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Tendance : quand les cocktails se mettent au vert

Depuis quelques années, de nombreux patrons de bar mettent l’éco-responsabilité au coeur de leurs priorités. Abandon du chauffage, livraison de mezcal mexicain en voilier, absence de carte des cocktails pour rester au plus proche du rythme des saisons… chacun a ses petites astuces pour réduire son empreinte écologique. Nous sommes allés à la rencontre de trois d’entre eux pour tout comprendre de ce phénomène vertueux qui fait de plus en plus d’émules.

Par leur nature, les bars et établissements de restauration ne sont pas les plus “écolos”. Entre la surconsommation d’eau pour les glaçons et la vaisselle, l’utilisation de produits hors saison venant souvent de l’autre bout du monde, ou encore des besoins importants en électricité, ces établissements sont souvent montrés du doigt pour leur empreinte environnementale désastreuse. Pourtant, les mentalités sont en train d’évoluer. L’urgence écologique pousse de plus en plus de bartenders à revoir leurs pratiques pour adopter une démarche éco-responsable.

Avec l’ouverture du bar parisien Bisou en 2017, Nicolas Munoz est considéré comme le pionnier de ce mouvement en France. “J’étais déjà sensible à l’écologie à l’époque, et je ne pouvais pas envisager de travailler autrement“, précise l’intéressé. “Nous bossons uniquement avec des produits de saison, que nous payons au juste prix à des producteurs locaux. Et ces produits, nous les réutilisons au maximum afin d’éviter le gaspillage. Par conséquent, c’est un cercle vertueux : nous réalisons des économies de ressources pour la planète, mais aussi des économies d’argent. C’est du gagnant-gagnant.

Cocktail éco-responsable : produits de saison, circuit-court, recyclage des ingrédients utilisés

Cocktail éco-responsable : produits de saison, circuit-court, recyclage des ingrédients utilisés

De petits gestes pour les bartenders, un grand impact pour la planète

Réduire l’empreinte environnementale d’un bar pourrait être à la portée de tout le monde, à condition de s’en donner la peine. Il existe des principes de base à respecter, à savoir adopter une démarche zéro déchet, utiliser des produits locaux saisonniers et biologiques au maximum, réaliser des économies d’eau et d’énergie, ou encore bannir le plastique. Ça pourrait paraître insurmontable sur le papier, mais il ne s’agit finalement que de petits gestes à appliquer au quotidien. Certains établissements sont vite arrivés à des résultats encourageants, et le jeu en vaut largement la chandelle.

En ouvrant le bar Combat à Paris, en 2017, Margot Lecarpentier était déjà familière de ces pratiques plus vertueuses. Elle n’a fait qu’appliquer à son business les efforts qu’elle faisait déjà à la maison. Et aujourd’hui, son établissement fait partie des plus exemplaires en matière d’écologie. “On n’utilise que des produits de saison, on est zéro plastique, on fait très attention à notre consommation d’eau et d’électricité, et on se fait même livrer notre mezcal en voilier depuis le Mexique, en dame-jeannes de quatre litres“, détaille cette bartender pour qui l’écologie est un mode de vie à part entière. Chacune de ses décisions est motivée par des critères environnementaux, notamment pour tout ce qui concerne l’entretien de son bar. “On n’achète que des produits ménagers écolos en vrac, dans des gros bidons : le liquide vaisselle, la lessive, les produits pour le sol… On nettoie au vinaigre et au savon noir. Et quand les canalisations sont bouchées, je mets les mains dedans. C’est dégueulasse, mais je fais l’effort, car jamais je n’utiliserais du Destop qui pollue les rivières. Sur l’entretien, je fais vraiment le maximum, car c’est quelque chose que je trouve vraiment traumatisant pour l’environnement.“. Cette démarche éco-responsable, elle l’a bien évidemment appliquée à Capitale, son nouvel établissement qui a ouvert ses portes le 8 juillet dernier. Elle est même allée encore plus loin, car absolument tout ce qu’on y trouve est de seconde main, de la banquette à la petite cuillère !

Olivier Martinez, cofondateur du bar House Garden, met lui aussi l’éco-responsabilité à l’honneur. Dans ce bar, ce qui frappe immédiatement les esprits, c’est l’abondance de plantes. Elle sont là pour la décoration, mais pas seulement, car elles aident à assainir l’air, à aseptiser l’espace. Pour leur arrosage, elles ont droit à l’eau des glaçons recyclée. C’est tout bête, mais ça permet de faire de belles économies d’eau sur le long terme. Et pour les nourrir, la solution trouvée par Olivier Martinez et son associé Yann Salentin est étonnante… Tous leurs déchets finissent à la cave, dans un compost utilisant des vers de terre. En se nourrissant de ces restes, les vers produisent un liquide riche en nutriments appelé le percolat qui, une fois mélangé à de l’eau, sert d’engrais naturel pour les plantes.

L'intérieur végétal du bar House Garden à Paris

L’intérieur végétal du bar House Garden à Paris

Parmi les autres initiatives imaginées chez House Garden, on trouve d’originales pailles en marc de café et résine végétale, des aromates de saison qui poussent directement dans le bar (sauge, basilic et thym pour l’été), mais aussi l’absence de chauffage ! “Il ne fait jamais froid chez nous, parce qu’on a imaginé une installation avec des murs en pierre qui permettent de garder la chaleur“, lance Olivier Martinez pour rassurer les plus frileux. “On se sert de la chaleur dégagée par les moteurs des machines qu’on utilise, mais aussi de la chaleur humaine apportée par nos clients, afin de créer une ambiance chaleureuse sans aucun chauffage.

Margot Lecarpentier du Bar Combat à Paris

Margot Lecarpentier du Bar Combat à Paris

Des contraintes écologiques naît la créativité

Chaque bartender a ses astuces pour imaginer les cocktails les plus éco-responsables possible, mais ils ont tous un point commun : lorsqu’ils utilisent un produit, ils le travaillent dans son intégralité pour éviter le gaspillage. Par exemple, en avril dernier, pour venir en aide aux producteurs d’asperges sur le carreau à cause de la fermeture des restaurants causée par la pandémie de Covid-19, House Garden a imaginé un cocktail de saison zéro déchet à base d’asperges, de pommes et de kiwis. Après avoir centrifugé les pommes et les kiwis pour faire un jus, ils ont transformé la peau en chips en ajoutant un peu d’isomalt. Ils ont ensuite fait un lait d’asperges, avant de récupérer la pâte pour réaliser des éléments de décoration. Comme quoi, avec un peu de réflexion, il est possible de créer des variations infinies autour d’un seul produit, en l’utilisant dans son intégralité.

En se fixant des contraintes afin de respecter au maximum l’environnement, ces bartenders écolos sont en train de réinventer leur art. En effet, toutes ces limitations qu’ils s’imposent les poussent à redoubler de créativité. Chacun imagine ses propres variations de cocktails classiques n’utilisant que des produits locaux et de saison, chacun invente ses petites astuces pour préserver au maximum la planète, ce qui donne naissance à une multitude de breuvages inédits. Par exemple, pour remplacer l’acidité du citron quand ce n’est pas la saison, certains utilisent du verjus, un jus acide fabriqué à partir des raisins verts n’ayant pas mûri. D’autres se tournent vers des agrumes de saison, comme les clémentines et les mandarines en hiver, qui sont acidifiées pour retrouver un PH proche de celui du citron. Quant aux produits exotiques, ils sont remplacés par des fruits locaux, à l’image du cocktail Melon Colada, servi tous les étés chez Bisou en lieu et place de la Piña Colada.

Malgré leur implication exemplaire, tous ces bartenders savent qu’ils peuvent encore aller plus loin dans l’éco-responsabilité. Pour Nicolas Munoz, la clé serait de faire plus de volume, pour pouvoir mettre plus de pression sur ses fournisseurs afin qu’ils travaillent de manière plus vertueuse, ou pour se faire livrer en bonbonnes de dix litres plutôt qu’en bouteilles de 70 centilitres. Pour Margot Lecarpentier, qui fait le maximum avec ses connaissances, il faudrait que l’État propose des formations aux bartenders, mais aussi à d’autres patrons de PME comme les restaurateurs, les boulanger ou les bouchers, pour leur apprendre à être encore plus respectueux de la planète. Mais tous s’accordent à dire qu’il ne faut pas se radicaliser non plus. “Il ne s’agit pas de tout révolutionner, de ne plus utiliser d’électricité et de s’éclairer à la bougie“, plaisante Olivier Martinez. “Je pense qu’on avancera vraiment lorsque chaque restaurateur, chaque bar, et même tout le monde à la maison fera des petits gestes pour l’environnement au quotidien.” La transition écologique ne se fera pas sans les efforts de tous, que ce soient les bars, les pouvoirs publics et les consommateurs.

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