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Agar Agar, une aventure pop

Le duo parisien Agar Agar s’est imposé à vitesse grand V à grand renfort de synthés sci-fi et de mouvements répétés. Portrait d’un duo d’artistes pour qui pop ne veut pas dire grand chose.

La machinerie Cracki Records s’est mise en branle depuis moins d’un an autour d’une nouvelle entité débarquée de nulle part, Agar Agar, dont le nom circule plus ou moins régulièrement chez les happy fews depuis lors. Après la sortie d’un premier maxi, Cardan, la rumeur a viré en une quasi-hégémonie médiatique. Sold-out lors de leur release party à Petit Bain, au sommaire d’une part non négligeable des magazines plus ou moins spécialisés, Clara Cappagli et Armand Bultheel dépassent désormais les centaines de milliers de vues sur Youtube.

“Au moment où on a signé sur Cracki, nos morceaux en étaient au stade de l’intention. On n’avait pas de nom, pas de projet concret”, expliquent-ils. Le label les signe sur des démos pas vraiment achevées, et, si l’acte de foi va s’avérer payant, rien n’indiquait que ce groupe frapperait aussi vite un public aussi large. ” On avait fait deux lives jusque-là, avec 3 morceaux “. Comment expliquer que leur nom se soit imposé en l’espace de quelques mois sur toutes les lèvres ?

Agar Agar

Agar Agar

Jeunes gens (post-)modernes ?

Né aux Beaux-Arts de Cergy, ce duo détonne pourtant dans le tourbillon de projets qui semble s’y fonder régulièrement. Par sa musique, pop, et son entourage, professionnel, le groupe n’abonde pas dans le sens d’une tradition locale : “il y a une culture de la musique expérimentale et une façon de faire les choses auxquelles Agar Agar ne correspond pas”, précisent-ils en rejetant volontiers l’étiquette de “groupe beaux-arts” à l’heure d’aborder le poids d’un berceau connoté.

“La prise d’ampleur est arrivée très rapidement” raconte Armand, qui livre aussi parcimonieusement en solo. L’auteur de la tape vapor-internet Murder In The Pool sous le blase Motherlode reconnaît que l’existence du groupe a décrispé sa création : “Ça m’a débloqué quelque chose d’avoir un projet qui marche, soutenu par un label, qui tourne. Ça me permet de me sentir complètement libre par ailleurs. Je n’ai aucune pression publique. Ça a divisé en deux ma façon de faire de la musique. D’une part j’ai Agar, qui est un projet entouré d’un univers professionnel que je découvre, et de l’autre mon projet solo, que je peux garder pour moi sans chercher la publication”.

Les deux musiciens se laissent donc aller à la découverte d’univers nouveaux, celui des professionnels de la musique comme celui de la presse – “souvent une désillusion”. “On est plutôt opposés aux clivages de la ” politique musicale “. Je suis assez mal à l’aise avec l’idée que les gens de la noise, ceux de la techno ou de la pop se regardent en chiens de faïence. Je trouve ça triste. On a décidé d’aborder cet environnement pop sans pré-conçus”.

Voguant librement à travers les écoles historiques, Agar Agar en rejoint une autre, plus contemporaine : à l’image d’une vague de nouvelles têtes, les deux entités ont un appétit franc à développer leur propos en l’adaptant aux cadres et aux médiums. Des Cannery Terror, groupe garage dans lequel officie Clara Cappagli à leur activisme sous l’alias Motherlode ou au sein du tape label volontiers expérimental Simple Music Experience, ils naviguent indifféremment mais à vue entre les différentes chapelles.

Agar Agar

Agar Agar

Un propos empirique

C’est peut-être ce qui fait toute la spécificité du duo. Leur musique ne respire pas les plans sur la comète : les lignes de voix sentent le yaourt transformé en textes sur le tard, les constructions laissent entendre des jams sans fin. “Cet EP sonne vraiment brut, dans le sens où il n’y pas vraiment de différence avec les morceaux tels qu’on les joue” explique Armand. Quand on leur parle de la possibilité de les éditer pour aller à l’essentiel, ils s’insurgent presque.

“On a pas voulu toucher à cette dynamique-là. Les instrus sont très répétitives et simples. Notre musique ne tient pas sur grand chose, du fait de limitations techniques et d’une composition pour le live. C’est la voix qui fait évoluer ce fonctionnement par boucles”. Ainsi, hors de question de délivrer des morceaux au format radio : s’ils jouent le jeu de la pop, ce sera à leur manière.

Juste assez retro pour être dans l’air du temps – un DX7 numérique plutôt qu’un Moog old-school – le son du groupe évoque une science-fiction de jeu vidéo plus que de vieux films sur VHS. Mais le groupe refuse de se laisser porter par de quelconques habitudes Agar Agar : “On ne se met des bornes nulles part. On aime même casser certains schémas de temps en temps. On essaie toujours d’aller là où on ne l’aurait pas imaginé six mois plus tôt.” Clara confesse qu’en se moment, ils essaient de formuler une manière de “faire du rap”.

On n’est donc pas à l’abri de surprises pour la suite. La combinaison des deux artistes précédant l’ambition sonore, le groupe ne devrait pas rester trop sagement dans son segment. “On préférerait être portés par la scène club que d’être catalogué jeunes talents pop”, reconnaissent-ils volontiers. Et ils ne semblent pas près de donner du grain à moudre à ceux qui voudrait simplifier leur propos. En témoigne le fait d’avoir imposer l’avant-gardiste Boe Strummer, protégé de la maison de clé USB Permalnk, en ouverture de leur release party.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Certainement parce que c’est plus amusant.

Agar Agar

Agar Agar