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Les soirées ratées de Nora Hamzawi : Le soir où je suis restée bloquée

Comme beaucoup de Parisiens j’ai du mal à dépasser le périph’…

Autant dire que quand Marine m’a proposé de venir à sa pendaison de crémaillère dans son super loft à Nanterre je n’ai pas tout de suite été séduite :

– Nanterre ?? Y a un centre d’examen là-bas, non ? Je me demande si j’ai pas passé le bac à Nanterre.
– Non, tu confonds avec Arcueil, c’est à Arcueil qu’il y a un centre d’examens.

Voilà où j’en étais niveau banlieue et ce n’était pas glorieux
Seulement j’en avais marre d’être cette fille prévisible, d’être cette fille à chat qui passe ses soirées chez elle et qui ne sort que quand elle est sûre de savoir comment elle va rentrer et à quelle heure elle va rentrer. Et puis surtout on se calme, c’est Nanterre, c’est pas Koh Lanta. Je décidais d’y aller.

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Sur le quai du RER j’étais complètement paumée. J’avais oublié que les trains portaient des noms, j’interrogeais chaque personne pour savoir si j’étais dans la bonne direction, et si SARA allait bien à Nanterre. Niveau dégourdie j’étais pire qu’une touriste.
Arrivée à destination je croise une amie qui va aussi à la soirée, dans un moment de complicité je lui lance : Hey ! Galère hein le trajet…
Elle n’a pas l’air de comprendre de quoi je parle, pour ne pas passer pour une idiote je commence à improviser sur des grèves de lignes qui n’existent pas.

Sur le chemin on a discuté du fait que parfois ça valait quand même le coup de s’éloigner de Paris, et qu’au budget d’un appart à Paris on pouvait s’offrir un super loft ici. J’essayais de nuancer : ouais mais c’est loin quand même. – Loin de quoi ?

Je n’en savais rien.

On a sonné à la porte et c’est là qu’un gars nous a accueilli avec ce qu’il a appelé une blague : c’est pour la partouze ? Non j’déconne, c’est une blague, entrez. Son humour annonçait une bonne soirée… Marine, notre pote qui avait emménagée là nous accueillait enfin : Alors ? Ça vous change de vos petits studios, hein ? Pas faux. En même temps pas la peine d’être désagréable. Son mec avec qui elle s’était installée avait clairement envie de parler immobilier. Il parlait du Grand Paris avec les mêmes yeux qui brillent qu’un mec qui parlerait spiritisme en fin de soirée. Très content de son affaire, il m’interrogeait : Et toi ? Tu payes combien au mètre carré pour ton studio ?
Comme j’étais venue pour passer une bonne soirée et pas pour m’entretenir avec Stéphane Plaza, je mentais pour écourter la conversation : rien du tout, j’ai un super plan moi, je paye pas…

J’avançais dans le loft quand je suis tombée des gens qui dansaient le rock. Je me suis d’abord dit que je détestais danser le rock et aussi que je n’avais pas vu ça depuis mes boums au collège, il faut dire qu’il faut de la place pour danser le rock… Je me sentais seule. Je voulais partir. Mon sentiment n’a fait qu’augmenter quand un gars a subitement mis un morceau de rap en lançant des billets de Monopoly qu’il sortait de ses poches comme pour mimer le clip. J’étais super mal à l’aise. Est-ce qu’il était content de sa mise en scène ? Est-ce qu’il avait prévu ses billets à l’avance parce que c’est un truc qu’il fait à chaque soirée ? Je n’avais plus qu’une seule obsession partir dès que j’aurais passé le temps réglementaire de politesse et rentabiliser le temps de mon trajet aller. Pour moi ce serait 1 heure.

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J’ai passé cette heure sur mon appli à consulter les horaires de RER, jusqu’à ce que je me rende compte que mon téléphone était en Edge et que ça n’avait pas rafraichi la page. Ok Marine et son mec habitent peut-être dans le loft le plus cool du monde mais chez moi au moins, on capte !

Ma tête penchée à une fenêtre comme celle d’un chien pendant un trajet en voiture, je décidais donc d’appeler un taxi qui m’annonçait sur une musique classique que mon temps d’attente n’excédera pas 15 minutes. 14 minutes plus tard mon portable se déchargeait.
Je me mettais donc à faire le tour des invités pour trouver un chargeur. Mais rien.

J’ai fini par me poser sur une chaise la tête repliée sur mes genoux. Plus tard dans un demi-sommeil, j’entendais le mec des billets de Monopoly dire au revoir parce que son taxi était en bas. Je le suppliais de monter avec lui. Aucun soucis mais il habitait à Bagnolet et voulait être déposé d’abord. Pas de problème. J’ai fait le tour du périph’.

Je suis rentrée chez moi à l’heure du premier RER. Sur la route mon chauffeur en rajoutait une couche : faut être vraiment trop con pour payer un loyer à Paris.

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