Espoirs déçus : le single d’Yseult a du mal à rencontrer son public. Pourquoi ? Tentative de décryptage.
Ce qui se passe pour Yseult a l’air très compliqué : la jeune fille a fait un effet boeuf aux spectateurs de la Nouvelle Star, devenant très populaire auprès d’un following concentré. A la suite de ce télé crochet duquel elle ne sort que seconde malgré des pronostics plus optimistes, elle signe chez Polydor, qui décide de sortir un single avant l’été pour faire danser sur les plages.
“La Vague” sort donc en mai mais ne semble pas (encore ?) convaincre les foules. Sur YouTube, elle n’aligne que 92 000 vues, alors qu’on aurait pu attendre d’une star de télé réalité un buzz nettement plus conséquent. Crise du disque ou non, est-ce la preuve d’un véritable manque d’adhésion du grand public, qui, lui même, lui aurait donné son coeur et son forfait – les textos-votes – pendant l’émission ? Pourquoi cette désaffection ? On tente de décrypter.
L’électro pop française et le grand public, un mariage qui cherche encore ses marques
Dans une interview au magazine Les Tambours, elle explique que sa vocation est arrivée quand elle avait quinze ans. Soit en 2010. “Ça m’est venu à l’âge de 15 ans, très exactement. J’ai tout de suite su que j’avais envie de faire de l’electro-pop. J’écoutais beaucoup Metronomy, Lily Wood & The Prick, Empire of The Sun…” déclare-t-elle au webzine.
C’est bien là qu’est le problème. En 2010 se sont justement fondés de nombreux groupes autour de ces influences. En dehors de quelques exceptions, ce registre a toujours eu du mal à décoller France : où en sont des groupes pourtant brillants comme Hyphen Hyphen ? The Aerial ? Le circuit “Jeune Talents” dont nous vous parlions souvent dans ces pages les a noyés. Malgré tous les budgets et les efforts, le grand public n’a pas été très client. Il n’a par exemple fallu qu’un an au groupe niçois pour passer de Rock en Seine aux oubliettes. En attendant mieux ?
Tous ces groupes émergés au début de notre décennie se sont éclipsés du paysage musical. Les seuls à avoir réussi à tenir la route venaient de l’électro-club ou de sphères nettement plus radicales. Venir après leur déroute équivaut globalement à jouer à Don Quichotte. C’est louable, mais il est alors déconseillé d’avoir des ambitions populaires.
Autre exemple : il a fallu une décennie à M83 pour s’imposer en France quand il lui en a fallu nettement moins pour marcher au États Unis : la France n’aime pas les synthés brass et épais même quand la proposition est d’une très grande qualité. Yseult avançait donc en terrain miné.
Un problème de casting ?
Étonnant : c’est Da Silva qui s’occupe de la production. Qu’on apprécie ou non son travail, le chanteur n’est pas un des fers de lance du genre. Ainsi n’était-il peut-être pas le candidat le plus évident pour travailler sur ce registre historiquement difficile à conquérir. On aurait imaginé que des producteurs plus spécialisés et confirmés se saisissent de la console.
On pense notamment à Yuksek. En terme de curating, il aurait été le candidat idéal : capable de faire des morceaux très fédérateurs, dansants et forts de synthés gonflés. Surtout, c’est l’un des seuls à fonctionner aussi bien dans la presse que dans les charts. Il est même l’un des Djs les plus côtés d’Hexagone. On aurait aussi bien vu les producteurs de chez Kitsuné, specialistes mondiaux de l’électro pop sucrée, à l’oeuvre?
Ce qu’on peut lui souhaiter ?
L’album d’Yseult sortira en septembre. Les choses semblent aujourd’hui incertaines pour prédire à 100% un succès public. Pourtant, la rentrée marquera peut-être enfin le temps de la réconciliation entre le grand public et l’électro-pop. Yelle sortira le même mois un album produit par le légendaire Dr Luke, Christine & The Queens est en pleine explosion, Stromae est le roi de la francophonie : si la production de l’album entier est à la hauteur, la chanteuse pourrait surfer sur la tendance et réussir à être, enfin, aussi saluée pour sa musique que pour ce caractère et cette voix qui avaient conquis les téléspectateurs.
“Je veux faire de l’électro pop”, dit-elle ? Certes. C’est un registre qu’il faudra peut-être aussi lui préciser, alimenter et enrichir par un travail de recherche pour solidifier ses aspirations. A l’image des deux chanteuses nommées ci-dessus, il faut parfois du temps pour faire émerger tout son talent et rencontrer son public. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.