Née dans une chambre de bonne, la musique de Paradis grandit jusqu’à emmener les deux amis sur la scène de La Cigale pour défendre “Recto Verso”, un premier album intime et libérateur.
Nous sommes assis à une table de Chez Jay, un restaurant situé aux pieds du Parc des Buttes-Chaumont. Avant de débuter la discussion, Simon avoue timidement avoir repéré une armoire à casiers abandonnée sur le chemin et nous voilà ainsi partis pour transporter le meuble dans le hall de son immeuble, à quelques rues d’ici. Il confie chercher ce type de mobilier depuis un moment pour, notamment, y ranger ses vinyles. La musique, c’est évidemment le thème qui ne nous a pas quitté durant le reste de l’entretien. De la leur, surtout. Celle pour qui ils vivent aujourd’hui, celle qui a tissé leurs liens d’amitié et qui les libère, nous avouent-ils, de certaines frustrations.
L’affinité au coeur du projet
Comme souvent, une fois la barre des 20 ans passée, Pierre Rousseau et Simon Mény se sont rencontrés lors d’une soirée, chez un ami commun. C’était il y a six ans. Après avoir fait connaissance, ils ont rapidement saisi qu’ils partageaient un autre intérêt que le débit d’alcool entre potes : la production de musique. Quelques jours plus tard, Pierre donne rendez-vous à Simon dans sa petite chambre de bonne pour jouer avec les quelques machines dont il disposait à l’époque. C’est dans cette même pièce que les deux jeunes hommes ont donné les premières couleurs au projet Paradis. Si l’un était plus porté sur la disco et l’autre sur la house et la techno de nos voisins allemands, Pierre et Simon ont su très rapidement se créer une palette de sons à partir des affinités musicales qu’ils partageaient.

Simon et Pierre
De cette entente est née “Je M’ennuie”, une ballade électronique sur laquelle ils s’essayent pour la toute première fois au chant. Pierre nous précise : “Auparavant nous ne faisions que de la musique instrumentale et c’est au moment où on s’est rencontrés qu’on s’est mis à faire des chansons chantées“. Sans autre objectif en tête que de faire de la musique qui leur plaît, c’est finalement Tim Sweeny, DJ animateur de radio basé à New York, qui amorce la carrière du duo en le signant sur son label Beats In Space.
Ils proposent une recette électronique qui deviendra leur marque de fabrique : une longue introduction instrumentale ouvrant sur une house où Simon vient poser sa voix, en français. À l’écoute, il vous viendra très facilement à l’esprit de les cataloguer comme la “relève” de la chanson française ou bien des représentants d’une nouvelle vague French Touch. Des étiquettes avec lesquelles les intéressés sont très à l’aise bien qu’ils apprécient plus particulièrement le terme “chanson”.
La musique pour catharsis
Tous les choix artistiques de Recto Verso, leur premier album sorti en septembre dernier, ont été fait à deux. De ce fait, les sessions de travail qui ont permis d’aboutir sur un produit fini et cohérent ont parfois été sujettes à des mésententes. “Donner un avis sur quelque chose d’artistique, c’est hyper subjectif. Y’a des situations conflictuelles mais on garde toujours cette idée à l’esprit qu’au-delà de ce qui ne nous met pas d’accord, il existe un truc où, tous les deux, on arrive à être à fond dans notre idée“, raconte Simon. C’est sûrement pour cette raison que l’album ne comporte pas de collaborations. Ouvrir leur univers à celui d’un autre aurait certainement été, pour ce premier opus, une charge de travail bien trop importante. Aussi, il s’agit bien là de garder une question d’intimité pour mieux dévoiler leurs envies en termes de mélodies mais aussi de sujets abordés dans leurs textes.
“On veut faire de la chanson qui fait appel au corps, au coeur et à la tête“
Plutôt que de se payer une séance de psy qui coûte un bras, c’est par l’écriture que le duo préfère se confier. Pierre explique : “Dans notre relation, les moments où on se sépare le plus, c’est quand on ne fait pas de musique. Elle nous permet d’exprimer plein de choses, que ce soit nos frustrations que l’on entretient entre nous, dans nos vies quotidienne, dans nos vies amoureuses ou dans nos vies affectives avec d’autres“. Recto Verso n’a pour autant rien d’un journal intime mais plus d’un exutoire de pensées souvent exprimées sans filtre.

Paradis
Faire primer la beauté des sonorités des mots ou l’impact de leurs sens ? Paradis ne réfléchit pas ainsi et s’inspire d’une base instrumentale puis créé ses textes en fonction de ce quelle leur évoque. Tout marche au feeling : “Parfois, il y a un mot qu’on trouve inspirant pour se lancer puis qui disparaît à la fin. On part rarement d’une idée ou d’un thème pour rédiger un texte et quand c’est arrivé, ça n’avait plus rien à voir à l’arrivée“, ajoute Pierre. Bien que la thématique abordée se révèle souvent ralliée à la dualité, le sens des textes est, quant à lui, bien moins évident à saisir dans la mesure où chacun peut s’en faire sa propre interprétation. Paradis joue avec la symbolique et raconte des histoires de manière subjective : “Nos mots ont des petites portes secrètes donnant sur différents sous-entendus“. Chacun voit son Paradis comme il l’entend.
La Cigale et les fourmis
Il y a peu, les deux garçons sont passés sur le plateau de Quotidien pour y interpréter “Toi Et Moi” et semblaient très intimidé. À tel point que l’on a émis l’idée que ceci aurait pu être une mise en scène pour que leur fébrilité sur scène se marie bien avec la sensibilité de leurs textes. Simon nous répond aussitôt : “On n’a jamais eu envie de créer des personnages. Notre musique est une véritable partie de nous“. Cette timidité – non sans charme – est donc bel et bien là et s’explique sûrement par leur activité très récente sur la scène. Le chemin qui les a emmené à défendre leur musique sur les planches de la Cigale, le vendredi 18 novembre 2016, n’aura pas été sans embûches. Amusons-nous à les comparer à des fourmis : petits dans le monde de la scène mais méthodiques et organisés.
Depuis que leur album est terminé, ils n’ont pas arrêté de travailler leurs prestations et continuent encore d’ajuster les tirs au fil des concerts. Paradis cherche ses marques mais a trouvé un équilibre et une cohésion artistique avec deux autres musiciens, l’un batteur, l’autre claviériste. “Notre harmonique est quasiment toujours le même mais tout ce joue dans des subtilités. Se souvenir de nos 14 morceaux revient à mémoriser 14 combinaisons“, nous avoue Pierre. En live, le quatuor fait vivre les morceaux de l’album en les réinterprétant et les font ressortir avec un son plus organique que l’on vous encourage à partir écouter lors d’une de leurs dates de tournée.
“Notre musique nous permet de nous affirmer en tant que ce que nous sommes. La musique pour devenir.”