“Shabby chic”, “foodtruck”, “dans le pipe”, le langage parisien a maintenant son décodeur. Plus qu’un dictionnaire, Je parle le parisien est un vrai guide de conversation et de prononciation. On adore ! Voici l’interview des auteurs.
Le journaliste Jean-Laurent Cassely, ethnologue urbain et auteur de plusieurs ouvrages sur Paris et l’humoriste Camille Saféris, révélé par l’émission Nulle Part Ailleurs ont accepté de nous parler de leur livre Je parle le parisien (Parigramme) qui propose un décodage du langage des Parisiens. Un débrief énooorme !
Villa Schweppes : Comment vous est venue l’idée d’écrire ce dictionnaire parisien ?
Jean-Laurent Cassely : L’envie d’oeuvrer nous aussi en faveur du vivre-ensemble. Trop souvent, on se moque des Parisiens, mais sur de mauvaises bases ou des stéréotypes éculés. Alors qu’ils sont bien pires en réalité que leur caricature. Il fallait donc faire ce travail de recensement des opinions chics et idées à la mode.
Camille Saféris : Et puis surtout, il fallait un traducteur, un vrai décodeur : aujourd’hui, on ne se comprend même plus quand on se parle entre Parisiens ! Ça devenait urgent !
Comment avez-vous conçu le livre ? Vous êtes-vous inspirés de vos propres expériences ?
JLC : Il suffit de se baisser pour ramasser ! Parfois nous sommes nous mêmes des sources d’inspiration quand l’un de nous deux reprend l’autre en flagrant délit de prononciation d’une expression parisienne à la con. Cela arrive malheureusement trop souvent.
CS : Je dirais même plus : carrément !
Allez-vous vous attaquer à d’autres grandes villes (Marseille par exemple) ?
JLC : Le dico fait en partie suite à 2 manuels de survie que j’ai écrits par le passé : Paris manuel de survie (éd. Parigramme, réédition Point Paris, mode d’emploi) et Marseille Manuel de survie (ed. Les beaux jours). Il n’y pas pour le moment de projet dans d’autres villes, mais ce qui est recensé dans Je parle le parisien vaut d’une certaine manière pour la vie urbaine dans son ensemble, le vocabulaire et les néologismes se retrouvent dans d’autres grandes villes.
Comment reconnaît-on un Parisien ?
JLC : À son métier, qui porte en général un intitulé incompréhensible.
CS : Oui. Et aussi au fait qu’il parle toujours des Parisiens en désignant les autres, comme s’il n’en faisait absolument pas partie !
Pouvez-vous nous faire un portrait robot du Parisien qui sort ?
CS : Jean-Laurent me paraît l’archétype même du Parisien qui sort. Barbe de trois jours, cernes savamment travaillées, mèche de néo-romancier habitant un loft à Pantin… Il est “so 2014” !
JLC : C’est faux. D’ailleurs je ne sors jamais.
Que pensez-vous de la nuit à Paris ?
JLC : Le discours à la mode c’est “la nuit se meurt à Paris”. C’est un paradoxe car les quartiers de nuit sont aujourd’hui valorisés pour leur vie trépidante, mais à terme les habitants qui s’y installent réalisent que ça n’est pas très agréable de vivre au dessus d’un bar ou d’un club. Une éthnologue a même donné un nom à cet effet : l’oberkampfisation. La nuit à Paris ressemble au jour, c’est à dire trop chère, sélective et homogène… Mais je n’ai jamais été très porté clubbing en même temps…
CS : “La nuit, tous les éléphants sont gros”. Je crois que c’est de Cioran… ou peut-être d’un de ses cousins.
On dit que les Parisiens ont un accent ? Est-ce vrai ?
JLC : Oui, il y a le fameux “ennn” pour terminer les phrases, comme dans “Ouais ennn, quand tu veux ennnn”. On dit souvent que le Parisien parle “pointu”, mais lui dira qu’il parle le Français standard évidemment…
CS : Moi j’ai plutôt entendu dire que ce sont les journalistes qui avaient un accent…
JLC : Je crois que Camille dis ça pour se foutre de ma gueule. Pourtant il a lui aussi un accent, d’ailleurs il est Parisien de naissance contrairement à moi. Mais je fais des efforts de prononciation pour m’intégrer.
Le spot où vous avez entendu les plus belles perles ?
JLC : Montreuil Croix de Chavaux, enclave parisienne cool en Seine st Denis. C’est un endroit où tout le monde est tout le temps “sur des projets”, artistiques, associatifs, créatifs, etc. Tout le quartier central dit de la “Silicon Sentier” offre aussi de belles perles en journée comme en soirée, comme “je bosse sur un projet d’intégration participative des big data en crowdsourcing”.
CS : Chez moi, dans le Boboland du XIème.
Quelle est l’expression parisienne la plus en vogue en ce moment selon vous ?
JLC : “Improbable”. Dans le monde professionnel je dirais “big data”. Dans l’univers des loisirs, tout ce qui tourne autour de la “food”.
CS : Et évidemment dans les librairies en ce moment, quand les gens tombent sur le dico et s’écrient “Énooooorme !”.
Le mot ou l’expression la plus “parisienne” que vous retiendriez selon chaque catégorie de votre livre ?
Tous les deux : Bipolaire. Frappuccino. Cuisine d’auteur. Studette de charme. Coach Holistique. Fab Lab (les traductions dans le livre !).