Sous la canicule parisienne du mois de juin, nous avons rendu visite à Lou Serafini. Du haut de ses 24 ans, le jeune homme s’occupe du bar du Bristol. On en apprend plus sur son parcours et sur sa vision du métier.
Villa Schweppes : Pour commencer, peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?
Lou Serafini : Je m’appelle Lou Serafini, j’ai bientôt 24 ans, je suis dans le milieu de la restauration depuis maintenant 7 ans. J’ai commencé le service en parallèle de mes études en communication graphique et visuelle. N’ayant jamais été vraiment scolaire, j’ai dû me réorienter pour poursuivre ces études. L’école que je fréquentais était privée et payante. Et vu que j’avais des amis qui bossaient dans une brasserie à deux pas de chez moi, je les ai rejoint. D’abord là en extra, j’ai appris sur le tas, directement. Puis, de fil en aiguille, j’ai acquis de expérience, réussi à finir mes études, été diplômé et mes parents étaient enfin satisfaits. En travaillant dans un PMU en banlieue parisienne, j’ai rencontré un barman immigré grec. Il venait de Corfou et connaissait vraiment la mixologie. Pourtant, il travaillait dans cette petite brasserie. J’ai beaucoup appris à ses côtés. Il a d’ailleurs ouvert son bar à Corfou où il est retourné vivre, depuis. J’espère le revoir bientôt, ça a l’air sympa.
VS : Tu as fait tes gammes en brasserie et aujourd’hui tu es au Bristol. C’était une bonne école, la brasserie ?
LS : Clairement, oui ! J’ai travaillé dans beaucoup d’établissements et ça m’a vraiment permis de me définir comme le professionnel que je suis et que je continuerai d’être. Même si j’ai encore beaucoup à apprendre. Ce qui est intéressant dans la brasserie, c’est ce mode de travail très dense : tout doit aller vite. On fait du volume et c’est très formateur. Même physiquement !
En tant que bartender au Bristol, nous sommes en quelque sorte des concierges
VS : À ce point ? Tu vois une grosse différence, d’ailleurs, entre le Bristol et la brasserie, physiquement parlant ?
LS : Quand même, oui. En brasserie, les plateaux étaient en inox. Ici, ils sont en argent donc plus lourds, forcément (rires). Mais la principale différence est psychologique. J’ai pu monter en grade ici et on ressent d’autant plus la pression. Les standards sont élevés et la clientèle exigeante. On se doit d’être irréprochable à chaque instant. Il faut tout expliquer correctement, que ce soit en français ou en anglais… En tant que bartender au Bristol, nous sommes en quelque sorte des concierges : il faut être au courant de ce qui se fait ailleurs dans la ville et ceci dans tous les domaines.

La décoration sobre et raffinée du Bristol
VS : Comment et à quel moment est-ce que tu as su que la mixologie ou le service t’intéressaient le plus ?
LS : À dire vrai, c’était un pari un peu risqué. Sur le moment, je me disais juste que mon boulot me plaisait plus que mes cours où je m’ennuyais un peu. Au boulot, j’avais mes potes, l’ambiance était sympa et on s’amusait beaucoup. Ça plaît à tout le monde ! Mais avec du recul, c’était risqué.
VS : Qu’est-ce qui rend le Bristol si spécial ?
LS : Je trouve que c’est une des rares maisons où, en plus de la rapidité, de la qualité et du professionnalisme, on est très amis avec nos clients. Parfois, on s’assoit à table avec eux, on est invités chez eux en tant que barmen. C’est encore une fois ce côté “concierge”. On passe beaucoup de temps ici et, malgré le fait qu’on reçoive pas mal d’étrangers, notre clientèle est également très parisienne. 80-85% des clients du bar ne logent pas à l’hôtel. Ça crée une atmosphère de bar de quartier. De quartier de luxe, mais de quartier quand même !
En brasserie, les plateaux étaient en inox. Ici, ils sont en argent.
VS : Que penses-tu garder de cette expérience, ici ?
LS : (Il réfléchit plus longuement que d’habitude) Justement, je dirais cette vision du service. C’est quelque chose de trop naturel pour être professionnel, ce n’est pas forcément “normal” dans ce métier, limite militaire. Tout doit être vite fait et bien fait. Il faut être sur le qui-vive. On a des standards très hauts et, en plus de ça, on se doit d’être ouverts, de trouver le temps de parler à nos clients et de s’assurer que chacun(e) passe un bon moment. Ça demande beaucoup de rigueur dans la souplesse, en fait. C’est unique. À part ici, je n’ai jamais vu ça.
VS : Tu parlais à l’instant de former tes équipiers. Tu peux nous parler un peu plus de cette équipe, justement ? Qui forme le bar ? Comment concevez-vous votre carte ?
LS : On est sept au bar. Thierry Hernandez nous a rejoint en début d’année en tant que Directeur du bar. Dans l’ordre, il y a ensuite moi, le premier barman. Mon rôle est de l’assister sur les différentes tâches de gestion et de management du bar. Il y a ensuite un barman senior, deux barmen junior, une demie-cheffe de rang et puis on a un commis qui vient tout juste d’arriver. On est une équipe jeune de passionnés. J’ai 24 ans et, Thierry mis à part, je suis le plus vieux…

Le bar.
VS : Tu as fait des études de communication visuelle. Tu retrouves des similitudes entre les deux domaines ?
LS : De façon indirecte, oui. On a une mentalité très similaire à ce qui se fait des les métiers visuels et créatifs. On change la carte à chaque saison – donc 4 fois par an – on se réunit et on échange des idées. La seule constante, c’est utiliser des saveurs propres à chaque saison. On se balance des envies, des directions… Chacun y réfléchit de son côté et c’est en se retrouvant qu’on finit le tout, en gardant les meilleures idées et en améliorant celles qui ont besoin de l’être. C’est une sorte de brainstorming créatif. Mon rôle est de structurer le tout, un peu comme un Directeur artistique.
VS : Tu parlais à l’instant des cocktails de saison. Tu dois m’en citer un pour chaque saison.
LS : Soyons simples : pour l’hiver je partirais sur un Old Fashioned au Cognac, peut-être. Des arômes épicés ou de la cannelle, c’est parfait. Au printemps, on travaillera plutôt un Fizz. Quelque chose de rafraîchissant, sans trop l’être quand même (il faut toujours un peu de puissance, de la liqueur, de la limonade pour le peps et un peu de blanc d’oeuf pour la texture). L’été, je dois dire que je reste fidèle à l’Americano. Un cocktail peu alcoolisé, très rafraîchissant… Aujourd’hui, il fait 35° en terrasse, il n’y a rien de mieux ! Et, pour l’automne, j’aime travailler les pommes et les poires. Pourquoi donc ne pas choisir un Mule au cidre avec un peu d’épices et de sirop ? Parfaite transition entre les deux saisons !
VS : S’il ne devait rester qu’un seul cocktail sur la carte, pour toi, lequel serait-ce ?
LS : Notre Parisiano, sans hésiter. Il s’agit d’un Americano revisité. Avec des journées caniculaires, comme aujourd’hui, c’est le cocktail idéal. Il est représentatif de ce qu’est notre travail ici. Dans ce palace, nous devons être originaux, on doit faire de bonnes choses dans de grandes quantités et rapidement.
On est là pour servir les gens. Pour remplir un bar, il faut être agréable.
VS : Qu’est ce qui fait un bon client ?
LS : Ce que j’aime, c’est tout faire, donc je ne vais pas avoir de véritables préférences. Je prends autant de plaisir à servir un verre de vin ou de Champagne et à en parler avec mes clients que de faire un cocktail. C’est avant tout un métier où le rapport humain prime. Donc il est important d’être un minimum ouvert d’esprit et pas que du côté du client ! Trop de professionnels sont là par passion du produit uniquement. La base de ce métier, à mes yeux, c’est le service. On est là pour servir les gens. On ne peut pas exercer si l’on a un problème avec ça. Peu importe vos qualités de mixologiste, pour remplir un bar, il faut être agréable.
VS : Tes adresses préférées à Paris ?
LS : En termes de cocktail, j’adore le Calbar. J’y retrouve tout ce que je décrivais tout de suite : le service et le relationnel. C’est un endroit très fun et la qualité de la relation partagée là est incroyable. Tu sens que c’est une bande de potes et ça me rappelle pourquoi je fais ce métier.
VS : Le cocktail que tu préfères faire ?
LS : J’aime bien le Old Fashioned. Ici, sur toutes nos cartes, on a un Old Fashioned. Ils sont numérotés et on les adapte à chaque saison. On propose en ce moment le douzième (depuis la première carte, ndlr). Ne pas refaire la même chose deux fois devient un challenge puisqu’on a, de base, que trois ingrédients.
VS : Celui que tu préfères déguster ?
LS : Le Negroni, sans hésitation.

Le Grape Fizz, recette à venir prochainement.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
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