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Saskia : “J’étais inspirée de Booba, Nekfeu, tout ce milieu du rap.”

Saskia a une voix, une écriture et une sincérité perçante, lumineuse et émouvante. Après un premier EP et quelques autres morceaux sur Youtube, l’artiste d’origine belge a déjà réuni autour d’elle une grande communauté de fans et prépare aujourd’hui son premier album. Nous avons essayé d’en savoir plus sur son projet, sa vie et ses attentes. Interview.

Tu es artiste, interprète, musicienne, compositrice, beatmakeuse : comment tu gères toutes ces facettes au quotidien ?

Je les gère du mieux que je peux. J’ai une équipe qui est quand même là, qui m’entoure, afin que je délègue. Je suis vraiment dans cette phase d’apprentissage de déléguer parce que quand tu rentres dans le vif du sujet et que tu en fais ton métier, tu ne peux pas tout gérer. Au niveau production musicale, je pousse tout ce que je peux faire moi-même et après je me fais aider par une autre personne, Simon. C’est un gars de Bruxelles car je viens de là-bas aussi, avec qui je finalise souvent des morceaux. Ensuite, avec le label, on les redirige s’il faut, on fait les sélections, on réfléchit, on décide de pousser un morceau plus loin et ou dans une certaine direction, on décide d’en faire un single ou pas, on le clippe et on réfléchit comment. J’essaie d’être partout parce que je pense que c’est important pour une artiste d’être précurseur dans tout ce 360, que ce soit à l’image, que ce soit à la direction artistique, la façon d’écrire, la sonorité. Il faut forcément qu’il y ait de l’aide et d’autres compétences. C’est ce qu’on essaie de faire avec mon équipe.

Parce que finalement, ta signature est assez récente.

Oui et non. Tout est relatif. Je dirais que ça fait un an et demi, deux ans.

Donc il y a eu une phase avant et une phase après. Comment as-tu vécu ce changement ?

C’est hyper différent. Avant, j’avais un côté très geek. Je passais des journées et des nuits entières à produire, jusqu’à ce que ça commence à me plaire. Je me disais : “Ok je sens que je peux défendre de plus en plus tel ou tel titre”. C’était purement de la musicalité. Dès lors que j’ai signé en France, ça a énormément changé car d’un coup, je suis entrée dans l’industrie de la musique, avec tous ses codes, ses complications, ses façons de faire qui sont bien sûr beaucoup plus complexes que simplement faire de la musique dans sa chambre. Donc oui, ça a beaucoup changé, et encore maintenant je me positionne comme il faut car j’apprends beaucoup de mon équipe car je suis hyper novice dans le fond et je ne connais pas tout ça. Mon producteur m’aide beaucoup à capter comment gérer tout ça.

Et au niveau de la production, tu sens que tu dois faire des compromis ?

Je me sens assez libre. En fait, je trouve que j’ai beaucoup de chance car quand mon label m’a signée, j’avais déjà pas mal de chansons à leur faire écouter et ils ont signé pour ces chansons-là. Donc, ils ont validé ce que je faisais avant même de commencer l’aventure ensemble. À ce moment-là, j’avais déjà cette liberté. Après, peut-être qu’un jour je vais partir sur un truc et ils vont me dire “Eh non, qu’est-ce que tu fais…” (rires). Mais au final, on est assez raccords, donc c’est cool. Je me sens très libre de faire ce que je veux.

Saskia

Saskia

Aujourd’hui, tu as sorti ton premier EP avec le label, ça a bien fonctionné apparemment.

Oui, je suis très contente. Je suis en développement, ça fait un an et demi que je sors des chansons, petit à petit, comme ça, et là c’est mon tout premier projet, concis, travaillé, avec une pochette, une typo, avec un choix des sons, avec un ordre particulier, et j’en suis super contente. Je trouve que pour un premier projet, ça se passe plutôt bien, j’ai des supers retours, de la confiance, des partenaires. J’espère que c’est le début d’une grande aventure !

Et concernant ton premier album ? On ne trouve pas beaucoup d’informations.

Oui, on ne donne pas trop d’informations car on ne veut pas induire les gens en erreur au vue des stratégies de sortie. Avec le COVID, ça a chamboulé un peu tout et on est pas à l’abri d’un autre variant, donc je ne peux pas donner de dates, mais dans l’idéal, si tout se passe bien, on aimerait sortir cet album en fin d’année. On a voulu sortir cet EP pour m’implanter un peu dans le milieu, dans l’industrie, pour avoir une première chose à proposer assez soft, avant de dévoiler un album qui est selon mon équipe et moi un moment super important et qui ne peut pas sortir comme ça, sans aucune visibilité. Donc on essaie de créer cela avant d’amener ce premier album.

Il y a une thématique centrale dans cet album à venir ?

Il y a une chose que l’on peut retrouver entre chaque chanson. C’est indirect, moi-même dans le processus de création je n’y ai pas forcément pensé. En fait lorsque tu écoutes les titres les uns après les autres, il y a une façon d’aborder les sujets qui est similaire, de l’ordre de mon écriture, au niveau des sonorités. Tu as aussi une présence forte du piano, qui est mon instrument de base. Ce sont plein de choses qui rendent le projet homogène et qui tissent du lien entre les titres. Il y a beaucoup d’authenticité car je fais moi-même les choses. Je pense que ça se ressent.

Ce sera une évolution logique de ton EP ?

Oui, on peut dire que c’est une extension de l’EP, avec quand même deux couleurs. C’est un choix, mais on a voulu développer le côté acoustique un peu brut du piano et de la voix, pour l’amener petit à petit vers des constructions un peu plus pop car ce sont des choses que j’aime beaucoup et que je mets beaucoup dans mes chansons. Pour l’instant, la seule chanson qu’on a sorti dans le projet de cette ordre là, ça s’appelle Fou, qui est beaucoup plus uptempo, pop et plus dansant. C’est quelque chose que l’on va retrouver davantage à la sortie de l’album.

https://youtu.be/eQ9LFnSswlg

Lorsque tu réalises un morceau, tu écris ou tu composes d’abord?

Souvent, ça commence avec moi et mon piano. Je fais une suite d’accords qui me plait. Soit c’est un yaourt, soit un air qui colle avec des accords, soit c’est une phrase que j’ai dans la tête, une phrase déjà construite, déjà stylée, que j’ai pensée ou que j’ai entendu, donc ça peut partir d’une phrase. Il y a pas longtemps, j’avais cette phrase : je déteste les dimanches soirs. J’aimais bien cette phrase, j’ai fait une suite d’accords et j’ai essayé de caler cette phrase et je me suis dit : Ok, les dimanches soirs ça me fait ressentir quoi et c’est là que j’élabore un thème. De là, je commence à construire ma mélodie avec ma fameuse phrase et le texte arrive. Souvent c’est un refrain, puis j’étale sur des couplets et là je passe à la production musicale. J’ai mes accords, je sais que je vais faire un couplet de cette façon, puis j’ai mon refrain et mon deuxième couplet. Dans la musique, tu as des codes. C’est bien aussi de savoir s’en détacher un peu mais c’est chouette aussi de savoir les utiliser pour que ta musique soit accessible. J’aime bien ce compromis entre avoir des codes qui rendent ta musique accessible pour les gens et d’un autre côté vouloir rajouter ta patte dans l’évolution de cette musique pour faire un truc qui se veut quand même un minimum original. J’essaie aussi de ressentir une émotion, tu as beaucoup d’accords et de rythmes qui sont appropriés à certaines émotions. En fait, la musique ça pourrait être des mathématiques.

Qui t’inspire en production ? Et qui t’inspire en écriture ?

Le milieu du rap m’a beaucoup aidé pour l’écriture. J’ai grandi dans une culture musicale très anglophone, très américaine avec beaucoup de soul, r&b et jazz et beaucoup moins de variété française. Je n’ai pas vraiment baigné dedans. Je n’ai pas été vers ce style musical non plus. C’est vraiment plus tard lorsque j’ai commencé à composer que j’ai moi-même senti l’envie de créer des choses. J’ai commencé en anglais et je me suis rendu compte qu’il y avait un blocage. Ce n’était pas ma langue donc je me suis dit qu’il était peut-être temps de passer au français. J’ai commencé à écouter de la variété’ française et j’ai très vite basculé dans le rap. Le rap m’a énormément appris au niveau technique et écriture. J’ai été inspiré de plein de gens. J’ai été inspirée d’Orelsan, j’adore comment il écrit. J’étais inspirée de Booba, de Nekfeu, tout ce milieu du rap. Ninho aussi. Chaque rappeur a ses techniques, ses tournures de phrases. Après bien sûr tu as l’inconscient qui fait son travail dans l’écriture. Mais consciemment, je sais que j’ai été vers ces textes là. Au niveau production musique, là ça part dans tous les sens, de la pop, du pop rock, mais j’ai aussi une façon de poser qui est un peu soul, un peu laidback, ça doit être dû à la culture musicale de ma jeunesse, c’est un peu un melting pot.

Saskia

Saskia

Le quotidien et l’actualité t’inspirent aussi beaucoup ?

Oui ! Je ne peux pas parler pour tous les artistes, mais j’imagine qu’un artiste écrit souvent par rapport à ce qui l’entoure, l’histoire qu’un pote a vécue. Ça peut être quelque chose d’hyper personnel, un truc qui t’a touché, quelque chose d’extérieur, de l’actualité. Ça peut être un peu de tout.

On retrouve cela dans les chansons de ton EP : tu traites des thématiques assez importantes. Tu souhaites continuer à le faire ?

Oui, pourquoi pas, mais sans me dire que je dois continuer à le faire. C’est vraiment du feeling, je me fais confiance. Je crois que les meilleures chansons que tu fais, ce sont les chansons que tu fais au moment où tu vis. Tu es hyper en symbiose avec ce que tu vas dire et faire comme chanson. Et là ça devient une bonne chanson, quel que soit le sujet. Tu peux faire un album avec douze chansons qui ne parle que d’amour ou de rupture. Ça peut être dix chansons qui défoncent, même si ce n’est qu’un sujet.

“Un de mes kiffs serait de faire des BOs pour les films.”

Est-ce que tu penses avoir trouvé ton identité aujourd’hui et comment tu vois ton évolution dans la musique ?

Je pense que je suis au début de mon identité. J’ai créé la base et ça c’est vraiment important. Je sens que la base est là mais qu’elle est encore à construire. Et je pense justement que les albums sont là pour te construire. Et c’est un séjour, une trajectoire. Après concernant l’identité et l’univers que tu as envie de donner au public, c’est un truc que j’ai envie de construire avec eux, donc c’est dans le partage de mes projets, que j’ai envie de sentir le lien avec le public, et là aussi, m’identifier avec eux, je me dis que c’est un travail qu’on peut faire ensemble. Donc j’essaie d’être le plus intègre possible et de là, ça va se dessiner.

Est-ce que tu as un idéal vers lequel tu aimerais tendre artistiquement ?

Déjà, j’ai hâte d’être à la rencontre de mon public, des gens qui ont aimé mes chansons, et qui veulent en entendre plus de moi et qui veulent me rencontrer. Après au niveau musical, je cherche à avoir de plus en plus d’autonomie dans mes prods. Quand je parle d’autonomie, c’est gérer une prod au point où tu peux bousculer les codes et jouer de ouf avec la production musicale et amener ta chanson à un niveau d’une autre dimension. Vraiment exceller dans cet aspect, j’aimerais trop. Un de mes kiffs serait de faire des BOs pour les films, par exemple.

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Parmi le tas d’influences que l’on trouve dans ta musique, est-ce qu’il y a un genre que tu te vois difficilement aborder ?

Alors oui, tout ce qui est hard rock, métal (rires). Sérieux, j’ai vu des concerts de hard rock et métal, tu sens que les gens sont dans une transe, ils comprennent ces codes. Moi, je ne comprends pas, c’est un truc qui m’échappe. Je n’arrive pas à capter ce code là. Donc je ne vois pas du tout faire ce genre de musique.

Un gros riff de guitare dans une prod, pourquoi pas ?

Ouais, à la limite, avec full reverb en fond pour donner une espèce d’ambiance, why not. Moi, le concept que j’ai envie de pousser davantage, c’est de prendre des sons un peu organiques, des sons de la vie de tous les jours en fait et les mettre dans la prod’. Je trouve que ça a un côté moderne et tu peux pousser le délire vraiment loin.


“Une collab’ de rêve, ça serait avec Nekfeu.”

Tu produis pour toi mais est-ce que tu le ferais aussi pour les autres ?

Je pense que je le ferais avec plaisir pour les autres dans un deuxième temps, mais là j’avais vraiment besoin de produire pour moi, de trouver mon identité… Une fois que j’ai trouvé mon identité, j’ai une signature, et avec cette signature, je peux la proposer à des gens, qui veulent faire appel à moi, dans un deuxième temps. Après que des gens produisent pour moi, ce n’est pas encore arrivé, ça peut complètement arriver dans le futur mais je pense que j’ai d’abord besoin d’avoir cette maitrise, de pouvoir produire et de pouvoir agrandir mes ressources du mieux que je peux.

Et si tu avais une seule collaboration à choisir, tu choisirais qui ?

Si je devais choisir une collaboration internationale, ça serait avec Frank Ocean. Et si c’était francophone, une collab’ de rêve, ça serait avec Nekfeu. J’aime beaucoup, beaucoup Nekfeu.

Musicalement, quel serait le plus fou que tu puisses réaliser ?

Le plus fou serait que je ne puisse prendre que des sons organiques dans une musique. Faire de la musique avec aucun instrument. Je pense que c’est possible aujourd’hui, avec toutes les techniques que l’on a, tous les programmes, les façons digitales de faire de la musique. Je pense que tu peux complètement créer des sons, des émotions tout un trajet avec seulement des sons organiques ou des sons qui ne sont pas là à des fins musicales de base. Ça peut être un super beau challenge.

D’ailleurs, dans ta famille, vous êtes tous dans la musique. Ta soeur chante, ton frère aussi. Un album avec eux ou un featuring, c’est possible ?

Ouai ! Ça serait super chouette ! Je pense que eux aussi ils seraient chauds ! Peut-être quand on aura plus de temps chacun, mais oui à fond.

Cover du 1er EP de Saskia

Cover du 1er EP de Saskia

Comment tu vois la suite pour toi cette année et l’année suivante ?

Je la vois assez chargée. Je suis en développement donc c’est le début d’un gros truc. Donc c’est plus de musique, plus de sorties, plus de concerts. J’espère vraiment que maintenant ça y est, on va pouvoir reprendre les concerts, de manière assidue et au long terme. Donc je la vois très active pour moi et mon équipe. On va bosser !

Comment se passent tes journées en ce moment ?

Je les organise de mieux en mieux. Avant j’étais dans un contexte hyper geek, ordinateur jour et nuit. Alors que maintenant je suis dans un côté beaucoup plus organisé avec l’équipe, où on travaille sur des sorties. Donc maintenant, je me lève à 8h, j’ai une checklist avec ma manageur qu’elle m’envoie chaque matin avec un super message : “Hello beauté, voilà la to-do list !”, alors j’ai tous les points que je dois faire. C’est une aide de ouf car c’est quelque chose que je n’avais pas il y a deux mois. C’est très organisé, c’est une nouvelle vie qui commence, et c’est du taff ! C’est tantôt des répétitions, tantôt des promos, tantôt des heures de studio, des rencontres avec des réalisateurs, qui pourraient m’aider à finaliser mes morceaux. Et un jour, j’aurais des vacances, mais pas tout de suite !

Et tu as des concerts qui arrivent ?

J’en ai un ce soir, je vais d’ailleurs répéter après l’interview. Je ne fais pas de festivals cet été, parce que j’ai envie d’offrir un chouette truc scénique. Je pense que c’est important pour moi de donner un vrai show, un vrai concert. J’ai envie de mettre en avant le côté très musique, qui se travaille, donc ça va être compliqué de faire des dates en juillet et août, mais dès septembre, on va commencer à faire ça.

Saskia – 1er EP “Quand je vois l’humain”
Sorti le 25 juin 2021