Dans cette belle maison qu’est Apicius, Valentin Calvel et son chef barman Gilles Dubreuil font du cocktail une ode à la créativité, avec une carte totalement ouverte – comprenez, pas de carte mais du sur-mesure, à la tête du client !
La cuisine n’étant pas loin, Valentin s’aventure sur des terrains gustatifs surprenants. Avec la terrasse donnant sur un magnifique jardin, chez Apicius, le temps s’arrête. Et pourtant, nous sommes bien dans le 8ème arrondissement de Paris…
Villa Schweppes : Quel est ton parcours avant d’arriver chez Apicius ?
Valentin Calvel : Au départ, j’étais plutôt fait pour la cuisine mais je n’avais pas de contact avec la clientèle alors j’ai vite fait demi-tour. J’ai rencontré à cette époque un barman qui m’a appris ce qu’était le monde du cocktail, plus discret qu’aujourd’hui. Et finalement je me suis dit que si je voulais travailler ma créativité, des produits frais, si je veux faire plaisir au client et dresser un cocktail comme on dresse une assiette et surtout avoir le contact avec ce client, le voir satisfait – ou non, il fallait que je fasse du bar. Je suis de la Rochelle, j’ai fait un lycée hôtelier. En sortant, je suis parti faire une première saison à Saint Jean Cap Ferrat. C’était la première étape. J’ai rencontré un autre chef barman à cette période qui s’appelle Guy Deleris. Je suis ensuite venu sur Paris, j’ai passé deux entretiens, le premier au Park Hyatt et le deuxième à la Closerie des Lilas. Finalement, le Park Hyatt ne me correspondait pas à l’époque, j’avais fait du luxe et je voulais voir quelque chose de différent, de la brasserie. Et j’ai rencontré mon tout premier chef barman, Yves Esposito, un peu à l’ancienne. Il m’a fait comprendre que le métier n’était pas forcément facile, qu’il fallait faire des heures. Je l’ai suivi, au début j’ai un peu craqué… On faisait des horaires de folie et près de 200 cocktails par soir ! Mais j’ai tenu, je suis resté deux ans et demi. Puis j’ai fait un ou deux extras au Park Hyatt, avec Yann Daniel, par pur hasard. Je suis rentré dans son équipe, pendant un an. Je voulais toujours plus de contact avec des gens. Je l’ai vraiment observé, c’est quelqu’un de très dynamique, très classe, qui a commencé très jeune. J’avais beaucoup de respect pour lui. Le palace, j’en avais assez. J’avais envie de retourner dans un bar à cocktails, ma véritable passion. Je suis parti pour faire un entretien dans un hôtel parisien et j’ai rencontré Gilles Dubreuil, mon chef barman aujourd’hui, qui par hasard buvait un verre là-bas avec des amis. Il m’a demandé : ” Que fais-tu là ? ” et j’ai répondu : ” Je cherche du travail “. Il m’a dit : ” Je cherche un barman “. Je n’ai pas passé d’entretien, ça fait 5 ans que je travaille ici.
Apicius, C’est un endroit un peu discret, secret, classique, majestueux.
Si on devait présenter le bar Apicius, qu’est-ce que l’on pourrait dire ?
Valentin Calvel : C’est un endroit un peu discret, secret, classique, majestueux. Il y a 7 mètres de plafond ! Le bar est joli, ça fait des années qu’il est construit aussi bien par Gilles Dubreuil que par les barmen passés par là, Joseph Biolatto, le tout premier barman de la maison. C’est aussi un endroit nature où tous les gens peuvent s’exprimer. C’est la mentalité du chef des lieux, Jean-Pierre Vigato. On a toute sa confiance ! Depuis 5 ans que je suis ici, on a une carte ouverte, on fait des cocktails sur-mesure et on compose avec la voix, on parle avec les gens, on essaie d’avoir un maximum d’attention pour eux.
Il n’y a donc pas de carte chez Apicius, qu’est-ce que cela implique ?
Valentin Calvel : Ça implique de la surprise, tout le temps ! On tente de ne pas faire trop d’erreurs, on fait fonctionner au maximum le cerveau, d’être toujours plus créatif sans partir dans des délires de cocktails moléculaires, etc. Ce sont des cocktails purs et simples. On travaille énormément de fruits frais, des herbes, du thym, du romarin, on peut travailler des huîtres, du caviar…. De ce fait, c’est une carte à l’infini !
Quels sont les avantages, quels sont les inconvénients ?
Valentin Calvel : L’inconvénient, c’est au niveau de l’organisation l’été parce que l’on a une belle terrasse avec un jardin, ça peut être compliqué. Après 5 ans, quand même, il n’y a plus de problèmes mais des réflexes. L’avantage, c’est une ouverture de choix sur le cocktail, sans aucune limite.

Le bar d’Apicius et leurs cocktails d’exception

Le bar d’Apicius et leurs cocktails d’exception
Quels sont les cocktails du moment ?
Valentin Calvel : On essaie de travailler comme la cuisine, de manière saisonnière. Là, par exemple, on est en intersaison, je suis encore sur les fruits exotiques et je commence doucement avec les fruits rouges, si j’arrive à avoir la qualité. On commence à travailler la tomate, les basilics, le basilic thaï, le romarin, le thym. Des choses originales aussi comme du limon cress, du shiso. Côté alcools, on travaille pas mal les alcools français chez Apicius, comme beaucoup d’établissements à Paris. Le renouveau du bar à cocktail est important en ce moment, autant faire travailler les marques françaises. Liqueurs, eaux de vie, il y a un bel élan. Les alcools français sont présents dans le monde du bar depuis plus d’un siècle, ils ont une histoire très importante. Si aujourd’hui on a une bonne dynamique dans le bar à cocktails, il n’y a pas de raison que tous ces alcools oubliés ne reviennent pas à la page…
Quel est ton premier souvenir de cocktail ?
Valentin Calvel : Je pense à mon premier Manhattan. C’était sur la Rochelle, dans un tout petit établissement, les bars à cocktails n’existaient pas en province. Celui-ci m’a vraiment marqué ! J’avais une vingtaine d’années. Les premières sensations, c’est de se dire, est-ce que l’on peut boire ce type de cocktail ? C’est sec, le palais n’est pas habitué, on est jeune et en règle générale on préfère les choses plus sucrées, acidulées, un peu smoothie… Quelque chose de facile à boire. Et quand on m’a proposé ce type de cocktail, ça m’a surpris et finalement, ça m’a fait du bien. C’est encore ce que je bois régulièrement, Manhattan, Martinez…
Quelle est la qualité et le défaut d’un bon barman ?
Valentin Calvel : L’écoute, dans un premier temps, avant même de se targuer de faire de bonnes boissons. Il y a de très bons barmen qui sont de mauvais mixologistes (rires). Le défaut du bon barman, c’est de faire à son client ce qu’il a envie de boire lui !
Mon premier conseil, c’est fichez vous des règles !
Quel est le client idéal ?
Valentin Calvel : Pour moi, c’est la personne qui me dit : ” J’ai entendu dire que vous faisiez des cocktails mais j’en ai jamais bu et je ne sais pas du tout ce que c’est “. Ça, c’est l’idéal, parce qu’il a le palais vierge ! C’est un challenge, faut le surprendre.
Quelles sont tes bonnes adresses à Paris ?
Valentin Calvel : J’adore le Calbar, le Café Moderne, le CopperBay, le Syndicat … Et j’aimerais vraiment bien essayé Baton Rouge mais comme je viens d’avoir un enfant, je ne trouve pas trop le temps !
Aurais-tu une anecdote de bar ?
Valentin Calvel : Ma plus belle anecdote, c’est un jour où deux personnes sont venues au bar. Madame pleurait, Monsieur était un peu triste. Ils me demandent de leur faire du bien aujourd’hui parce qu’ils viennent de fêter leur divorce… Ils venaient de signer leur papier. Je leur ai fait deux petits cocktails et je leur ai glissé, ” Ne vous inquiétez pas, la situation va changer ce soir “. Ils sont repartis du bar après s’être enlacés, comme deux amoureux. Ils ont annulé leur divorce et ils se sont remis ensemble, depuis 6 mois. Chaque mois, ils viennent me revoir pour fêter leur mariage…
Quelles astuces de barman peux-tu donner à nos lecteurs ?
Valentin Calvel : Mon premier conseil, c’est fichez vous des règles ! A partir du moment où l’on a le matériel, il faut se faire confiance, se moquer des règles et tenter de nouvelles expériences. Sinon, beaucoup de barmen comme moi travaillent avec du citron vert, il ne donne pas énormément de goût mais il contrebalance en acidité si vous avez trop sucré le cocktail. On peut toujours aussi épicer par dessus, allonger. Il ne faut pas hésiter aussi à aller dans les épiceries japonaise, j’utilise par exemple du Kona Sancho, un petit poivre vert qui est moulu, il relève le cocktail. Ça donne un peu de fraîcheur au cocktail, c’est très marrant. Dans un Gin Fizz par exemple, c’est très bon (ndlr : sans oublier la nouvelle gamme Schweppes Premium Mixer, utilisée par Valentin).
Apicius20 Rue d’Artois, 75008 ParisLe site officiel .L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTE. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.