Le week-end du 16 et 17 mai, un hôpital désaffecté se transformera en musée à ciel ouvert, en espace gigantesque dédié au Street Art avec des pointures du genre. Un événement immanquable et improbable pour tous les fous de cet art et les plus curieux d’entre nous.
3 000 m² à ciel ouvert
Lagny-sur-Marne (à 25 minutes de Paris) dans le 77 est le terrain de jeu et d’art d’une initiative assez exceptionnelle. Un hôpital désaffecté, sur le point d’être détruit, prête ses murs abîmés à plusieurs coups de bombes et de peintures. Le temps d’un week-end de mai, ce sont 3 000 m² au total qui seront le lieu d’une exposition d’oeuvres de street artistes, du très talentueux INTI venu du Chili au collectif 9ème concept, sans oublier les collages de Surfil ou encore de Treize Bis. Ils sont nombreux ces artistes à avoir répondu présents pour cet événement, Niark, Grems et Opéra, Pantonio, Gilbert Petit, Wilde, Someone et The Blind et ses lapins volants, pour ne citer qu’eux.
Graffeurs du monde entier
L’initiative signée entre autre par Act’Art, un organisme culturel de Seine-et-Marne, véritable acteur du développement des territoires d’un point de vue artistique, est une expérience hors-du-commun. Totalement gratuite, la visite permet une accessibilité au Street Art, une rencontre avec les artistes présents et surtout, la possibilité de vivre des performances en live, participer à des ateliers, se restaurer sur place. Mieux qu’à Berlin, Lagny-sur-Marne !
Interview de Soemone, présent pour We Art Urban
Villa Schweppes : Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Soemone : Je m’appelle Pierre, je peins sous le nom Soemone. J’ai commencé au milieu des années 90 quand j’avais 13 ou 14 ans et je n’ai jamais arrêté depuis. Le graffiti a été mon école, j’ai appris beaucoup de choses à travers cette façon de vivre, j’ai utilisé toutes ces connaissances pour en faire mon métier, je suis directeur artistique & designer graphique. Je travaille essentiellement entre Paris où j’ai habité pendant 8 ans, Londres et New York. Pendant cette longue période, ma peinture était était essentiellement dominicale, il y a 2 années de ça, après plusieurs épreuves consécutives, j’ai senti le besoin de recommencer à peindre plus régulièrement pour retrouver un certain équilibre. J’ai donc pris la décision de changer un peu mon quotidien en déménageant, de Paris à Nantes. Ma peinture a elle aussi changé, j’ai arrêté de faire le type de graffitis que je faisais depuis 15 ans, lettres en couleur, volumes et contourés, pour une esthétique beaucoup plus personnel basé sur des inspiration de cholos (écritures de gang latinos américain a Los Angeles), écritures antiques (sumérienne, akkadienne, sub saharienne entre autres…). Maintenant, le fond est aussi important que la forme.
Le fond est aussi important que la forme.

Near Death Experience – Wide X The Blind X Soemone (Moker Crew)

Soemone
Comment peut-on définir ton travail, ton art ?
Soemone : Sur la forme, je pense que le bon terme est Calligraffiti, une pratique assez jeune qui mélange la calligraphie et le graffiti, établie par des gens comme shoe, qui ont, je crois inventé le terme. La recherche de la beauté de la lettre calligraphiée et la gestuelle et l’arrogance du graffiti. Une pratique de plus en plus visible ces derniers temps. Sur le fond, c’est très personnel, c’est une pratique très cathartique, j’expulse un passé émotionnel un peu trop négligé. Je renoue avec des émotions et les retranscris part des écrits dans des endroits abandonnés, il y a un rapport intéressant entre ces lieux et mes écrits je trouve. Les 2 pour moi sont liés, j’essaye de créer un esthétique qui mêle beauté visuelle et profondeur du message. Souvent, on me demande si c’est un language inventé, c’est marrant car pour le moment j’utilise l’anglais (je ne sais pas pourquoi) mais j’essaye à terme de créer un nouvel alphabet voir même une nouvelle écriture, ce projet n’en est qu’à sa génèse et peut prendre une vie de travail, mais c’est une réelle envie. Pour le moment je travaille sur la création d’un langage cunéiforme aux travers de l’homme et son parcours émotionnel mais ce projet prend du temps et ne sortira pas avant un bon moment je pense.
C’est un éternel questionnement et tiraillement chez le graffeur : être mis dans une case qu’il n’a pas décidée.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans le fait d’être street artiste ?
Soemone : Street artiste, je ne sais pas si on peut ou si j’ai envie de me qualifier de telle sorte aujourd’hui… J’ai tout simplement envie de peindre, c’est un éternel questionnement et tiraillement du graffeur d’être mis dans une case qu’il n’a pas décidée, mais effectivement ce terme est littéralement assez juste, et très utilisé aujourd’hui. Je ne vois pas trop un plaisir ou un statut du fait d’être “Street Artist” , je traine dans les rues depuis que j’ai 11 ans, tout ce que j’ai fait était lié de près ou de loin à la culture underground donc c’est plus une façon de vivre et un besoin pour mon équilibre personnel. La chose importante est la prise de libertés, pour ne pas être obligé de consommer les dogmes de la bien pensance établie, c’est ce que la contre culture m’a appris et donc que j’essaye de faire vivre dans ma pratique, personne ne me dis ce que je dois faire, je n’écoute que ma conscience et mes envies.
Qu’est-ce que l’on peut dire de cet Art en France ? Et notamment en vue de l’événement We Art Urban, qu’en penses-tu ?
Soemone : Depuis plusieurs années maintenant, comme un peu partout dans le monde, le street Art connait une période phare, des événements, des expositions, des ventes au enchères fleurissent de partout, l’engouement des acheteurs et collectionneurs pour certains artistes commence à atteindre des prix jamais égalés pour ce type d’Art. C’est intéressant d’être spectateur de ce phénomène. La France n’a rien à envier au reste du monde, nous hébergeons un grand nombre d’acteurs très bien cotés dans ce milieu. La France a toujours été une scène incontournable des débuts du graffiti aux premiers pochoiristes et maintenant dans cette veine que l’on appelle Street Art, qui a tendance à tout englober. Mais comme toujours la France est aussi mère de grand paradoxe, elle a du mal à se remettre en question en temps réel, ça peut se ressentir dans le manque de projets ambitieux en tout cas dans le domaine de l’art Urbain comme on peut le voir grandir partout ailleurs dans le monde. Heureusement des projets indépendants arrivent à voir le jour et pas des moindres je pense à Street Art 13, c’est l’exemple type de ce qui manquait en France depuis longtemps grâce a l’équipe de la galerie ittinérance et la mairie du 13ème, les choses bougent. Mais il y a aussi le projet We Art Urban qui est peut-être un peu moins visible car un peu excentré de la capitale mais qui n’en demeure pas moins intéressant. Pour y avoir participer, ce projet montre bien de quoi l’association de personnes à l’esprit ouvert et créatif peu concevoir.
Ce projet est riche et ambitieux, tout ce que la France a besoin en ce moment.
Le concept de repeindre un vieil hôpital avant ça démolition m’a tout de suite plu car il fait écho à mon travail personnel, j’ai tout de suite accepté et je ne le regrette pas, l’équipe nous a accueilli de manière humaine et chaleureuse. Elle nous a mis a disposition tout le nécessaire technique pour être à l’aise, j’ai rarement vu un accueil aussi plaisant. Ce qui est très intéressant est aussi la programmation artistique, elle est très variée, elle montre aussi bien des artistes très proches du graffiti, comme des muralistes ainsi que des peintres illustratifs, comme du graffuturism. Ce projet est riche et ambitieux tout ce que la France a besoin en ce moment. Ne pas rester sur ses acquis et se faire confiance.
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We Art UrbanSite Saint-JeanLagny-sur-Marne
Avenue du Général Leclerc
Le site officiel de l’événement
Samedi 16 et 17 Mai 2015
Samedi : 14h à 19h
Dimanche : 12h à 18h