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Uncle T : “Je ne voulais pas être DJ, je respectais trop leur travail”

On a posé quelques questions à Uncle T, histoire de savoir qui est cet activiste parisien du hip hop qui ambiance nos soirées à gros coups de hits rap.

À Paris, Uncle T est l’un des pionniers du mouvement hip hop. Pendant plus de 10 ans, il a façonné l’image des labels les plus prestigieux, a aidé les marques à communiquer avec la communauté et s’est fait une place en tant que go-to DJ des soirées boombap les plus fréquentées. Villa Schweppes l’a invité cette année sur Mar-A-Beach, pour une Classics Only dont le succès était palpable. Après qu’il ait partagé ses platines avec des gens DJ James et Naughty J, qu’il connait bien, nous avons discutés quelques minutes avec l’activiste parisien. Retour sur le parcours d’un vétéran qui a toujours soif de nouveauté.

Villa Schwepppes : On t’a croisé hier soir, sur le rooftop du Mariana X Petit Matieu. Bien reposé depuis ?
Uncle T : Oui ! Bien reposé, plutôt bien dormi, donc ça va aller. Je suis arrivé hier soir de Paris, j’ai juste eu le temps de prendre un sac en passant chez moi et j’ai filé à l’aéroport…

Villa Schweppes : Parlons un peu de ton parcours, parce que la musique, pour toi, c’est secondaire. Tu as commencé dans un tout autre domaine (on y revient plus tard), mais tu as surtout accompagné l’aventure Wrüng. Tu peux nous en parler ?
Uncle T : C’est des amis, des gens que je connais depuis très longtemps. Avant même qu’ils ne montent Wrüng. Il y a six ou sept ans, ils avaient besoin de quelqu’un qui sache s’occuper du marketing. C’était une période cruciale : on passait de tendances triples XL à du skinny, la marque était un peu perdue, et m’a donc demandé si je voulais bien travailler avec eux. On a travaillé sur l’image, le marketting etc.

Tu leur as fait part de ton expertise. Tu étais à la tête de l’agence “360” pendant longtemps…
Uncle T : Pendant 10 ans, oui. J’étais associé avec Thibaut de Longeville (Quai 54, Sneakers, le culte des baskets, ndlr) On faisait un peu de tout : du street marketing, aussi bien avec les marques françaises qu’américaines (Def Jam, Rawkus, Nike etc.). On opérait aussi bien en France qu’à plus grande échelle, en Europe. On savait toucher un public urbain, et on était un peu le go-to pour ces grandes marques qui cherchaient un savoir-faire pour cette cible là. On faisait aussi beaucoup de promo musicale et de relations publiques pour des artistes et des labels. On est derrière la première pochette du 113 aussi, enfin voilà, on faisait beaucoup de choses.

Je n’ai jamais fait de musique, en vrai, moi

Villa Schweppes : Comment tu as embrayé sur cette voix ?
Uncle T : Je n’ai jamais fait de musique, en vrai, moi. Je ne me considère pas du tout comme un musicien. Je suis plus un passionné qu’un musicien. J’ai toujours collectionné les disques, et je suis un peu tombé dedans comme ça, vers le début des années 2000, avec l’arrivée en France des selekta en mode : “j’ai mon iPod, je joue des morceaux”. Je voulais même pas être DJ, parce que je respectais trop leur travail. Puis après, en voyant que tout le monde le faisait, je me suis laissé tenter, un peu à contre coeur. J’étais danseur, donc je sais ce qui fait kiffer les gens. Avoir des amis DJ, ça aide aussi. Tu apprends plus vite. Mais ma vraie carrière, c’est le marketing.

Villa Schweppes : En fait ta passion est devenue une carrière secondaire…
Uncle T : C’est pas vraiment une carrière pour moi, ma carrière, c’est le marketing. J’ai jamais cherché à développer ce truc là. Avec l’arrivée des soirées Groove Deluxe, on a encore plus poussé la chose. De là, on a commencé à m’appeler pour mixer à droite, à gauche. Et puis avec les mixtapes que je sortais de temps à autre, même si c’est pas transposable en DJ set, les gens ont commencé à me connaître un peu plus.

Villa Schweppes : On connait ton amour pour le rap et les samples… Notamment les samples un peu disco. Si tu ne devais choisir qu’un seul genre à écouter non-stop, lequel serait-ce ?
Uncle T : La soul. Un morceau lent de soul, c’est parfait.

Villa Schweppes : Tu es un peu considéré comme un activiste de la scène hip hop à Paris. Ca te dérange pas cette appellation ?
Uncle T : Du tout !

Villa Schweppes : En tant qu’activiste alors, tu aimerais voir changer deux, trois choses sur la scène actuelle ?
Uncle T : Je ne te dirais pas que c’était mieux avant, parce que… (rires).

Villa Schweppes : On a fait une interview “C’était mieux avant” avec ton collègue d’aujourd’hui, DJ James d’ailleurs.
Uncle T : (rires). C’était… différent, avant. On pourra pas y revenir. La donne a changé. Personnellement, je vais avoir 50 ans à la fin de l’année, donc c’est clair qu’il y a certaines choses qui ne me touchent pas trop. Je ne suis pas le public cible des PNL, Hamza et autres. J’écoute, pour ne pas être largué, et je comprends l’engouement. C’est pas la même génération… Aujourd’hui, ce qui se fait est efficace, c’est certain, mais je trouve que c’est moins basé sur le flow, les lyrics et le beat. Et puis, si depuis 20 ans, le rap est la première musique des “jeunes”, c’est que tous ces artistes, et ceux d’avant eux sont vraiment efficaces.

Avant, le rap s’adressait aux puristes. Aujourd’hui, c’est une musique populaire

Villa Schweppes : On sent ton côté “activiste”, là.
Uncle T : C’est la musique, en France, qui vend le plus. Pourtant, c’est celle qui bénéficie du moins de moyen. D’après un sondage sur Spotify, si je ne me trompe pas, on peut voir que 60% de la musique consommée par les jeunes de 12-25 ans, c’est le hip hop. Avant, le rap s’adressait aux puristes. Aujourd’hui, c’est devenu une musique populaire, avec tout ce que ça implique. C’est la loi du marché. Y a encore des exceptions.

Uncle T

Uncle T

Villa Schweppes : Ces exceptions, tu peux nous les nommer ? Rap français ou autre…
Uncle T : Dans le rap français ? Franchement, personne. Je vais kiffer un titre ici et là, mais personne ne me fait surkiffer. Après, pour tout ce qui est Rap US, c’est une autre histoire. Kendrick Lamar pour moi, il a tout. C’est un package complet. Les sons sont touchent tout le monde, les paroles sont fondées, aussi jolies que profondes. Les clips, c’est pareil. Kendrick, je valide à 100%. Le reste, c’est un peu trop éloigné de qui je suis pour que je co-signe. Quand j’étais plus jeune, je n’écoutais pas de rap, parce que ça n’existait pas. J’écoutais ce que je jouais pendant mon set, à la fin : de la soul, des trucs un peu plus proche du R’n’B. Dire que je surkiffe PNL, ce serait mentir ! Mais leur côté indépendant, “fuck les majors”, “j’envoie un singe à Skyrock”, je trouve ça super bien vu. Mais paradoxalement, c’est différent de ce que le rap était avant ; un truc sans marketing. Venant du marketing moi-même, je vois les ficelles… A l’époque, tu sortais un disque, t’étais content. Donc tu y mettais les meilleurs morceaux possibles. Aujourd’hui, tu peux sortir tous les morceaux que tu veux, en un clic, c’est gratuit. Tu n’as qu’à attendre que ça prenne, et quand ça prend, c’est à toi d’être malin. Tout a changé.

Villa Schweppes : Ce qui a changé, c’est le fait aussi que la musique se consomme un petit peu plus rapidement qu’avant. La durée de vie d’une oeuvre change aussi…
Uncle T : Ben voilà. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, il n’y a plus de classique. En tout cas moins qu’avant. Ce que je passais tout à l’heure, c’était des trucs intemporels, le genre de chose que tu peux passer à un mariage, tu vois ? T’as un pote qui te demande de mixer pour son mariage, tu peux pas dire non. Que vas-tu mixer ? C’est un mariage franco-congolais ou alors, franco-rebeu, quel genre de musique va mettre tout le monde d’accord et faire bouger tout le monde ? C’est un challenge, il faut mettre bien tout le monde ! La seule musique transversale, c’est Michael Jackson, Stevie Wonder et tous ces mecs là. Les légendes. Ca a été samplé des millions de fois, donc ça touche tout le monde, vraiment. Des trucs qui sont passés dans la conscience collective. Avec ça, tu parles à leur inconscient. Puis le fait que dans la musique d’aujourd’hui, les paroles aient une place moins importante… C’est un grand facteur. Tout le monde connaît les paroles de M.J. ! Tout le monde connait aussi la variété française, mais c’est plus difficile à caler dans un DJ set (rires).

Villa Schweppes : Tu es à Calvi depuis hier. Tu la trouves “hip hop”, cette ville ?
Uncle T : Non, du tout ! Mais c’est cool, c’est dépaysant. Y a pas un graffiti ! Mais dans l’absolu, tout le monde écoute un peu de tout. Donc, en fait, c’est une ville qui peut l’être… Combien de fois, on a pu aller dans tel ou tel spot, en pensant que c’était “pas hip hop” , et arrivé là, la musique que tu entends, c’est du rap ? On les compte plus !

Villa Schweppes : Le soleil commence vraiment à taper, on va aller se rafraichir après ça. Pour finir on va te demander quel “beat”, si tu composais, aurais-tu adorer composer ? Le truc qui t’aurait rendu jaloux.
Uncle T : Pas facile du tout, ça. Je pense que c’est encore une fois un son que j’ai joué tout à l’heure. Le sample de “All Eyez On Me” de Tupac. C’est Lynda Clifford : “Never Gonna Stop Loving You”. Enfin, aujourd’hui, c’est ça. Si tu me demandes demain, je te réponds autre chose.

Villa Schweppes : Le morceau que tu aurais aimé composer ?
Uncle T : Si je composais, “Summer Madness” de Kool And The Gang.

Villa Schweppes : Et enfin, pour finir la soirée en beauté, tu joues quoi ?
Uncle T : Des slows. Ça marche à tous les coups.