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Polo & Pan : “Et là, on joue pour Elon Musk”

Après une longue année en studio précipitée par la pandémie, le duo français Polo & Pan a profité de ce moment d’arrêt dans le monde entier pour réfléchir à leur futur projet. Le 25 juin prochain, les deux représentants de la scène électro française sortiront Cyclorama, leur deuxième album, qui revient sur le cycle de la vie, sur la transmission, l’avenir et le temps. Nous avons rencontré Paul (Polo) et Alexandre (Pan) le temps d’une interview pour en savoir plus sur ce nouveau projet.

Vous êtes sur le point de sortir un nouvel album, quel a été son point de départ ?

Alexandre : Le point de départ… il n’y en a pas vraiment eu. Nous avons été dans un mouvement continu depuis le début. D’abord, on a énormément tourné suite à la réussite du premier album. Pendant qu’on tournait, on avait déjà plein d’idées donc on a commencé à écrire une histoire. On avait même la possibilité d’écrire dans les avions, les trains, avec nos ordinateurs.

Paul : C’est ça, c’est un album qui s’est fait sans qu’on se dise que ça va être un album. On a fait plein de morceaux et Alex est venu avec le concept. Ensuite, nous nous sommes réunis autour d’une idée maîtresse. Cyclorama, c’est sur le cycle de la vie, de la naissance à la mort, la transcendance.

Alexandre : Oui, il y a un lien naturel qui s’est créé dans tout ce qu’on faisait. On a vu que ça répondait à quelque chose qui nous arrivait aussi de façon humaine. Cette narration est devenue assez naturelle au fur et à mesure de la création musicale.

Paul : Et les derniers mois, on a essayé de rajouter des éléments complémentaires, comme sur le morceau Requiem, on a ajouté quelques pivots. C’était un processus assez différent du premier album car à ce moment, on était tous les deux au studio, on avait tout le temps possible. Et là, c’était plus un processus où on produisait chacun des morceaux sur nos laptops, on les amenait au studio et on se disait si celui-la était bien. On avait une vingtaine de maquettes, on en a choisi que quatorze.

J’imagine que la situation sanitaire a eu un impact sur la façon de faire votre album.

Alexandre : C’est étrange parce qu’en décembre 2019, on s’était dit d’un commun accord qu’on voulait s’arrêter pour recréer. Le monde s’est arrêté à cause de la pandémie, à peu près au même moment. Par contre on s’est rendu compte que notre capacité à être toujours ensemble a été quelque peu altérée, ce n’était plus aussi naturel et évident d’aller au studio, parce que chacun était dans son petit refuge.

Paul : Oui c’était vraiment au début, dans les premiers mois, au premier confinement, quand tout le monde était en train de flipper et que personne ne savait vraiment ce que c’était. Tout le monde s’est un peu réfugié dans sa campagne. C’était au moment où on travaillait sur l’EP Feel Good. Du coup, on a eu un procédé un peu différent, on a travaillé à distance. C’était pas le plus simple mais on a réussi à finir le disque. Pour l’album, on a passé beaucoup plus de temps à Paris, en studio. Comme tout le monde, on a repris notre activité. On pouvait pas vivre normalement mais on pouvait bosser normalement et même beaucoup bosser.

Polo & Pan

Polo & Pan

Travailler un EP qui s’appelle Feel Good lors du premier confinement, c’est assez amusant.

Alexandre : Ce qui est vraiment drôle, c’est que le morceau Feel Good a été conçu en septembre octobre 2019 quand personne n’avait vu venir la pandémie. Feel Good, c’est un morceau qui est, comme Polo et moi, profondément optimiste. C’était plutôt un hommage à l’amitié, à la simplicité des choses, au plaisir naturel que tu croises au détour d’une rue.

Paul : On revenait aussi des Etats-Unis et on se disait que ça serait cool d’avoir une chanson pop au format US mais aussi pour le live. En partant de ce point de départ, c’est sympa d’entendre tout le monde se dire : “Ah super, ils nous donnent le sourire en pleine pandémie…” Ce n’était pas ça l’idée à la base mais…

Alexandre : … Ça tombait bien !

Pour revenir à l’optimisme, on retrouve d’autres thèmes dans votre album comme l’enfance ou la joie. Est-ce que vous choisissez vos thématiques ou est-ce plus des inspirations ?

Alexandre : Il y a eu quelque chose dans la construction de ce deuxième album. On s’est rendu compte qu’on avait été touché par beaucoup d’hommes et que leurs oeuvres avaient souvent une double lecture, un double sens pour nous. Dans le premier album, on a beaucoup fait appel à la mécanique du souvenir, de la naïveté, à la mélancolie et à la nostalgie… À partir d’un moment, tu te mets à conscientiser les choses ; et alors, il y a quelque chose de plus adulte quand tu regardes l’enfance. Dans l’album, on se met dans un point de vue adulte de l’enfance.

Paul : Oui, on a essayé de faire quelque chose de différent. Malgré nous, on ne peut pas s’empêcher de mettre des références naïves. On voit dans le disque qu’il y a toujours une grosse part de joyeux, de solaire, même s’il y a des morceaux plus nocturnes, plus épiques, comme Requiem. On suit une évolution tout en gardant notre ADN musical. Il y a toujours quelque chose d’innocent dans notre musique.

Est-ce difficile de savoir vers quoi aller, lors de la conception d’un album, pour suivre une évolution ?

Paul : On essaie de ne pas être prisonniers de nos concepts. On fait d’abord la musique qu’on aime, on commence toujours des morceaux différemment que l’on imbrique ensuite autour d’une histoire. On part jamais en se disant qu’on va faire un album sur la vie et la mort. On fait d’abord des morceaux qu’on aime et ensuite on trouve une histoire qui fonctionne avec. On trouve toujours des points de départ qui nous inspirent, sans jamais rester bloqués dans des concepts.

Alexandre : Les gens prisonniers de leur concept vont juste répondre au concept au détriment de la musique. On s’est rendu compte naturellement et même inconsciemment que ce qu’on était en train de créer prenait de plus en plus un sens. C’est ce qui a permis de continuer dans ce sens-là. On avait beaucoup de fantasmes musicaux et finalement, en créant on se rend compte que les choses se font.

https://youtu.be/PqtV0BTh66o

Quand tu parles de fantasmes musicaux, tu parles de quoi ?

Alexandre : Ça peut être des références musicales ou artistiques. Ça peut être des époques. On se dit qu’on aimerait aller dans telle ou telle direction et de là, on va sur Internet, on se documente, on s’instruit beaucoup, on lit, ça peut étoffer nos idées. Il y a un processus intellectuel vraiment inspirant pour arriver à un processus musical.

Justement, Cyclorama est un terme qui vient du cinéma et du théâtre. Y a t-il quelque chose qui fait appel au cinéma dans votre processus musical ?

Paul : La musique de cinéma a toujours été une grosse inspiration pour nous. On cite souvent des gens comme Les Baxter, Vladimir Cosma, l’Exotica des années 50 US, la musique du ciné des années 70 françaises ou italiennes. On écoute beaucoup de musiques sud-américaines, la cumbia, tout ce qui groove.

Alexandre : Et la musique classique aussi, énormément.

Paul : On le sent plus dans ce disque.

Alexandre : Oui, dans ce disque, on a beaucoup orchestré. Il y a beaucoup de morceaux baroques. Nous qui sommes de grands romantiques, grands auditeurs de Debussy ou de Ravel ; là, on est allés dans du Bach, du Mozart. On a vraiment rendu hommage à beaucoup de genres musicaux qui nous ont inspirés.

Paul : L’intro, on nous a dit que ça faisait penser à Brahms, ça fait plaisir.

Alexandre : Et, on a surtout eu la chance de travailler avec Vladimir Cosma, qui nous a invités à retravailler plusieurs de ces morceaux et à venir faire des concerts avec lui.

Paul : Oui, et on lui a fait écouter l’album, il y a à peu près un an chez lui, et c’était encore loin de ce que l’album est devenu…

Alexandre : Lui qui est tellement intransigeant dans ses goûts, il nous a dit ce qu’il aimait bien et ce qu’il aimait moins. C’était superbe de pouvoir travailler avec lui. Nous sommes ses plus grands fans. On est sur un album qui a pour thème le cycle, la transmission, les étapes de la vie. Avoir pu travailler avec une source d’inspiration aussi extraordinaire, et de l’avoir eu comme point transmetteur, de passation de génération, ça nous semblait intéressant et génial de l’intégrer. Le processus de transmission est très important dans l’album. Pour te répondre sur Cyclorama, c’est un terrain de jeu d’artistes. Dans le cinéma ou le théâtre, il y aussi le mot cycle. C’est un jeu sur les mots intéressant et graphique que Paul a trouvé, qui est apparu comme une évidence.

L’idée du cycle et du temps me rappelle une phrase de Debussy d’ailleurs, qui répondait à son amour d’enfance : “Madame, nous n’avons pas changé, c’est le temps qui a changé. Nous, nous sommes restés comme avant.” Qu’est-ce que cette phrase vous inspire par rapport à votre carrière ?

Paul : Le temps change mais je ne pense pas que nous, nous soyons très au contact de la scène actuelle par exemple ou de ce qui se passe dans les médias, ce n’est pas notre source d’inspiration. Nous sommes plus dans la nostalgie, le souvenir, même si on est sensible à certains trucs de production. On a travaillé avec Channel Tres pour faire des choses plus actuelles. On écoute de la trap, on va prendre des petits éléments de prod, des choses comme ça. Par rapport à l’époque de Debussy, le temps change encore plus vite aujourd’hui, il y a une accélération de la transformation du monde, en plus avec le COVID, ça semble s’être encore plus transformé. Il y a forcément un impact extérieur, mais c’est pas ça qu’on a essayé de capter dans l’album.

Alexandre : En tout cas, c’est un album qui rend hommage au temps alors que le précédent rendait hommage à l’espace. C’était un voyage dans l’espace avec Caravelle. Là, on est sur quelque chose de temporel. On se place en “figeur” du temps. On est un peu près au milieu de notre vie et notre point de vue est au milieu de ce qu’on est en train d’écrire : entre ce qu’on peut voir du passé et la projection un peu fantasmée de ce qui peut nous arriver. Donc, on va dire qu’on a essayé d’arrêter le temps pour en faire quelque chose d’un peu encyclopédique et de très subjectif. On a appuyé sur pause le temps de faire l’album.

Paul : C’est aussi le temps de l’existence humaine, pas le temps de 2021 ou 2022. C’est le temps de tous êtres humains ; on va tous passer par ces étapes-là. On parle de cela en filigrane mais dans le clip Feel Good, on préfigurait déjà cela, on nous voit enfants, puis adultes, il y avait déjà toute cette idée de cycle.

Polo & Pan - Artwork

Polo & Pan – Artwork “Tunnel” par Noémi Ferst et Benjamin Moreau

Est-ce que Cyclorama n’est pas l’arrière-plan de votre vie finalement ?

Alexandre : Il y a une partie de l’album qui est une projection fantasmée de choses qui ne nous sont pas arrivées mais aussi une partie d’une grande subjectivité ; entre ce qu’on imagine et ce que nous avons vécu. C’est une histoire de point de vue.

Paul : On est à un certain moment de notre vie. On a beaucoup mixé plus jeune, on s’est éclaté, on a fait un premier album qui a bien marché et il y a eu ensuite un temps de réflexion. Je viens d’avoir 40 ans, le temps avance, Alex est papa ; donc effectivement Cyclorama est un peu une trame des questions qu’on peut se poser. Après avoir kiffé notre enfance, notre adolescence, on se retrouve là et on a pris le temps pour se poser des questions, pour construire la transmission, penser à la nouvelle génération.

Donc on remonte d’un étage, on tombe dans une plus grande chambre avec des platines et là, on joue pour Elon Musk.

Comment réussissez-vous à mélanger vos deux vies ?

Paul : Au chifoumi (rires).

Alexandre : Depuis le début de notre relation amoureuse musicale, je dois admettre qu’on a réussi cette chose qui est la plus difficile dans un duo, c’est la théorie de la meilleure idée. Ça veut dire qu’on a chacun une idée, parfois en même temps, sur un même truc et il faut choisir. Jusqu’à présent, j’ai l’impression qu’on a toujours su honnêtement se dire : “Ah ouai c’est vrai que c’est mieux”. Polo peut ouvrir avec une mélodie, et si je la trouve génial, je lui dis que c’est génial. Ensuite je m’en empare, j’écris des textes ou je fais juste un rythme. J’y amène mon petit vernis. Finalement, ce qui marche chez nous deux, c’est le respect que l’un ou l’autre a pour la bonne idée.

Paul : C’est de la patience, il faut savoir s’écouter. Quand on n’est pas d’accord, il faut trouver la solution. Il y a des morceaux où l’un s’exprime un petit peu plus et il y a un équilibre qui se crée à partir de là. Même dans le live, on doit chacun trouver comment s’exprimer… On construit cela depuis des années ensemble, on arrive à passer toutes les étapes en prenant du plaisir et à ouvrir nos ailes petit à petit, musicalement.

Alexandre : La réussite du projet est qu’on a placé l’entité Polo & Pan au-delà de nous deux. On est au service de ce projet musical. Quand quelqu’un a une meilleure idée, on est contents car on se dit qu’elle est en train d’alimenter de façon vertueuse le projet. On a besoin d’un ego chacun, mais savoir qu’on est au service d’un projet, ça marche vraiment.

En travaillant à deux, il doit aussi et surtout avoir des anecdotes amusantes à raconter. Vous en avez une récente à partager ?

Alexandre : On a vécu quelque chose de rigolo le jour de l’an.

Paul : Ah ouais… ? Oh oui ! (rires)

Alexandre : Au jour de l’an, on est partis au Mexique pour jouer… en respectant le protocole de façon exemplaire. Et après avoir joué, on nous a invités à jouer dans une chambre d’hôtel. Il y avait une centaine de personnes, et là on s’est dit que c’était génial, en plus ça faisait tellement longtemps que l’on n’avait pas joué. On était trop contents. Pendant qu’on joue, on a un ami qui vient nous voir et qui nous dit : “Les amis, y a Elon Musk qui est dans la chambre au dessus, qui était à votre mix, qui adore, et il voudrait que vous veniez mixer dans sa chambre“. Donc on remonte d’un étage, on tombe dans une plus grande chambre avec des platines et là, on joue pour Elon Musk.

Est-ce qu’il y avait Grimes ?

Paul : On ne va pas donner plus de détails (rires).

Alexandre : Toujours est-il que c’était vraiment spontané et on ne l’avait plus vécu depuis longtemps. C’était un enchaînement naturel de joie qui nous manquait tellement et qui est en train de revenir peu à peu… ça paraissait complètement dingue. Car notre vie est faite de choses insoupçonnées comme ça et le fait de le revivre au Nouvel An, ça nous a fait du bien.



L’album Cyclorama
Sortie le 25 juin
Chez Virgin/Universal

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