Marina sort depuis 20 ans et, depuis 2012, shoote les producteurs dont elle est fan, de Maceo Plex à Richie Hawtin, en passant par Andrew Weatherall et DJ Hell. Rencontre avec l’artiste avant son exposition au Oogie (Marseille) du 14 février et 14 mars.
La Villa Schweppes : Cite-nous trois mots pour décrire ton travail.
Music by Marina : Culot, Discrétion, Insomnie.
Pour toi, c’est quoi LA bonne photo, LE bon portrait ?
M : La bonne photo en live, c’est quand tu arrives à retranscrire dans ton image l’émotion entre l’artiste et le public.
Le bon portrait, c’est quand on ressent l’échange entre l’artiste et le photographe.
Quel est ton meilleur souvenir de live/soirée ?
M : Mon meilleur souvenir de soirée était la petite before dans la chambre d’hôtel de Maceo Plex avant son set au Showcase il y a deux mois. On était avec son Tour Manager, une fille d’Ibiza et une de mes amies. Maceo Plex m’a filé son ordi pour que je fasse la selector et j’ai passé de l’italo disco et du new wave pendant deux heures. On a parlé musique toute la soirée…
La/les photo(s) dont tu es le plus fière ?
M : Celle dont je suis la plus fière est ma première photo live de Richie Hawtin pendant le Reverie Festival en 2012. Je commençais juste à prendre des photos avec un simple compact Sony. Ce soir-là, j’étais là pour shooter Maya Jane Coles et Azari & III, mais je voulais vraiment avoir une photo de Richie. On me le présente en loge lui, son Tour Manager et… sa propre équipe de photographes ! Cinq minutes avant son set, il découvre dans un coin de la pièce une grosse boule disco et chuchote en allemand à son tour manager de la cacher dans du tissu et de la poser à ses pieds sous les platines, puis demande à ses photographes en anglais de shooter au fond de la salle, en face de lui.
De mon côté, je lui montre vite fait mon book et lui demande l’autorisation de prendre quelques photos pendant son live sur scène. Il est d’accord.
À 6h55, je passe les cinq dernières minutes de son set les bras en l’air avec mon appareil, à attendre. Les gens autour de moi ne comprennent pas ce que je fais… J’attends, 5 minutes, 6 minutes, 7 minutes, 8 minutes et 9 minutes plus tard, Richie se baisse, récupère sa boule disco et la montre au public. Moi, les bras en l’air, j’appuie sur le déclencheur : une seule photo. Plus tard encore, je lui montre la photo sur mon écran LCD et là, visiblement content, m’embrasse puis sort son téléphone et prend une photo de mon appareil. Je lui demande s’il veut que je l’envoie à son label et me répond : “Pas besoin, je viens de la poster sur ma page Facebook, j’adore ta photo !”
Depuis cet épisode, j’ai pu prendre des photos de lui à chaque fois que je le croisais en festival, parmi sa bande officielle de photographes.
Pourquoi photographier des artistes devant un miroir ?
David Shaw a un regard si dur devant le miroir !
M : Le premier artiste que j’ai shooté devant un miroir était David Shaw après son live, dans les loges du Point Ephémère. J’adore sa musique, son univers, son album, ses collaborations avec Cardini, aussi. Le regard dur qu’il avait envers lui-même devant le miroir m’a perturbé. Il pensait sûrement à son live, je ne sais pas… En tout cas c’est après ce cliché que j’ais eu envie de shooter devant les miroirs, histoire d’essayer de découvrir l’âme de l’artiste.
Qui est, selon toi, le meilleur photographe de live aujourd’hui, à Paris ?
M : Je ne fréquente pas les photographes de live à Paris. Je n’ai pas la même démarche qu’eux : ils travaillent pour des promoteurs de festivals et/ou des clubs, tandis que moi, je suis en direct avec les artistes et les labels. Shooter le public ne m’intéresse pas… Le seul festival qui m’a embauchée était la Villette Sonique en été 2014. Je devais diffuser les photos le plus rapidement possible sur leur page Facebook (je ne retouche pas les photos, du coup, je suis rapide !), et j’ai accepté parce que ça m’a fait plaisir que les organisateurs me fassent confiance.
Cela dit, le meilleur photographe de live passionné que j’ai rencontré n’est pas français, il s’appelle Igor Ribnik. Il travaillait de temps en temps en 2012 au Showcase pour créer son book (comme moi). Maintenant, il fait partie de l’équipe de Richie Hawtin et le suit dans le monde entier.
Pourquoi ce choix de Maceo Plex et de DJ Hell comme égérie des t-shirts que tu vas commercialiser à côté de l’expo ?
M : Maceo Plex m’a donné son accord pour notre première photo prise en 2012 au Showcase. Il était contre le mur, et au moment où j’ai pris la photo, un de ses amis a essayé de lui faire les doigts de lapin. Il a adoré cette photo, et l’a même récupérée pour un concours sur Resident Advisor. Ce mec est tellement cool, drôle et simple, je l’adore ! Et puis, il me fallait un t-shirt noir. Vous savez pourquoi les DJs portent souvent des t-shirts noir ? Parce que les tâches d’alcool se voient moins sur du noir ! En tout cas, Hell était ravi !
Maceo Plex est tellement cool, drôle et simple !
Miss Kittin a fait ton logo dans le dos de ces t-shirts pour (on te cite) “t’encourager”. Comment ça s’est fait ?
M : J’ai crée une page Facebook que j’utilise de temps en temps pour poster mes photos. J’ai vu le like d’une certaine Caro “Jenesaisplus” sur ma page et ai donc envoyé une demande d’amitié à cette dernière sans regarder son profil. Quelques mois plus tard, le jour de mon anniversaire, je vois dans mes actualités Facebook son post avec deux dessins et la phrase “Supporting Marina with a logo !”. Et là, je constate qu’il s’agit de Miss Kittin ! Je la remercie en message privé, totalement surprise et flattée. Elle me demande mon mail et me dit que je peux choisir mon préféré et l’utiliser, puis m’envoie un mix d’une heure pour mon blog. C’était vraiment un super cadeau d’anniversaire, non ? Et puis, lorsqu’elle a fait son premier live toute seule comme une grande au Trianon en 2013, elle m’a invitée à venir le shooter.
On dit que tu as shooté (presque) tous les visages de la musique électronique depuis 20 ans. Quels sont les nouveaux, selon toi ?
M : En réalité, je sors depuis plus de 20 ans, mais je ne shoote que depuis 2012… Mais comme je sors très souvent, c’est sûr que j’ai énormément de photos ! J’aurais tellement voulu prendre en photo les DJs que la Concrete invite ! Mais le dimanche, je suis souvent crevée…
Concernant les nouveaux visages, je pense à Golden Teacher (vu à la Villette Sonique), Oklo Gabon, Ghost Culture…
Quelles sont les nouvelles scènes et/ou les jeunes collectifs et labels que tu suis avec attention ?
M : Je suis beaucoup la scène anglaise et écossaise (j’ai même failli m’installer à Glasgow, ça bouge beaucoup là-bas !) et aime bien notamment le label de Optimo, ou Huntleys + Palmers.
La scène électronique islandaise est pas mal du tout aussi, assez house, comme le groupe Sisy Ey…
Dans tes rêves les plus fous, à quoi ressemblerait ta soirée idéale ?
M : Dans mes rêves les plus fous je ferais ouvrir le Studio 54, et je demanderais à TOUS les DJs techno minimal de passer des morceaux disco.
À quel(s) DJ(s) confierais-tu tes nuits ?
M : À Stephen Dewaele (2ManyDJs). Il a une très grande culture musicale et est un passionné de photos pola. J’aime nos conversations ! Et puis aussi à David Avery, parce qu’il zozotte comme moi ! (rire)
Tu as aussi un blog, Music By Marina, dans lequel tu parles de musique. C’est quoi ton dernier coup de coeur ?
M : Mon dernier coup de coeur n’est pas nouveau, il s’agit d’un morceau de 1985 qui s’appelle “Love Oasis” par Patris. On dirait une chanson tirée du film Deux flics à Miami, c’est kitsch à mort, mais ultra efficace (enfin, sur moi !). Si je veux être de bonne humeur au réveil, je mets cette chanson à fond.
Tu es originaire de Marseille. C’est une ville où on peut pas mal faire la fête, non ? Tu as des lieux (bars, clubs etc.) à nous conseiller là-bas ?
Je voudrais élaborer une espèce de labyrinthe musical dans un musée
M : J’ai quitté Marseille dès 2001, quand les clubs ont commencé à fermer à cause de la municipalité, et quelques règlements de compte, je pense. Depuis un an des collectifs se bougent pour faire des bonnes soirées sur des toits, ouvrir des nouveaux bars comme l’Uppercut ou Les Demoiselles du Cinq. Et puis Oogie arrive à faire des programmations de club malgré sa fermeture à 2h du matin. Mais il y a encore du boulot à faire concernant les (trop rares) clubs à Marseille !
Il y a quand même une bonne scène marseillaise : FKCLB, DJ Oil et des DJs passionnés comme Why Am I Mr Pink ?
Tu dis avoir pour projet par la suite “d’élaborer un parcours musical et visuel qui allierait photo et musique électronique avec pour partenaires des marques de sono“. Tu peux nous en dire plus ?
M : J’expose pour essayer de démocratiser la musique électronique jugée encore trop underground auprès du grand public. Quitte à passer par des musées… Je voudrais élaborer une espèce de labyrinthe musical dans un musée avec dans chaque salle des photos d’artistes de même style (house, minimal etc). Chaque visiteur aura un casque audio, et dès qu’il s’approchera d’une photo, il pourra découvrir la playlist de l’artiste. Avis aux mécènes…
Exposition photos Music by Marina, du 14 février au 14 mars 2015 au Oogie à MarseilleÀ partir d’avril, dans la boutique Kulte, rue de Charonne à ParisLe blog de Music by Marina