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Streaming et vinyle, les grands gagnants du business américain

L’institut Nielsen a publié les chiffres d’écoutes et ventes de musique aux USA : le marché est en pleine mutation. Vers quel modèle ? Décryptage.

Le rapport de l’institut d’études américain Nielsen était particulièrement attendu cette année : en effet, il compile les statistiques de ventes de musique et montre clairement leur évolution au fil des années. En 2014, des changements significatifs ont été remarqués dans la manière dont les Américains ont consommé de la musique.

L’auditeur n’est plus propriétaire de la musique…

La première chose qui étonne, c’est la baisse des ventes digitales, celles-là même qui devaient remplacer les ventes de CD en boutique. Elle ont chuté de près de 10% cette année (12% en titre par titre, 9% par album). Au profit du piratage ?

Non : au contraire, les Américains ont fait chauffer les compteurs en axant leur consommation sur le streaming. Ainsi, le consommateur de musique ne cherche plus à posséder la musique : c’est l’écoute en ligne l’a nettement séduit. Avec une augmentation de 54%, le nombre de morceaux écoutés par ce biais est passé de 106 milliards à 164 milliards. C’est un changement d’ampleur qui vient encore bouleverser une industrie qui retrouve à peine un modèle économique viable.

À moins qu’on lui propose une version vinyle.

Si les chiffres sont plus marginaux, les pourcentages d’augmentation sont impressionnants. Alors que la vente de CD perd 11%, le vinyle, lui, voit ses ventes grimper de 52%, soit 3,1 millions d’exemplaires.

Il n’est pas certain que ce soit une bonne nouvelle pour les grandes maisons de disques : quand on sait qu’une écoute sur Spotify est payée environ 0,005 centime d’euro, et que les 3 millions d’unités supplémentaires vendues en format 12” font face à 30 millions de ventes perdues en format traditionnel (CD et digital), il y a peut-être de quoi s’inquiéter.

Qui sort gagnant de 2014 ?

Suite à ces mutations du marché, on voit certains artistes sortir nettement renforcé de l’exercice 2014. Les fans de Ed Sheeran, Pharrell Williams et Iggy Azalea ont mené leurs idôles au sommet des différents tops d’écoute Spotify. Le top single est occupé aussi par Katy Perry, Ariana Grande, John Legend, Magic !, Bastille, Disclosure, Calvin Harris et Jason Derulo. Sur le format album, Ed Sheeran et Sam Smith viennent rejoindre les sommets du classement.

Il est intéressant de comparer les meilleurs ventes de titre unique sur iTunes au top single de la plateforme d’écoute. A première vue, pas de grandes différences : pourtant, on constate la disparition des musiciens électroniques Calvin Harris et Disclosure de celui d’iTunes.

La meilleure vente de vinyle aux Etats Unis est l’album Lazaretto de Jack White. Il avait notamment promu ce disque à travers des performances (disquaire day) et différentes options qu’il a inséré dans l’objet pour le mettre en valeur.

Des changements dans la consommation américaine

Au vue des volumes chiffrés par Nielsen, on se rend compte que la majorité de la population garde une consommation de musique pratique. Les deux gros avantages du streaming : l’accès à un catalogue très large et mobile pour un budget réduit.

Une categorie toujours marginale prend de l’ampleur : celle qui préfère de plus en plus le disque vinyle, attaché à l’idée de posséder un bel objet au son de qualité. Pour autant, c’est là une pratique qui reste aujourd’hui principalement attribuée aux “passionnés de musique”, et qui n’est toujours pas un phénomène de masse.

L’économie de l’industrie de la musique enregistrée en sort changée. L’explosion du streaming ne tend pas à compenser les baisse de ventes.

La réaction des grosses structures

Les majors ont réagi, à l’image de Taylor Swift et son label qui ont retiré toute sa discographie du catalogue de Spotify, en protestation contre une retribution trop faible. Pourtant, peut-on vraiment lutter contre ce que veut son public ? Dans le cas de Taylor Swift, un journaliste du Parisien analyse ses ventes exceptionnelles comme liées à ce retrait des sites d’écoute en ligne. Mais aucun indicateur ne peut le prouver clairement.

A contratio certains tentent d’éduquer les jeunes fans au support physique. C’est notamment ce qu’ont fait les équipes de One Direction à travers un partenariat avec la marque de platines Crosley. Le résultat : un lecteur brandé à l’effigie du groupe. Pourtant, il n’est pas pour autant sûr que le directioner lambda se jette dessus. Le produit risque peut être plus de toucher la niche – relative – des collectionneurs de produits dérivés.

Anticipant la suite des évnèments, l’entreprise qui gère les droits de Pharrell Williams vient demander à Youtube de retirer 20 000 videos des artistes qu’elle représente alors que Google est sur le point de lancer son service de musique payant Music Key.

Un geste significatif, qui montre que les gestionnaires de droits sont aujourd’hui obligés d’être nettement plus agressifs qu’auparavant dans le but de faire augmenter les redevances. En attendant une refonte du droit américain, appelée de ses voeux par un responsable de BMI (organisme de gestion du droit d’auteur) qui fait état d’un “besoin de droits modernes”.

Aujourd’hui, la musique semble menée par deux supports que tout oppose, à l’économie très différente : le streaming et sa qualité limitée et le vinyle, audiophile et hautement symbolique. Capable de faire tenir l’industrie ? C’est ce que nous dira l’année 2015.