Que dire de Dimitri from Paris ? Pionnier du disco new-yorkais made in France, patron du remix et DJ hors pair, la légende a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions dans le cadre du Venezia MORE Festival.
Le pionnier du disco new-yorkais made in France Dimitri from Paris jouait samedi 6 juin au Venezia MORE Festival. L’occasion pour nous de lui poser quelques questions avant son set. Rencontre sur un transat, un Spritz à la main.
La Villa Schweppes : Bonjour ! Première fois à Venise ?
Dimitri from Paris : Non, ce n’est pas la première fois que je joue à Venise, j’ai déjà mixé ici deux fois, mais pour des événements un peu privés, chez des gens.
Mais première au Venezia MORE Festival. Content d’être là ?
DFP : Et bien je ne connaissais pas, mais c’est assez joli et exceptionnel comme endroit, donc oui !
Tu as joué partout dans le monde. Quel restera ton/tes meilleur(s) souvenir(s) de DJing ?
DFP : Ça restera surement une date que j’avais faite en 1998, donc il y a plus de 15 ans ! C’était la première fois que des Français dont moi avions été bookés dans une grosse soirée house très new-yorkaise. La fête se passait à Miami et étaient aussi programmés toutes mes idoles américaines de l’époque comme Frankie Knuckles et Masters at Work. La fille qui m’avait booké m’avait fait jouer dans la petite salle à l’étage et, incroyable mais, à un moment dans la soirée, tous les gens sont montés et m’ont dit, à la fin de mon set : “C’était mortel, la meilleur soirée de notre vie, t’as tué les Américains”. Une vraie reconnaissance pour moi qui était alors juste intimidé ! C’est aussi la première fois que je me suis dit qu’en tant que Français, je pouvais très bien jouer de la musique américaine pour les Américains. Et ça tombe bien, parce que mon son est issu de New-York, dans les années 70 et 80.
Je crois que les gens n’ont plus la patience des longs développements du all night long.
Tu joues en warm up ce samedi au Venezia MORE Festival. C’est un exercice qui te plaît le warm up ?
DFP : J’adore ça parce que je n’ai pas le cahier des charges à devoir absolument devoir faire danser les gens. Je suis plus doux et peux amener tout ce monde vers autre chose. Et puis c’est assez excitant d’arriver et de ne pas trop savoir dans quel état est le public. Ça demande un autre travail et une autre énergie et j’aime vraiment ça !
Et le all night long aussi tu aimes ça, non ? Pourquoi ?
DFP : Ça dépend… J’aimais bien ça il fut un temps, mais moins maintenant parce que les gens ont vachement changé. Je crois qu’ils n’ont plus trop la patience des longs développements. Dans le all night long, il y a “des hauts” et “des bas” et, aujourd’hui, le public a du mal avec “les bas” quand ils sont “en haut”, justement.
Bonne transition pour notre question suivante : Quel regard portes-tu sur la scène aujourd’hui, aussi bien du côté des artistes que du public ?
DFP : Les gens en général – et pas uniquement le public de la scène dance – ont pris l’habitude d’avoir de la musique dans le seconde, et même pour des trucs super rares que je mettais à l’époque parfois 10 ans à retrouver en disque. Le royaume de l’instantané ! Du coup, je sens que le public a perdu ce truc d’attendre pour avoir quelque chose de mieux. En tant que DJ, je sens l’impatience des gens. Résultat : les DJs doivent suivre, parce qu’on est quand même là pour faire passer aux gens du bon temps…
On dit que la France – et plus particulièrement Paris – est devenu l’épicentre de la techno et de la musique électronique en général à Paris. Tu valides toi qui a du recul sur la question ?
DFP : S’il y a un truc que je n’ai pas été, c’est techno. Je vois bien qu’il se passe pas mal de choses, et notamment avec Concrete, très réputée, mais ce n’est pas mon truc.
Pourtant le directeur artistique de Concrete aurait très bien pu booker quelqu’un comme Frankie Knuckles, par exemple…
DFP : Je ne sais pas si les organisateurs se seraient sentis dans leur élément, mais ils auraient peut-être pu, oui. Mais la techno je ne m’y retrouve pas, je trouve ça froid, répétitif et ça m’ennuie très vite. Donc tant mieux pour Paris si elle est l’épicentre de la techno, mais ça ne me touche pas plus que ça.
Un beat sans musique, ça m’ennuie, une musique sans beat ça va moins me toucher, et les deux ensemble c’est très bien !
Quels sont les nouveaux jeunes artistes que tu suis attentivement ?
DFP : Je ne sais pas s’ils sont très nouveaux, mais j’aime bien l’école un peu funk à la française un peu comme FKJ et Kartell, ou encore Breakbot qui est moins jeune mais est un peu le prédécesseur de cette scène-là. Ils font des choses assez raffinées, travaillées, assez musicales aussi. Il y a des notes, des mélodies, des gens qui chantent, de la musique faite par des musiciens (FKJ est un très bon pianiste, par exemple !). J’aime la musique plus que le beat d’abord. Un beat sans musique, ça m’ennuie, une musique sans beat ça va moins me toucher, et les deux ensemble c’est très bien !
Dans tes rêves les plus fous, à quoi ressemblerait ta soirée idéale (où ? avec quel line up ? etc.) ?
DFP : J’aime bien des DJs qui ont un peu de bouteille comme François Kevorkian et Harvey qui mixent depuis une trentaine d’années et ont une assez bonne compréhension de la musique et de comment l’arranger.
Comment ça ?
DFP : Et bien finalement on a tous la même musique, et le vrai travail d’un DJ est de savoir bien la reproduire. Tous les DJs ne sonnent pas pareil alors qu’ils ont tous les mêmes ingrédients. Un peu comme en cuisine !
Et donc ce line up et cette soirée ?
DFP : Et bien disons François Kevorkian, Harvey et un autre qui nous a quitté il n’y a pas très longtemps et dont je me suis beaucoup inspiré : Larry Levan.
Et ça se passerait où ?
DFP : Ça serait à Tokyo dans un club qui s’appelle Air. Là-bas, le soundsystem est phénoménal !
Je confierais volontiers ma soirée à François Kevorkian, Harvey et Larry Levan.
Ça tombe bien, on avait aussi pour question : Quel est le meilleur club de tous les temps ? Ça serait donc Air ?
DFP : Ce n’est pas le meilleur club de tous les temps, mais c’est vraiment tenu avec amour par les gens qui s’en occupent. Tous les jours, ils bichonnent le soundsystem comme certains bichonneraient leur voiture. Ça prend une autre dimension de jouer des disques avec un tel système son parce que tu entends des choses que tu n’avaient jamais entendues ! Et puis, surtout, les gens perçoivent aussi la musique différemment : les morceaux n’ont pas besoin d’être joués très forts pour que ça les prenne intensément. Ç’est rare aujourd’hui…
Quel est, selon toi, le meilleur morceau de disco house du moment ?
DFP : Le remix de “Liquid Spirit” de Gregory porter par Claptone. C’est quelque chose que pas mal de monde joue et c’est assez crossover, c’est-à-dire que c’est de qualité et à la fois repris par des gens de la techno que par des gens comme moi, plus issu du disco.
Et c’est quoi le meilleur cocktail du monde ?
DFP : C’est très personnel… Comme vous l’avez sans doute deviné, je suis très vieille France old school et j’aime bien les vieux cocktails comme le Mai Tai, à base de rhum, ananas et grenadine. C’est un cocktail que peu de gens savent bien réaliser et que j’ai moi-même pas mal fait à un moment !
Le Venezia MORE Festival…
DFP : Le Venezia MORE Festival, c’est l’occasion de découvrir que derrière le côté Disneyland, il s’agit aussi d’une ville magnifique avec une vraie vie derrière le côté touristique, une ville unique. Voilà, c’est une longue phrase ! (rire).