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Mykki Blanco : la rencontre musicale du mois

Rappeuse, poète, chanteuse, auteure compositrice, performeuse, Mykki Blanco est une artiste américaine qui cumule les rôles comme une véritable star de cinéma. Notre rencontre avec cette virtuose de la scène musicale queer a été l’occasion pour nous de revenir sur son dernier EP et son futur album, tout en discutant de sa carrière et ses collaborations, mais aussi de sa vie et l’amour. Notre interview.

Tu as récemment sorti l’EP “Broken Hearts & Beauty Sleep“. C’est un nouveau chapitre dans ta carrière. Comment vis-tu ce retour et ce nouveau projet ?

Mykki Blanco : J’ai fait cette blague à Radio Nova hier soir, disant que ce n’est pas vraiment un comeback mais plutôt une éjaculation (rires). Je ne suis pas ce genre d’artiste qui disparaît, je suis plutôt une artiste qui se développe lentement. Peu de gens le savent, mais j’ai commencé à faire de la musique quand j’avais 25 ans. Il y a beaucoup de musiciens qui ont ce genre de discours disant qu’ils ont toujours voulu être musicien, et qu’ils ont toujours joué du piano, de la guitare, du saxophone, et même de la flûte ! Ou alors : ils ont chanté dans une chorale… ce genre de discours. Ce n’est pas vraiment mon cas.

Comment ça s’est passé pour toi ?

Quand j’étais enfant, j’adorais le théâtre et je voulais devenir actrice. C’est pourquoi je suis à l’aise lorsque je dois performer devant des gens. À l’âge de l’adolescence, j’ai commencé à être vraiment passionnée par le théâtre expérimental et l’art performatif, mais aussi la poésie. Pas la poésie parlée, mais vraiment la poésie réaliste ou symbolique qui appartenait à l’art conceptuel. Je suis arrivée dans la musique à travers la poésie et c’est par une suite d’évènements vraiment organiques que j’ai commencé à faire de la musique. Donc, en réfléchissant à ça, il m’a fallu 10 ans pour que ma musique devienne mature et qu’elle devienne ce qu’elle est aujourd’hui. J’ai commencé à vraiment être une musicienne lorsque j’avais 25 ans, aujourd’hui j’en ai 35. Donc, ce qui s’est passé, c’est que j’ai appris ce que je suis en train de faire et que je m’améliore à partir de ce que j’ai appris.

Mykki Blanco

Mykki Blanco

Quel a été le moment de bascule où tu t’es vraiment dit : je veux faire de la musique maintenant ?

Tout d’abord, ce n’est pas vraiment venu de moi. Mon tout premier manager était ce gars appelé Charly Damga, il gérait le label Uno NYC. J’étais en train de faire une performance live où je mélangeais à la fois du rap, du punk, de la musique noise expérimentale… Les gens me disaient que les moments de rap en particulier étaient vraiment bons. J’étais du genre à dire : “Ah ouais, ok, whatever.” Charly a vu mes performances plusieurs fois, et c’est là qu’il m’a demandée si j’avais déjà pensé à faire des sons plus structurés. À ce moment-là, je ne comprenais même pas de quoi il s’agissait. Je n’oublierai jamais ce moment, quand il m’a dit : “Je crois que tu te rends pas compte que tu es en train de faire de la musique”. Il a fait partie de ces premières personnes qui m’ont vraiment poussée à travailler avec d’autres producteurs, de structurer mes sons, de les écrire avec des couplets, des refrains. Mais je pense que le vrai moment de bascule s’est passé lors de la création du deuxième son que j’ai fait. Il s’appelle “Join My Militia“. Il a été composé par Arca quand elle était au lycée. On a fait le son dans son dortoir et ce son est devenu vraiment populaire sur Internet. On a même fini par faire un clip vidéo pour ce son. Cette vidéo a été repostée par Björk sur son site web, et c’est devenu un vrai truc pour moi. C’est à cet instant qu’il y a eu tout a basculé, le moment où je me suis dit que tout ce que j’aimais – le théâtre, l’art performatif, les art visuels – pouvait être combiné dans la musique.

Aujourd’hui, on peut voir une grande différence entre les sons que tu faisais en 2012 et ce que tu fais à présent…

Oui, aujourd’hui ils sont meilleurs ! (rires)

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Dans tes premiers sons, on retrouve une énergie brute alors que tes dernières productions sont traversées par une forme de douceur. D’ailleurs, dans ce dernier EP, que ce soit avec le titre ou les compositions, le projet semble rempli de romantisme et d’émotions, qu’est-ce qui t’a inspirée ?

Je crois ne pas avoir réalisé que mes sons avaient cette teneur romantique au début. C’est vraiment à la fin du processus de création, quand j’ai écouté tous les sons et que j’ai commencé à trouver un ordre parmi les titres, que j’ai réalisé qu’il y avait une espèce d’osmose. Cette musique s’est vraiment présentée à moi de cette façon après avoir réalisé que j’avais accordé beaucoup d’importance à la performance. Tout d’abord, je faisais cela car j’étais bonne à ça. Ensuite, j’ai beaucoup performé ; c’est ce qui m’a permis d’avoir plus de fans. Et enfin, parce que je ne suis pas une artiste mainstream.

Performer et faire de grandes tournées en Europe, aux États-Unis, en Australie, en Amérique du Sud, en Asie et revenir en Europe, j’ai eu cette vie quatre années à la suite. J’ai fait ça grâce à un réseau essentiellement digital, via Tumblr, Twitter, puis Instagram et sur l’ancienne version de Facebook quand les gens l’utilisaient encore correctement. C’est cette combinaison de choses qui m’a permise de vraiment grandir et évoluer en tant qu’artiste. Être sans cesse en tournée a eu un grand impact sur ma musique aussi. Après l’album Mykki en 2016, j’étais genre “OK, je n’ai pas l’impression d’évoluer”. Mais pourquoi ça ? Ce n’est pas parce que je n’ai pas de nouvelles idées. C’est parce que je ne passe pas assez de temps en studio, que je ne passe pas assez de temps à nourrir ma musique car je suis trop focalisé.e sur les shows, mes performances, ma tournée. J’étais trop focalisée sur le fait de gagner de l’argent, de survivre. J’avais besoin de penser à une situation où je n’aurais plus besoin de compter sur la tournée pour être financièrement stable.

J’avais vraiment besoin de comprendre cela. Quand j’ai été capable de prendre du recul, de ne pas faire de tournées, j’ai été capable de me focaliser sur ma musique. J’ai commencé à découvrir et expérimenter de nouvelles choses, de nouveaux sons et de nouvelles manières de faire pour sortir de cette musique hip hop afin d’aller vers quelque chose de plus indie musicalement. C’est plus ou moins ce que j’étais en train de faire depuis le début, mais je pense que maintenant, ce changement est beaucoup plus visible.

Quand tu as travaillé sur ce nouveau projet, dans quel genre de mood étais-tu ?

À ce moment-là, j’écoutais vraiment beaucoup de shoegaze, de groupes comme Cocteau Twins, My Bloody Valentine, et même s’ils sont pas vraiment shoegaze, Siouxsie And The Banshees. Au même moment, je pensais aussi à ce genre de R&B nonchalant, genre de new wave eigthies vibe, tu vois, comme Anita Baker, Michael MacDonalds ou toute cette musique que l’on appelle Blue-eyed Soul, qui vient de musiciens blancs qui font de la musique soul au début des années 80. Même des trucs que les gens considèrent comme du Yacht Rock. Ce n’est pas le genre de musique que tu penses à écouter. Mais, quand tu écoutes, tu es là : “Oh c’est vraiment pas mal !”. Donc, oui c’est ce qui m’a inspirée. Je me suis demandée à quel point ça serait cool de créer une version de hip hop prenant ce genre de musique comme référence. C’était le mood original. Ce projet s’est terminé en juin mais il y en a un autre qui va sortir très bientôt à la fin de l’année 2021. Les gens vont pouvoir réaliser les deux moods qu’il y aura entre les deux projets.

C’est intéressant de savoir qu’un autre projet arrive bientôt avec une atmosphère totalement différente, alors que ce dernier EP révèle beaucoup de tendresse, de remise en question, une idée personnelle de l’amour et de la relation.

Un de mes sons favoris sur ce dernier EP, surtout par rapport aux paroles, c’est le son Trust A Little Bit. Parce que je pense que j’ai jamais écrit auparavant un son qui soit aussi romantique et honnête, tu vois. Les paroles de ce son sont :

What you see when you look at me?
What you think when you blink and you cannot breathe?
I cannot leave, the feeling is inconclusive
So elusive, borderline damn abusive
Hold your heart when you hold my hand
These situations we cannot plan
Faith in me, shawty faith indeed
Let’s be one, not forsaken me…

https://youtu.be/AuzwhGQB8H0

Ça sonne comme quelque chose de vécu.

Ouais… Et je pense que l’une des choses les plus intéressantes avec le songwriting, et je suis vraiment heureux que personne écrit à ma place, c’est que tu racontes ta propre histoire… Tu sais, quand tu es songwriter, tu écris un tas de sons, et tous les sons ne sont pas nécessairement bons. Il y en a aussi un tas qui sont bizarres, et ça peut prendre du temps à se développer. Je pense que, ce qui a fait de Broken Hearts & Beauty Sleep un projet qui tient debout, c’est que je me suis justement donnée le droit et le temps de développer.

Pourrais-tu dire que cet EP raconte une histoire d’amour d’une certaine manière ?

Tout à fait, et je dirais même que ça parle de la fin de ma relation avec mon ex petit ami. Tu sais, j’ai vécu à Lisbonne au Portugal pendant trois ans. C’était ma première relation sérieuse. Quand tu vis ta première relation sérieuse, tu crois vraiment que vous allez être ensemble et heureux pour toujours. Ça fonctionne pour certaines personnes, mais habituellement, c’est à partir de la deuxième ou troisième ou quatrième relation sérieuse que ça va fonctionner et que tu vas rester avec cette personne sur le long terme.

Ton histoire fait écho à une phrase d’un célèbre écrivain français, Roland Barthes. Il expliquait que chez l’être amoureux, l’amour “ne cesse de courir dans sa tête et d’entreprendre de nouvelles démarches et d’intriguer contre lui-même.” Il explique que le chaos des sentiments finit toujours par se matérialiser à travers un discours, un langage. Pourrais-tu dire que ton album est ton propre discours sur l’amour ?

Oui, et je pense que c’est une magnifique citation, je suis totalement d’accord.

Car en écoutant cette EP, on retrouve énormément d’explications sur le sentiment amoureux, comment nous traduisons et transmettons ses émotions à travers nos comportements et l’art. Est-ce que la musique est pour toi une manière d’aller plus loin dans ta propre vie ?

Je pense oui. Avec ce disque, le prochain et les nouvelles musiques que je suis en train de faire, j’ai vraiment l’impression d’avoir un travail à temps plein. Avoir un groupe, des musiciens, aller à des répétitions, construire un show, aller enregistrer en studio, travailler de nouvelles sonorités, avec de nouvelles personnes, je pense que je suis vraiment heureux aujourd’hui, car je voulais atteindre ce sentiment et maintenant, c’est là, et je me sens vraiment chanceux à ce propos.

Mykki Blanco

Mykki Blanco

En parlant de nouvelles personnes, comment choisis-tu de travailler avec telle ou telle personne, lorsqu’il s’agit de collaborer ?

Je choisis toujours mes collaborateurs. Tu sais, quand j’ai fait le titre That’s Folks, je pensais à plusieurs femmes rappeuses et je me demandais : “Hum, je peux vraiment sentir Big Freedia dessus”. Ou alors le titre Summer Fling. Ce son était vraiment drôle car quand Carry Faux a sorti son projet en 2020, j’étais genre : “Oh cette fille va devenir big, je veux travailler avec elle avant qu’elle explose”. Ce son sur l’album est vraiment cool, car Carrie Faux a travaillé une partie du son et c’était vraiment sympa. C’était une des premières fois que je collaborais avec quelqu’un sur le songwriting. Habituellement c’est seulement moi. Quand j’écris, je reste là assis à réfléchir, parfois ça vient instantanément, parfois ça prend du temps.

As-tu un artiste français que tu choisirais pour une collaboration ?

J’en ai aucun. J’en connais mais aucun que je choisirais. Désolée ! (rires) Mais si j’y pense, Laylow est vraiment cool et j’adore Christine de Christine And The Queens.

Est-ce que tu as un plaisir coupable en musique ?

Hum, quel est mon “dirty pleasure” en musique ? Peut-être que ce n’est pas un plaisir coupable mais ça ennuie sans aucun doute tous les gens autour de moi : je peux honnêtement écouter Joni Mitchell tout le temps, dans n’importe quelle circonstance. Et j’adore la techno belge des années 90. Le label Bonzai Records, j’aime beaucoup.

Je pourrais faire des films de science-fiction, d’action, un thriller, une comédie dramatique…


Et aujourd’hui, qu’est-ce que tu écoutes en boucle ?

Un album appelé Green, par un artiste japonais. C’est un album d’ambient des années 80. Je peux l’écouter, encore, et encore, et encore. C’est vraiment un super album à écouter quand tu rentres chez toi, après une afterparty, ou quelque chose comme ça.

En regardant tes vidéos clips, on te voit passer d’un personnage à un autre avec une grande facilité. Pourrais-tu te voir jouer en tant qu’actrice dans un film ?

Oh, bien sûr ! J’attends juste le bon rôle (rires) !

Qu’est-ce que serait le bon rôle ?

Je faisais du théâtre avant de faire de la musique donc… je ne sais pas, je pourrais faire des films de science-fiction, d’action, un thriller, une comédie dramatique… (rires)

Et du coup, quelle sera l’étape suivante dans ta carrière ?

Pour être honnête, le meilleur à venir sera mon prochain album, pour lequel on peut parler maintenant. Il s’appellera Stay Close To Music. C’est vraiment excitant car le premier titre est un duo avec Michael Stipe de R.E.M, ça s’appelle Family Times et ça doit sortir en novembre. Il y aura beaucoup de collaborateurs et collaboratrices mais il sera vraiment sur une vibe totalement différente de l’EP Broken Hearts & Beauty Sleep. Il y aura quelques morceaux dansants, mais ça sera surtout un album contemplatif, plus lent et chargé d’émotions. J’en suis très fière. Ça a aussi été produit par FaltyDL. C’est un disque magnifique.

Mykki Blanco – EP “Broken Hearts & Beauty Sleep
Sorti le 18 juin 2021

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