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Pourquoi Riff Raff mérite-t-il un tel pataquès ?

C’est le ‘grand blond avec une sneaker noire’ du rap. Riff Raff sort le 24 juin “Neon Icon”, album annoncé il y a deux ans, sur le label de Diplo. Une gamelle de plus dans un parcours semé de nid de poules.

Qu’il est amusant de s’annoncer en tant qu’icône néon lorsque l’on n’est pas une lumière. Riff Raff est au rap ce que le chat est à l’Internet. Ce qu’Hubert Bonnisseur de la Bath est à la Comédie Française. On l’aime comme on aime les bestioles mignonnes et idiotes – c’est un chaton coincé dans une boite – ou comme on apprécie ces connards arrogants. Rappeur reconnaissable entre mille, Riff Raff jouit d’un flow de palmipède, à croire qu’il rappe en duckface, et – comme dirait l’autre – une dégaine “de lampadaire“. Il y a toujours beaucoup à dire sur Riff Raff mais rarement en tant que rappeur. Malin (?), plus vous faîtes de bruit, plus il devient difficile de distinguer un talent (ou son absence).

Pour comprendre le canard boiteux, il faut revenir à ses premiers pas. Moment Wikipédia, ne baillez pas, ça va passer vite. Dans le civil, Riff Raff s’appelle Horst. C’est aussi le vrai nom de l’acteur jouant Derrick. C’est absolument hors-propos mais ça créé ce curieux lien dans les esprits. Horst a grandi dans un ranch du Texas, pas loin de Houston. Ça carrière balbutie en enchainant auditions sur auditions dans les télé-crochets jusqu’au jour où il parvient au MTV’s From G’s to Gents. Personnage tout en demie mesure, Horst fait grand bruit dès son premier passage avec un logo MTV tatoué dans le cou. Il est éliminé dès le deuxième épisode mais l’extravagance et l’arrogance extraordinaire du personnage laisse une forte impression sur le public. Phénomène (supposément éphémère) du web, Simon Rex, ancien acteur de films X devenu humoriste et rappeur (cette faculté qu’à l’individu post-moderne à se réinventer) le remarque et le contacte (après un freestyle où Riff Raff rappe son vrai numéro de portable…). Ils montent ensemble le groupe de rap doucement parodique Three Loco avec Andy Milonakis, Riff Raff nait aux yeux du public.

Tellement grotesque que ça tourne à son avantage

Lard ou cochon ?

C’est dans ce contexte parodique que Riff Raff a éclot. Un personnage mi-sincère, mi-composé qui dans l’inconscient collectif pose en permanence la question du lard ou du cochon. C’est ce qui fait la grandeur du personnage, rappeur médiocre (capable de belles saillies) dont le quart d’heure de gloire s’éternise et se nourrit de la moindre de ses frasques. Le personnage est déjà si installé dans l’auto-caricature que James Franco a utilisé ses traits et manières pour composer son rôle dans Spring Breakers. Riff Raff est un produit typiquement américano-américain, mélange de white trash et de rêve américain, casting idéal pour son pays, bien que trop Las Vegas et factice pour décrocher une place dans le mainstream (ce qui explique surement sa difficulté à s’implanter hors de ses frontières). Mais Riff Raff est un personnage véritablement amusant, de ceux qui pourraient tourner à leur avantage un”diner de cons”. Quand une émission l’emmène à Art Basel Miami, ses commentaires sur les oeuvres et son comportement (il est clairement ivre) sont tellement grotesques que ça tourne à son avantage. Complex lui a confié une émission Riff Raff Realm, l’oeuvre d’un névrosé, où il encadre toute la vacuité de son être et son mauvais goût dans du fluo et de l’humour sous influence. Encore une fois, ça prend.

Et puis – puisqu’il faut aborder la musique – en février 2013, Riff Raff annonce un deuxième album, sur le label de Diplo, partiellement produit par ce dernier. Le monde s’étonne, nous serions-nous trompés sur le personnage ? S’en suivent des rumeurs quant à la participation de Drake et A$AP Rocky, par le biais d’une photo postée sur Instagram. Le monde s’étonne (bis). Le pompom viendra à intervalles réguliers avec la promesse des featurings de Wiz Khalifa, Mac Miller, Asher Roth, Action Bronson, YG, Snoop Dogg, Future, Juicy J, Bun B, Paul Wall, Mike Posner, Big Sean et 2 Chainz. En sous texte, Riff Raff annonce avoir le taux de featurings le plus lourd de ces derniers temps. Dans les faits, il n’y a que Mike Posner, Childish Gambino, Mac Miller et Amber Coffman (des Dirty Projectors). Le pétard s’avère à nouveau bien mouillé.

Avec des productions de Diplo, Harry Fraud ou DJ Mustard, l’objet final n’est pas mal produit. Ça tient debout et s’éloigne de l’image d’un Michaël Youn à l’américaine. Mais Neon Icon, trébuche dans l’écueil de l’album de rappeur échouant dans la pop par velléité de conquête mainstream. Certains ont parfaitement réussi la transition. Ici c’est du déguisement, un rappeur maladroit sur des talons trop hauts pour lui. Mais Riff Raff peut prendre autant de taules qu’il le souhaite, on continuera à s’en soucier. Pourquoi ? Bien comme dirait Cantona : “Quand les mouettes suivent un chalutier, c’est qu’elles pensent qu’on va leur jeter des sardines“. La presse continuera à talonner Riff Raff puisque c’est l’assurance d’avoir une connerie à se mettre sous la dent dans la minute. Beaucoup de bruit pour rien, évidemment. Riff Raff est un de ces produits toujours comestibles une fois la date de péremption passée. Même s’ils ont mauvais goût.