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The Pirouettes : il y a du nerf derrière le sucre

Alors qu’ils sortent leur nouveau 45 tours “Je nous vois / Soleil rare”, on est parti vérifier s’il y avait, derrière la façade sucrée et mignonne au possible des Pirouettes, autre chose que de l’attitude. On n’a pas été déçu.

Voilà maintenant 3 ans que les Pirouettes font parler d’eux. Au départ, ces teenagers n’étaient qu’une excroissance du groupe Coming Soon dans lequel joue Leo Beer Creek, moitié du duo. Un projet léger, en couple, qui a pris rapidement le pas sur le projet initial : “c’est mon projet personnel. J’y accorde de fait plus d’importance” explique d’ailleurs l’intéressé, même s’il reste actif au sein du groupe qui l’a vu grandir.

Adeptes d’une impudeur tendre, mettant en scène leur couple sur une synth pop qui sent à priori fort Ellie et Jacno, ils ont été un véritable aspirateur à légèreté, engendrant une homogénéité du propos chez les commentateurs : The Pirouettes sont mignons, maladroits-mais-c’est-attendrissant, sucrés, jeunes talents, revival 80 à pleine balle. La sortie d’un nouveau 45 tours était l’occasion parfaite d’aller voir si on pouvait tirer d’eux autre chose qu’un bon diabète.

Michel Berger plus que Jacno

“On ne se sent pas maladroits” commencent-ils. “On n’est pas super satisfaits de nos lives, de la formule, qui nécessite beaucoup de parties sur bandes. A deux ce n’est pas évident, donc sur ce point, pourquoi pas. Mais nos morceaux sont très réfléchis”. Le groupe sait où il va, au contraire, et maîtrise son registre.

Car derrière l’aspect techniquement très 80 d’une pop électronique non club se cachent des influences plus larges. En effet, loin de rejouer le match d’une époque dont le revival s’essouffle à vue d’oeil, les Pirouettes se nourrissent d’inspirations moins évidentes. “On écoute vachement de hip hop, ça se sent. D’ailleurs, ça va se ressentir sur notre album “. Ils constatent que les synthés qu’ils utilisent s’infusent de plus en plus dans le rap US. Eux font dès maintenant le chemin inverse, notamment avec le beat downtempo de “Soleil Rare”.

“On préfère Michel Berger et France Gall à Ellie et Jacno, seulement, notre outil de base, c’est l’ordi” précisent-ils, tout en citant aussi des gens comme Yves Simon ou Jonathan Richman. L’ordinateur, ils ne s’en servent pas tant pour produire que pour composer. “Quand on travaille, c’est très impulsif : on arrive avec une idée de mélodie et de paroles et c’est parti. Ça sonne vachement MAO sur les démos, parce que le coeur de notre musique se trouve dans l’écriture, les textes”.

Les pieds dans l’underground, la tête dans les étoiles

Il existe en France un underground pop un peu bâtard, dans lequel les groupes ne sont pas assez durs pour les serpents des souterrains et pas assez dociles pour les masses. En tête, on pense fatalement à Satellite Jockey, dont l’album a été odieusement laissé pour compte. Au moment où on évoque leur cas, les Pirouettes se réveillent : “c’est carrément injuste ouais, leur disque est vraiment cool”. Ils enchaînent alors sur leur propre label, Kidderminster, avec lequel ils ont justement co-sorti ce disque.

“On avait monté cette asso avec Coming Soon à l’époque. A un moment, on a senti qu’il était important que ça devienne un label. C’est une vraie bande de copains”. On trouve des noms sûrs, liés à l’étrange axe pop Annecy-Lyon, comme Mount Analogue et c’est à travers cette structure que les Pirouettes sortent leurs disques. “On commence à prendre goût au fait de gérer nos affaires, faire nos stratégies, être un peu label manager”. Mais il ne faut pas se méprendre :

“On veut devenir des stars. On aimerait que ça marche dans le monde entier. On se verrait être Christine & The Queens, on veut la détrôner”, lâchent-ils avec quelques rires chastes. Leur album, ils devaient le faire chez Parlophone-Warner, le contrat avait été signé, mais le disque a été retoqué. Pas question de revenir dessus : ils récupèrent les bandes et devraient le sortir, sauf contre-proposition sur Kidderminster. “L’indé ne favorise pas l’explosion massive, mais on va se battre”.

Faire “un grand disque de pop française”

Les Pirouettes sont là depuis 3 ans. L’étiquette “Jeune Talent” commence à approcher de sa date d’expiration. Tant mieux : “ce statut nous ouvre plein de portes et oui, on est encore un groupe assez récent. Mais “les jeunes font de la musique”, ça va quand même deux minutes. On aimerait bien que les gens disent genre : “Les Pirouettes, un grand disque de pop française””.

Ils sont bien conscients que leur musique volontairement candide peut agacer. Des claques, ils en sont pour l’instant préservés par ce statut, et font mine d’angoisser d’en recevoir sur à la sortie prochaine de leur album : “on sera sûrement plus exposés. Jusqu’ici, on a eu quelques mauvais live-reports, quelques commentaires Youtube assassins. Je reçois un mail à chaque fois. Et à tous les coups, ça me fait un pincement au coeur, j’en parle à Vickie pendant des jours…”. Mais derrière cette fragilité de façade, les Pirouettes savent encaisser.

D’ailleurs, quand on leur demande s’ils ont commencé, comme la Femme qu’ils admirent, à engendrer des clones, ils se marrent. “Y a un groupe oui, Midi Minuit. Leur chanson c’est genre “Les boîtes de nuits pourries de Paris” et l’instru ressemble très fort à une instru des Pirouettes. Il y a le même arpeggiator c’est incroyable… Quand au clip, c’est chaud, c’est la même idée que celui de “Dernier Métro.”” Ils en rigolent, mais il y a quelque chose de presque féroce dans leurs sourires : on sent alors que leur détermination à s’imposer ne laissera aucun espace à une quelconque concurrence.

The Pirouettes joueront en concert le 12 Novembre avec le merveilleux Dodi El Sherbini au Badaboom. Ne les ratez pas.