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Lettre à la Nuit

Eric Metzger, auteur de “La Nuit des Trente” et inséparable acolyte de Quentin sur Canal+, inaugure notre nouvelle série de chroniques illustrées. Pour cette rentrée, il reprend sa plume pour écrire une lettre d’amour à la Nuit.

Chère Nuit,

Tu as remarqué comme c’est différent l’été ? Une véritable fuite, une débandade, tout le monde disparaît ! Même ceux qui restent se dispersent, c’est la course vers le soleil devant lequel ils se prosternent, en échange d’un peu de cuivre à coller sur leur peau.
Oh ne t’en fais pas, ils ne t’oublient pas pour autant ! Au contraire. S’ils se tannent, c’est pour toi. Parce qu’ils t’attendent, ils se préparent toute la journée. Ils lézardent allongés sur le sable, dans un transat, au bord d’une piscine, ou encore à une terrasse. Les plus hardis d’entre eux, ceux qui ont le courage de jouer à la nuit le jour, gigotent avec Pachanga Boys à Calvi on the Rocks, ou se trémoussent devant The Avener au Big Festival de Biarritz.

© Bobby Watson

© Bobby Watson

Mais, au final, tu le sais très bien, c’est seulement lorsque tu t’élances au-dessus de nous que la fête commence vraiment, n’est-ce pas ? L’été, tu choisis toujours d’apparaitre très tard, vers vingt-deux heures, juste après le spectacle du coucher de soleil. Mademoiselle se prépare, prend son temps, se fait belle. Ton bleu s’épaissit au fur et à mesure des minutes. D’abord on aperçoit de longs cils dragés, puis un collier azurin, et enfin tu es prête et te voilà en robe de saphir. C’est à ce moment-là que la musique explose. Que les cocktails deviennent meilleurs. La preuve, on en boit des nouveaux, on goûte des recettes aux noms de code étranges qu’on n’aurait jamais essayés sans toi : Bamba Mamba, Blue Moon, Extra Vs. D’en bas, on te regarde, on te sourit, on danse, on discute, c’est un galimatias de rire joyeux et bruyant dont tu perçois avec bienveillance les échos lointains.

© Bobby Watson

© Bobby Watson

Mais voilà, au bout d’un moment, tu te lasses. Impudente ! Je suppose que tu dois nous trouver un peu trop bruyants, alors d’un coup d’épaule, tu pars te coucher. Il est pourtant si tôt ! Tu t’en moques, et passes le relais à l’aube orangée qui nous recueille, baisse la musique, ferme le bar et nous murmure de rentrer. Dans un dernier sursaut, on s’échange les numéros, on se dit au revoir, à bientôt, la bise, on a les yeux fatigués, le visage pâlot et le bâillement facile, oui décidément, il est temps de se coucher, de toute façon, on le sait, le lendemain, tout va recommencer, farniente hâlé dans l’attente de la soirée.

Cependant, arrive déjà la fin de l’été ! Alors tu nous vois tous de retour, la peau rouge ou bronzée, avec nos valises et nos souvenirs. On n’arrête pas de répéter à tout le monde à quel point c’était bien, on a tellement rigolé, oh oui, c’était chouette cet été, pas envie de rentrer ! Toujours un peu mélancolique tu ne trouves pas ?

De ton côté, tu commences à t’allonger. Septembre. La rentrée. Tu te lèves plus tôt et te couches plus tard. Ne nous en veux pas, lorsque, parfois, tu nous entends râler. C’est juste qu’on est un peu surpris, pas encore habitués.

© Bobby Watson

© Bobby Watson

Mais rassure-toi. L’avantage à la rentrée, c’est que tout le monde se retrouve. Tu les vois de là-haut, ces apéros festifs où les groupes éparpillés par les vacances se reforment enfin ? Chacun raconte ce qu’il a vécu, rencontré, visité durant ces deux mois d’été. Ceux qui ont bourlingué ont beaucoup de choses à pépier, mais il ne faut pas s’y tromper : ceux qui n’ont pas bougé ont aussi leurs lots d’histoires à narrer. Parce qu’à Paris, ceux qui restent savent s’organiser. Ils ont les quais, les terrasses, les rooftops où venir se défouler. Un Paris vide est souvent plus fou, comme une salle de classe sans professeurs. Sous la Cité de la Mode, il y a le bar éphémère Grand Rivage qui a ouvert, on peut y danser ! Sinon, pourquoi ne pas s’aventurer à la Brasserie Auteuil qui refait l’Italie à Paris ?
Alors débute un duel de récits. Qui aura l’anecdote la plus savoureuse, la plus originale, la plus drôle ? On rit de nos galères (parce que c’est toujours rigolo après coup les galères) : l’avion raté, la valise perdue, le portable tombé dans l’eau, la douche cassée. Oh, et cette soirée passée sans rien manger dans une salle d’embarquement à cause d’un vol annulé au dernier moment !


L’imparfait sert à raconter des vacances qu’on imagine parfaites. On se montre les photos via les portables. Dans un même élan, on présente à ses anciens amis les nouveaux rencontrés durant l’été, et le groupe s’élargit, se régénère, la rentrée est déjà une fête.
Parce que tu le devines, petite Nuit, que ça n’est pas fini. Après l’apéro, une fois les premiers verres épuisés, on va s’enfuir joyeusement revoir nos lieux de sorties habituels. Ceux qui nous avaient lassés avant l’été, mais qui nous manquent à peine la rentrée entamée. Ça fait du bien de les retrouver en fait ! Et tous ces nouveaux bars qui ouvrent à peine et dont on n’avait pas encore entendu parler ! Tout le monde s’agite. Vite, il faut les essayer ! Lequel sera notre prochain QG ? Tiens, j’ai lu cet été qu’à La Conserverie il y avait un cocktail à base de sardine, le Bloody Marine, qui veut tenter ? Eh, il paraît que le Montana a enfin réouvert ! Sinon, moi on m’a dit que Les Bains ont bien changé ! Alors on commence par quoi ?

Comme à chaque fois, la fin annonce toujours un début. Jusqu’au prochain été. Prépare-toi pour cette nouvelle année, elle risque d’être chargée. On nous annonce plein de choses pour t’occuper. Tu verras, ça risque d’être sympa. De toute manière, je te tiens au courant, promis.

Je t’embrasse jolie Nuit.

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