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OKLOU : “Galore fut un grand voyage spirituel, mon goal artistique”

Parce que la génération DIY, c’est cette génération d’artistes sans limites qui s’amusent à décortiquer les genres musicaux en y insufflant ce petit plus malin qui captive par sa simplicité. Et la française Oklou en est, aujourd’hui, une figure. Jeune disciple prodigieuse du collectif Nuxxe, elle nous embarque dans un univers doux, harmonieux et songeur avec sa mixtape Galore, sortie en septembre dernier. Un univers qu’on retrouve sur son nouveau remix de Caroline Polachek. Interview.

Difficile de passer à côté du label/collectif londonien Nuxxe et de tous ses talents qui ont montré, cette année, tout ce qu’ils avaient dans le ventre. Entre l’éminent deuxième EP de Alias, le nouvel album Salvador du prolifique Sega Bodega, les sorties éparses de la tonitruante Coucou Chloé, et récemment, la douce mixtape de la française Marylou Mayniel, que le monde entier connaît aujourd’hui sous le nom Oklou. Imaginez une pop édulcorée et autotunée, plus mystique que celle de Charli XCX, mixée à une imagerie épurée et onirique… voilà à quoi ressemble l’univers de la jeune prodige, nouveau fer de lance de la génération DIY made in France. Après une escapade londonienne, deux EPs (Avril et Rite of May) ainsi que de nombreuses collaborations (Mura Masa, Flavien Berger, Casey MQ…), elle livre Galore, un opus entièrement écrit et produit par ses soins. Véritable odyssée envoûtante pleine de songes, cette mixtape marque au fer rouge l’empreinte d’Oklou dans la pop actuelle. Une empreinte qu’elle poursuit aujourd’hui avec de nouveaux remixes… Rencontre.

Tu es où là ? Londres, Paris ?
OKLOU : Paris. Je reviens de chez Star Music, je cherchais une référence en guitare. Pour en jouer en live.

Londres ne te manque pas ?
OKLOU : Londres c’est génial. C’est ouf la vie là-bas. C’est mieux organisé qu’ici. Mais Paris… c’est ma ville de coeur, tous mes potes sont ici.

Ils t’appellent Oklou, Marylou… Avril Alvarez ? C’est quoi l’histoire derrière ton nom ?
OKLOU : Ils m’appellent Lou. Du coup, je voulais faire un truc avec ce diminutif, et je me suis dit “Ok… Lou… Oklou.” [rires] Et Avril Alvarez c’est un petit délire avec moi-même, c’est mon pseudo Facebook, c’est mon blaze sur Soundcloud aussi. J’aime beaucoup la sonorité du nom ‘Avril’, et puis Alvarez, c’est espagnol, ça sonnait bien ensemble. Donc pourquoi pas le garder sur Instagram… même si c’est en pourparlers en ce moment.

D’ailleurs qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans la musique ?
OKLOU : Ça fait très longtemps que j’en fais. J’ai commencé à apprendre à jouer très jeune. Je suis tombée dedans comme Obélix est tombé dans la marmite. [rires] Scolairement, j’étais inscrite dans des CHAM préparant au Conservatoire. Après tout ce qui touche à ma culture musicale et artistique, je me la suis construite toute seule. Il y a forcément des connaissances et des maîtrises que j’ai apprises au Conservatoire, mais il y a plein d’autres choses que j’ai développées toute seule comme aujourd’hui mon activité principale : à savoir, composer sur un ordinateur.

Qu’est-ce qui a changé entre The Rite of May et Galore ?
OKLOU : Il y a beaucoup de similitudes comme beaucoup de différences. Je dirais pas que c’est un changement, mais plus une évolution. Pas nécessairement par rapport à ce que peut entendre l’auditeur, mais plus par rapport à mon travail. Pendant la conception de Galore, j’étais vraiment dans une disposition à être totalement en phase avec moi-même. Je me suis évidemment posée beaucoup de questions, il y a quelques regrets parce que j’aurais préféré faire ceci ou cela autrement, voire carrément ne pas faire certaines choses. Mais c’est moindre par rapport à comment Galore fait sens. C’est hyper profond, hyper sincère. Je ne cherchais pas à sonner comme ci, ou comme ça. J’étais plus proche de moi-même que je ne l’étais déjà avec The Rite of May.

Tu as déjà fait pas mal de collaborations (Mura Masa, Flavien Berger, Casey MQ), qu’est-ce que tu retiens de toutes ces collabs ?
OKLOU : Chaque fois quelque chose de différent. Mes rencontres avec Flavien et Casey étaient totalement naturelles, ça venait directement de nous. Alors que Mura Masa, par exemple, c’est une rencontre qui n’est pas organique, elle a été arrangée par nos labels et managers. C’est une dynamique différente. J’apprends beaucoup de ces expériences, que ce soit une session de 2h sur un morceau ou une amitié de 4 ans dépeinte sur un mini album comme For The Beasts avec Casey.

On dirait que c’est facile de faire des collabs, et je pense que ça peut l’être pour plein de gens, mais pour moi non. Tout simplement parce que le rapport que j’ai avec ma musique, il est très intime.

Oklou

Marylou Mayniel, alias Oklou

Marylou Mayniel, alias Oklou

Avec qui d’autres tu aimerais bosser ? Genre la collab improbable ou la collab rêvée…
OKLOU : J’en parlais avec un pote la dernière fois… En fait, je reçois beaucoup de messages me disant “ouais, j’adore ce que tu fais, moi aussi je fais des sons, on devrait faire un truc ensemble“. On dirait que c’est facile, et je pense que ça peut l’être pour plein de gens, mais pour moi non. Tout simplement parce que le rapport que j’ai avec ma musique, il est très intime. Je me dis jamais “ah j’aimerais trop travailler avec lui ou avec elle”. Sauf avec Casey, quand on a travaillé sur Galore, je le voulais, et puis c’est un ami avant tout. Par contre, écrire pour d’autres gens, voilà le genre de collab qui m’intéresse.

C’est quoi ou c’est qui qui t’inspire au quotidien ?
OKLOU : Je dirais ma vie personnelle. Dans Galore je parle beaucoup de ce que j’ai pu ressentir, d’amour, par exemple. Mais aussi de ce que j’observe et écoute autour de moi. En parlant de ce que j’écoute, en ce moment j’écoute beaucoup Annie Lennox et Eurythmics. La vibe des années 80, j’adore. Ça me met dans un trop bon mood. Et justement, c’est dans ces moments là que je suis inspirée.

Tu taffes sur pas mal de remixes en ce moment c’est bien ça ?
OKLOU : Ouais, ce sont mes devoirs du moment. Il y a, notamment, un remix de Caroline Polachek pour son morceau “Door“, qui sort aujourd’hui. C’est une artiste que j’admire et c’était sympa de faire quelque chose en lien avec elle. Et j’ai aussi fait un remix de “Fever“, la chanson de Dua Lipa et Angèle. Après, je dois avouer que ces “requêtes” c’est pas ma passion. Faire des remixes c’est pas ce que je préfère, même si on y retrouve ma petite touche personnelle.

Au fait, pourquoi une mixtape et pas un album ? C’est quoi la différence ?
OKLOU : C’est une question de contrat. Je n’avais pas le droit de faire un album, j’en étais pas à ce stade. Mais en même temps, j’avais envie de faire un LP (long play). Du coup, la solution c’était la mixtape. Tant que j’étais libre de faire ce que je veux de ce projet, ça m’allait.

C’est quoi l’histoire ou le concept derrière Galore ? Pourquoi ce titre ?
OKLOU : Galore ça veut dire “pléthore”, “en abondance”. Mais sa définition n’a rien à voir avec la raison pour laquelle j’ai intitulé ma mixtape comme ça. C’est le nom de l’un des morceaux de la mixtape qui, dans sa narration, est essentiel pour le reste de la tracklist. En gros, cette chanson décrit une rencontre, qui est en quelque sorte la genèse de tout ce qui se passe après. Et puis c’est aussi mon morceau préféré. Pendant plusieurs mois, à défaut d’avoir un autre titre, je l’avais appelé “Projet Galore“, et c’est resté. En réalité, j’adore ce mot. Le mot m’évoque pas mal de choses : un vaisseau spatial, un voyage, une quête… Et vu que pas mal de gens ne savent pas ce que ça veut dire spécifiquement et comment c’est en lien avec la mixtape, j’ai décidé de le garder.

J’ai très envie de composer de la “musique à images”. Quelque chose de grandiose, un gros projet visuel qui s’accompagne d’une bande son que je me serais arrachée les cheveux à composer.

Oklou

La pochette de la mixtape Galore

La pochette de la mixtape Galore

Tout ce qui est visuel autour de la mixtape, là encore tu as un univers bien à toi. Tu donnes le la ou tu laisses entièrement la DA à quelqu’un d’autre ?
OKLOU : J’ai donné un énorme La tu veux dire. A partir du moment où la partie musique était bouclée, en avril, j’ai passé le reste du temps à taffer sur les visuels. J’avais des dossiers remplis de références et de notes d’intention que j’ai rédigées moi-même. Et j’ai adoré le faire. J’aurais très bien pu gérer tout ça avec ma bande potes et ça aurait sûrement été tout aussi génial. Mais on m’a filé une liste de directeurs clips vidéos et de directeurs artistiques… et directrices. Et je suis tombée sur Nellie Eden, qui vit à Londres. Ce fut une rencontre formidable, que de bons conseils. Elle m’a accompagné dans tout, elle a été très à l’écoute. Elle s’est appropriée le projet intelligemment. Je me suis sentie chanceuse d’être bien entourée globalement. Pour la plupart de mes chansons, j’avais déjà des idées de visuels dès le début, quand elles étaient encore dans leur phase demos. C’est donc cool de voir tout ça aboutir.

Ça te brancherait de faire la BO d’un film, ou autre projet comme tu l’avais fait pour le jeu vidéo/performance Zone W/O People ?
OKLOU : Carrément.

Plus que des remixes ?
OKLOU : [rires]. Évidemment. On va croire que j’ai horreur des remixes, alors que c’est faux. Il y a de très bons remixes d’ambient que j’écoute, par exemple. Mais j’ai très envie de composer de la “musique à images”. Quelque chose de grandiose, un gros projet visuel qui s’accompagne d’une bande son que je me serais arrachée les cheveux à composer.

Et refaire du cinéma comme lorsque tu as joué dans After School Knife Fight ?
OKLOU : Pas vraiment. J’ai jamais fantasmé sur ma carrière d’actrice. Je préfère être une resta du son. Même si, cela dit, si on me convie à un casting, comme il y a deux ans, parce qu’on me profil les intéresse… j’y vais avec grand plaisir, sans rechigner. Je garde un super bon souvenir de mon expérience cinéma avec Caroline Poggi et Jonathan Vinel. J’étais super fière de faire ce projet avec eux.

En dehors des remixes, c’est quoi la prochaine étape ? Un EP, un album ?
OKLOU : Je ne suis pas un geek du son, ni une “soundholic“, je ne fais pas de son tous les jours. Je fais ma vie en dehors de la musique. Je disais tout à l’heure que les collabs c’est pas un truc qui m’enjaille, mais en vérité il y a quelques collabs de gens que j’aime bien qu’on m’a envoyées. Et j’ai envie d’essayer. Ça reste des devoirs, mais c’est moi-même qui me les suis assignés. Et entre-temps, il y a quand même une tournée qui m’attend. Enfin… normalement. On m’a fait comprendre qu’il fallait pas trop que je m’y attache. On verra bien. En tout cas, j’ai hâte de me replonger dans la même énergie que j’avais quand j’ai écrit Galore. Ce fut un grand voyage spirituel, c’est mon goal artistique. C’est pour ça précisément que je fais de la musique. Et puis parfois il faut bien gagner un peu d’argent… [rires].

Galore – Oklou
Because Music
Sortie le 24 septembre 2020

Door – Caroline Polachek, remixé par Oklou
Sorti le 9 décembre 2020