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Les Lettres à la Nuit d’Eric Metzger : la rupture

Après les nuits estivales et l’exploration de quais de Seine, Eric Metzger, auteur de “La Nuit des Trente” et acolyte de Quentin sur Canal+, nous écrit sa nouvelle lettre à la nuit, teintée de tristesse amoureuse.

Chère Nuit,

Elle m’a largué. Elle m’a largué, et toi, tu n’as rien dit…

Pourtant, tu étais témoin, tu as tout vu, elle a débarqué en bas de chez moi, a demandé à me parler, et m’a lancé un “c’est fini…” d’un froid polaire. Bien sûr, elle a enrobé sa saillie de mots très doux, mais fades. Si fades ! Toujours un peu insignifiants d’expliquer une rupture…
Tu étais là au-dessus de nous, tu assistais à tout, et tu n’as pas bougé cruelle Nuit ! De temps en temps, je te regardais, à la recherche d’un peu d’aide, allez, donne-moi des mots, chuchote-moi ce qu’il faut pour la retenir, mais non, aucune inspiration, alors elle est partie, nous laissant toi et moi comme deux idiots au milieu de la rue avec l’écho d’un triste “C’est fini…“. Tu as couvert sa fuite, Nuit, grâce à toi, on disparait toujours plus vite.

Il est encore tôt, à peine dix-huit heures. Au mois de novembre, je te trouve trop impatiente, tu te précipites au-dessus de nous en te goinfrant de la moindre lumière, mais pour cette fois, je te pardonne, tu tombes bien va, j’en profite pour me cacher dans tes bras, je m’enfuis, besoin d’oubli. Envie de chialer, crier, et de rire. Rire parce que de nouveau la liberté, celle de séduire, mais franchement, je m’en moque, rendez-moi celle par qui j’ai souri ces derniers mois !

Hop, sur le scooter, à travers la ville, je file. Parce que cette soirée ne sera pas solitaire (tu me le déconseilles), je rejoins ma brigade de nuit. Alexis, Mourad, Kevin, Arthur, Vincent et Quentin à la Cicciolina. Ils sont là, me disent que ça va aller, que tout va s’arranger, une tape dans le dos, eh, bois un verre, viens t’amuser, commande un plat, on souffre moins le ventre plein !

Tu sais petite Nuit, tu es propice à l’oubli. J’ai besoin de toi. Le jour tout est trop calme, je ne peux pas, je penserai encore à elle. Mais quand tu es là au moins, ça s’agite, je me sens moins seul. Égoïstement, j’ai l’impression que tu t’occupes de moi. On dit que la nuit, tous les chats sont gris, et moi aussi, ce soir près de toi, je suis complètement gris. Mais d’une grisaille joyeuse. Elle est partie ! Et bah tant pis ! Et après ? On peut vivre ainsi également !

© Bobby Watson

© Bobby Watson

La brigade me conduit au Perchoir. Hop, un Pisco Sour au bar. C’était son cocktail, tu te souviens, elle en buvait souvent avec moi. Oh, tu t’en fous, à la vérité, tu as l’habitude de tout ça. Ça ne t’émeut plus. La nuit, ils sont nombreux comme moi. Ils trainent, crient fort pour exister, commandent des verres encore et encore, s’accrochent aux autres pour ne pas être seuls, ils ne veulent plus rentrer, trouille de l’appartement vide, de la résonnance du silence. Alors ils s’engouffrent dans des afters où la lumière devient blafarde, surtout, ne pas partir ou bien, dans le pire des cas, avec quelqu’un dont on aura oublié le prénom le lendemain…

Kevin me réveille en posant son immense main sur ma petite épaule : ” Allez reste avec nous, ne t’enferme pas dans tes pensées, amuse-toi ! ” ; Mourad d’un éclat de rire me demande pour quelle raison j’ai choisi d’avoir la même coupe que Daniel Balavoine, Alexis propose ensuite de m’offrir un nouveau verre tandis que Vincent se trémousse sur la piste de danse, et que Quentin se glisse à la place du DJ le temps d’une chanson. À travers la fenêtre je t’aperçois silencieuse, attentive, d’accord, ils ont raison, profitons de toi encore quelques heures, avant que tu ne t’enfuies à ton tour, il n’est pas encore temps d’avoir peur.

Une belle soirée finalement. Sur le chemin du retour, jolie Nuit, tu deviens ma confidente, mon amie. Un peu ivre, je te raconte mes secrets, mes espoirs, je susurre le prénom de l’être aimée au creux de tes noirs. Allez, avoue-le, tu en as marre n’est-ce pas ? Compliqué pour toi d’être la maîtresse des largués ; chaque soir tu dois t’occuper de pleurnicheurs comme moi. Bah, ça n’est pas terminé. Tu sais quoi ? Demain, je l’appellerai. Si elle est partie, pourquoi ne pourrait-elle pas revenir ? On verra bien comment ça se passera. Et dans le pire des cas, je t’attendrai. Tu resteras près de moi, on s’enfuira tous les deux quelque part, on trouvera bien un endroit où s’amuser et profiter, d’accord ?

© Bobby Watson

© Bobby Watson

Je t’embrasse jolie Nuit, à très vite…

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