Aujourd’hui, ils viennent de signer chez le très gros tourneur Furax. Un choix motivé par une rencontre, mais aussi par l’obsession qu’ils ont pour la scène. Ils vont pouvoir y bétonner un show et le jouer à grande échelle partout en France. Du label indie au mega booker, ils traitent tout au cas par cas, à l’humain, à l’envie.
L’obsession du club
La musique et les textes du groupe, si variés soient-ils, sont obsédés par une notion presque mystique du club. “Le club c’est d’abord un immense espace de liberté. Il s’y passe des choses très fortes sur le plan humain. C’est une sorte de déchaînement, une euphorie, tu peux écrire toi-même ce que tu vas y vivre”. Cette figure pose, enfin, un cadre esthétique à l’art de Bagarre. Mais n’allez pas y voir des popeux qui chantent la techno : “c’est dans les clubs que se sont développés les punks, qu’ont émergé des mouvements de sociétés comme l’émancipation de la scène gay aux États Unis, par exemple. C’est ça qui nous inspire”.
C’est bien par ici qu’il faut chercher l’identité du groupe. L’énergie libertaire d’un club, ils la piochent dans tous les mouvements : “Sur scène, on peut faire un morceau très pop puis une track dansante de huit minutes. On est par exemple autant marqués par Christine & The Queens car elle “dépasse” la simple musique que par Big Freedia, de la scène hip hop gay de la Nouvelle Orléans”.
On peut le ressentir à l’écoute du maxi 12” vinyle qu’ils ont sorti chez Rouge Vinyle. D’ailleurs, c’est encore un nouveau pont entre les héritages : le maxi 3 titres est plus un format électronique que pop à proprement parler, qui aurait, elle, tendance à sortir en 45 tours. Refuser d’être liés aux références du passé, aux différentes traditions de la musique, c’est pouvoir y piocher sans se poser de questions.
Il semble que nous ne soyons pas au bout des surprises que Bagarre nous réserve. À l’image du clip de “Mourir Au Club” tourné en forêt et bourré d’ambiguïtés, ces jeunes gens semblent avoir ça dans le sang. On a hâte de découvrir ce que l’avenir leur réserve.