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Reportage : le FME, un MaMA à la Québécoise

Nous sommes allés couvrir le Festival de Musique Émergente au Québec : c’est là-bas que se joue toute une partie du business musical de la francophonie. On vous raconte.

L’idée d’aller se plonger dans la scène émergente québécoise avait de quoi mettre l’eau à la bouche. Les locaux qui ont déjà traversé l’océan ont aligné les roustes depuis quelques années : la grâce inégalée d’Automelodi, la cohorte (post-)techno importée par Mind Records (Femminielli, Bataille Solaire etc…) ou la bedroom-pop explosée d’Antoine 93 ou Mathematique avaient par exemple de quoi nous laisser envisager quelques grandes révélations.

Un festival de professionnels

On fait donc le voyage jusqu’en Abitibi-Témiscamingue, à Rouyn-Noranda. La ville minière, nichée au fin fond de la région, s’est faite belle pour recevoir le Festival de Musique Émergente. Installations, 7ème rue entièrement relookée pour l’occasion, pop up stores : Le FME est une fête. Mais plus encore, le rassemblement a pour vocation d’offrir une vitrine internationale à la nouvelle musique locale. Véritable carrefour pour les professionnels de France, du Canada et plus encore, des programmateurs de tous bords y proposent ou jaugent des groupes dits “en développement”. D’ailleurs, à Rouyn, on préfère les discussions sur le zinc aux conférences très officielles, et ce n’est pas forcément plus mal.

C’est donc là que se décide une partie des affiches des festivals d’été, en France et à l’étranger. En dehors d’un public à la fois local et Montréalais, on croise tout ceux qui font les affiches des raouts dans lesquels vous dansez chaque année. Les enjeux sont au moins aussi économiques qu’artistiques.

Deux sensations fortes

En découle une programmation qui peut sembler décousue : il en faut pour tous les registres, histoire que chacun y trouve son compte. On trouvera le nôtre, comme prévu, avec Duchess Says, les leaders de la scène punk locale depuis plus de 10 ans, ici en tête d’affiche d’un soirée rock bigarrée. Leur réputation internationale de meilleur groupe de rock live de la région vient se justifier, la salle est à feu et à sang. Annie Claude, leadeuse des Duchess, précise : “On n’a rien à voir avec l’émergence, je crois qu’on est là pour que les gens viennent voir Poni et Ponctuation”. On se régalera aussi avec les Marinellis, protégés des labels garage de référence Burger et P-trash, dont la performance provoc’ et sexy aura fini dans une mare de bière, de sueur et de corps éreintés. Voilà deux headliners locaux qu’on espère sincèrement voir sur toutes les affiches en France cet été.

Une programmation inégale

La scène émergente Quebécoise qu’on nous a proposé n’est pas vraiment celle dont on imaginait voir naître d’heureuses surprises. Très en lien avec la musique américaine, on retrouve ici des jeunes gens frontalement influencés par des groupes comme Ratatat, les Oh Sees ou les White Stripes. L’effet est souvent trop littéral pour être vraiment marquant. On sort globalement déçus de l’ensemble.

On a la sensation de passer à côté de la musique nouvelle qui peut se construire ici. L’ambition du festival, dans lequel doivent se jouer des poignées de main, a peut-être tendance à faire oublier l’essentiel. On est tombé sur des groupes “émergents” plus que sur une musique émergente.

Ceux sur lesquels nous posions volontiers quelques jetons, comme les rockeurs de Ponctuation ou les post-sabbathien Sandveiss ne transforment pas l’essai. Trop de références, pas assez de prise de risque : ce sont-là des revues assez scolaires.

On a vu beaucoup de groupes de ce type : prêts à tourner, forts de lives millimétrés, mais dont le propos ne s’est malheureusement pas montré des plus audacieux. L’aspect “mise en marché” de projets musicaux aura peut-être restreint l’ambition de montrer la specificité et l’originalité de la création au Québéc.

Les Marinellis ont fait fort

Les Marinellis ont fait fort

Un public merveilleux

À noter : la musique techno ne s’est toujours pas imposée de ce côté de l’Atlantique. Le set de Molly avait quelque chose de rafraîchissant, et la réaction positive des gens de Rouyn-Noranda montre qu’il y a bien une place pour la musique du Rex Club dans le patrimoine populaire d’Amérique du Nord.

La véritable révélation de ce festival sera le public local : toujours gourmand de shows, curieux de tout, il vit la musique comme une fête. Capable de se jeter dans le live très frustratoire de Deerhoof comme dans celui clairement plus abordable d’Ariane Moffatt, il porte avec lui une grande idée nord-américaine de l’entertainment.

Si on rentre à Paris sur notre faim, on se promet pourtant de revenir, à Montréal cette fois, pour aller écumer les clubs, les caves et les lofts dans lesquels l’émergence semble être un concept bien plus concret. Parce que de ce qu’on en sait, il y a de sacrés propositions sur le territoire.

Le plus : La paire d’as Duchess Says – Les Marinellis

Le moins : La sensation de passer à côté de ce pourquoi on était venu.

La phrase du festival : ” Je sors des White Stripes là, je file voir Nirvana “.

L’anecdote du festival : Vu la foule de programmateurs qui formait le public du show de Ropoporose, attendez vous à les voir sur toutes les affiches l’an prochain. Pas volé : leur second concert sur le festival était finalement au-dessus de la concurrence.