Rone sort son nouvel album “Creatures” sur inFiné : tout le week-end, il sera notre rédacteur en chef invité. C’est l’heure des présentations.
“Prodige”, voilà un mot sur lequelle la presse s’accorde pour définir Rone. Trois albums, un succès populaire inouï pour un musicien électronique : cet éternel jeune homme de 34 ans a ouvert une brèche majeure pour une musique qu’il est courant d’appeler “électronica”.
Ancien étudiant en cinéma, Ewan Castex s’est fait une notoriété fulgurante dans la musique électronique à la fin des années 2000. En 2012, c’est le grand public qu’il prend d’assaut avec son second album, Tohu Bohu. Rone impose aux teens la musique contemplative. Il crée avec ses paysages tendres un horizon nouveau dans la pop culture. Alors que son dernier disque Creatures est sorti cette semaine, nous sommes très fier de le recevoir comme rédacteur en chef invité du week-end.
Rone : héritier des fondateurs de l’électro ?
Si on revient très loin dans l’histoire de la musique électronique, on se rend compte que Rone se place dans un héritage très français. Aujourd’hui, la plupart des producteurs utilisent – souvent pour le meilleur – des machines ancestrales. La mode est au son “dur”, aux boîtes à rythmes “raw”. Rone leur préfère une production millimétrée et cristalline, le “beau son” tel qu’on peut le produire en 2014.
Hasard du calendrier, l’un des pionniers de la musique électronique “libre” française, Gilbert Artman de Lard Free, participait à une conférence sur la musique underground 70’s à la Gaité Lyrique récemment. Il s’y passionnait entre autre pour la pureté du son, la qualité de production de la musique populaire moderne et ne semblait pas regretter les vieux synthés Moog de l’époque.
Il rappelait à cette occasion que les fondateurs de la musique électronique Pierre Henry et Pierre Schaeffer oeuvraient dans la même direction : Artman expliquait que ces derniers, travaillant dans le cadre de la radio nationale, avaient comme horizon de travail la pureté, et la qualité du son pour développer sans filtre leurs travaux électro-acoustiques.
Rone est en cela dans leur héritage direct. Quand il s’essaie, comme dans Creatures, à des paysages radicalement ambiants, il prend de ce corpus musical toute sa pureté, rejetant par là même tout son pan bruitiste. Tous ses outils ne semblent avoir qu’un but : mettre en place toutes les conditions pour que son art de la contemplation épanouie puisse s’exprimer sans le moindre biais de mise en son, quand d’autres au contraire cherchent à exploiter ceux-ci. Pour se faire, il s’est d’ailleurs entiché de deux ingés sons durant toute la création du disque.
C’est ici qu’on comprend sa présence sur inFiné : le garçon a plus à voir avec les freaks des musiques dites “savantes”, acousmatiques, classiques électronisées ou post-synthétiques qu’on trouvent sur le catalogue du label qu’avec le reste de la scène musicale mondiale.
Des Creatures et des collaborations
Creatures est certainement le disque le plus risqué de Castex : pas un seul vrai track dansant, des beats atrophiés. Il pousse au climax son savoir faire de texturiste moderne. Paradoxalement, il a convié de nombreux musiciens pop, de Daho à Bryce Dessner de The National. Comme si, en créant avec ces artistes pop, il avait pu se permettre d’aller plus loin que jamais. “J’avais envie de jouer sur les codes de la pop”, expliquait-il lors de notre rencontre .
On a le sentiment, à l’écoute de Creatures, que Rone fait aboutir ici les recherches des anciens. En utilisant les avancées des expérimentateurs pour en incarner un versant pop, il réussi, peut-être, à donner (enfin?) un sens “pratique” aux blips et aux blops qui ont marqué près d’un siècle de recherches.
Sa pop n’en est donc pas, mais elle sait murmurer à l’oreille du plus grand nombre. Avec Rone, durant ce week end, nous reviendrons en détails sur son nouveau long format, mais aussi sur ce personnage désormais incontournable du paysage français.