Quatre lyonnais ont fondé un des labels house français les plus prometteurs du moment : Moonrise Hill Material.
De passage à Lyon pour la dernière manche qualificative du Villa Schweppes BPM, nous avions à coeur de rencontrer les acteurs de la scène locale ; ceux qui font de Lyon une ville culturellement puissante et active. Nous nous sommes rapidement tournés vers Moonrise Hill Material, un quatuor de lyonnais qui distille depuis la capitale de la gastronomie une house des plus gourmandes. On ira même jusqu’à qualifier leurs sorties de releases astrales : toutes sold out en un temps record, sans grands moyens de communication et autres publicistes… On a donc pris une demie heure pour parler avec les trois quarts du label de leur musique, leurs actualités et puis de Lyon, et de sa place sur la scène européenne.
Villa Schweppes : Pour commencer, parlons de la genèse de votre label. Comment et pourquoi avez-vous voulu monter un collectif comme celui ci ?
Etienne (Ethyène) : On faisait tous partie de plusieurs collectifs à Lyon, et on organisait tous plus ou moins pas mal de soirées. On est également tous plus ou moins fans de house, c’est vraiment ce qui nous rassemblait. On avait le sentiment que la house, à Lyon était trop mal représentée et on avait parfois pas mal de difficultés à sortir des projets sur d’autres labels. En fait ça s’est fait plus ou moins tout seul. C’est Bruno qui un jour nous a dit : “les gars, au lieu d’attendre que les gens nous sortent, ou proposent de nous booker, montons notre truc à nous”. C’était fin 2014. On est tous lyonnais.
VS : D’accord. On imagine qu’en décidant de monter Moornise Hill Materials, vous avez fait un rapide état des lieux de la scène house lyonnaise… Votre diagnostic ?
Bruno (Folamour) : Ca commence à bouger, je crois que maintenant on peut parler de vrai mouvement. Avant le label, il y a un peu moins de deux ans, il n’y avait rien. Les seuls noms qu’il y avait effectivement étaient en fait des organisations qui mettaient en avant leurs poulains pour en faire des hommes de paille. Il y avait aussi des collectifs qui dataient un peu plus, mais en house à proprement parler, il n’y avait pas grand chose. Beaucoup sont arrivés en même temps que nous, et on peut dire qu’aujourd’hui, si on parle de house à Lyon, on parle de quelque chose de cool. C’est très varié, on a plein de collectifs de qualité.
Emeric (OKWA) : Si tu veux choisir parmi les soirées house, tu as le choix en fait. Au même titre que ceux qui aiment la techno, même si aujourd’hui, ça tourne un petit peu moins autour des soirées, mais plus autour des labels. Il fallait sortir du schéma de petites organisations pour que la scène d’ici grandisse, et je crois que c’est fait.
On peut dire qu’aujourd’hui, si on parle de house à Lyon, on parle de quelque chose de cool.
Vous la revendiquez, cette étiquette de house lyonnaise ?
Ethyène : Non. On n’aime pas les étiquettes ! On est juste un label qui s’est retrouvé à Lyon comme il aurait pu se retrouver à Paris, comme à Londres ou à Berlin, New York.
Folamour : On est effectivement fiers d’être lyonnais, on est contents de venir de cette belle ville, mais on voit plus large que simplement ici, et on veut être plus large que Lyon. On n’a pas envie de se dire que les gens nous écoutent en nous identifiant comme “lyonnais”. Je pense que comme tout le monde, on apprécie pas mal de labels et peu importe d’où ils viennent. A la longue, un label qui revendique trop clairement sa ville, c’est barbant.
Au final, c’est une autre démarche en fait ?
OKWA : Oui, on n’est pas dans cette démarche là. On ne s’identifie pas que par notre situation géographique.
Ethyène : D’ailleurs, nos deux premières releases ont été sold out, on a une fanbase qui se forme et elle est pas forcément lyonnaise. Elle est plutôt étrangère, en fait. On est bien suivis au Pays-Bas, en Allemagne, en Angleterre ou en Asie.
Et comment vous vous l’expliquez, d’être moins suivis en France qu’à l’étranger ?
Ethyène : Ah, bonne question… Ca vient peut-être du fait qu’on soit un label “Vinyl Only”.
Folamour : Oui. Généralement les clients de ce genre de label, c’est plutôt les deejays. Je pense que 80 à 90% des gens qui achètent des vinyles en France sont des deejays, alors que ça s’est un peu plus démocratisé ailleurs en Europe et plus largement en Asie. Voilà. Après, ça vient peut-être du fait qu’on ne cible pas forcément la France. Notre distributeur sert partout et on est pas les plus forts en com’ non plus.
Y a t il une volonté chez vous de ne pas communiquer ou alors c’est par manque de temps ?
Ethyène : On a pour objectif d’avoir des releases de qualité et c’est pour nous le plus important. On essaie de tenir un planning de release régulier et quand on y pense, c’est déjà une façon de communiquer. On aime bien ce côté organique, aussi. C’est, je crois, ce qui nous plait le plus. Nos auditeurs ont le choix, il n’y a pas de trucage.
Folamour : Sur Facebook et Soundcloud, on a mis du temps à avoir les chiffres qu’on a actuellement et honnêtement, ça fait plaisir de savoir que tout s’est fait tout seul. On a un excellent taux de conversion. Toutes nos sorties sont sold out. On préfère que ce soit comme ça, plutôt que d’avoir 10 000 fans et que ça s’essouffle trop vite.
OKWA : On laisse un peu les choses se faire, on n’a pas l’oeil sur nos métriques en permanence. On a eu de la chance sur certaines sorties qui se sont vendues super rapidement et ça aide, mine de rien. Après la première sortie de Kaffé Kreme, beaucoup d’artistes ont commencé à parler de nous et ça nous a aussi pas mal boosté.
C’est la sortie qui vous a donné votre street cred, en fait (rires).
Folamour : Complètement (rires)
Ethyène : C’est le disque qui a fait comprendre aux gens qu’ils passeraient à côté de quelque chose s’il ne jetaient pas un oeil régulièrement sur nos sorties.

Rencontre : Moonrise Hill Material, une house astrale et sans frontières
La suite, c’est quoi alors ?
Ethyène : la suite très proche, c’est ma sortie. Je crois que le disque est parti en pressage aujourd’hui. Il devrait arriver dans les bacs fin juillet normalement – qui j’en conviens, n’est pas une période très adéquate pour sortir des disques – mais on le fait quand même. Ensuite, c’est Emeric (OKWA), sous un alias : Saint Paul, puisqu’il prépare quelque chose de très particulier. Et la grosse nouveauté, c’est qu’on prépare deux Various. On était fermés jusqu’à présent, mais on invitera des proches sur ces deux disques.
Vous nous en dites plus ? On peut avoir des noms ?
Folamour : Le second est encore en préparation donc on ne peut pas encore trop en parler, mais sur le premier, c’est Ethyène et moi qui invitons nos amis sur cette sortie. Tochigi Canopy, un ami de Londres et LB aka Labat : un jeune lyonnais à suivre de près.
Ethyène : Clairement ! On s’est rendus compte qu’il partageait un peu le même univers que nous, avec un fort attrait pour la house et toutes les musiques samplées en fait. Donc forcément, le hop hop aussi. On revient tous beaucoup à ça. Par exemple ça ne me dérangerait aucunement qu’on sorte un squeud avec 4 instrus de hip hop, et je sais que tout le monde partage cet avis.
Globalement, tout est assez bien représenté, à Lyon.
En parlant de prods, j’ai cru comprendre que tu prévoyais d’envoyer quelques beats à un groupe français ?
Ethyène : Oui mais rien n’est fait encore et c’est dissocié du label !
Folamour : Effectivement. On produit pour des gens qu’on aime bien en France et ailleurs et on doit dire qu’on est friands de la scène actuelle en France. Ca nous fait kiffer de produire et de contribuer à ça, alors on ne se pose pas de limites.
Ethyène : Oui, Kekra, SCH, PNL , on suit beaucoup tout ça.
Votre ressenti sur la scène club lyonnaise ? Dans quel état est-elle actuellement ?
Ethyène : Globalement, je crois que tout est assez bien représenté à Lyon. De la transe et du rock au hip hop et à la house, en passant par tous les autres genres, tout est bien représenté. Et tout est surtout affilié plus ou moins à des clubs. On est par exemple nous-même très copains avec la Maison Mère et puis après, bien entendu, tu as ensuite les gros clubs (Le Sucre , Le Transbo), où il se passe des trucs vraiment importants et où les lineups n’ont rien à envier à ce qui se fait dans le reste de l’Europe. C’est une ville qui bouge beaucoup et qui est amenée à encore plus le faire.
OKWA : il faudrait que ça se renouvelle encore, parce qu’au final, on joue vite dans les mêmes endroits et on a soif de découverte.
Folamour : C’est devenu comparable à Paris en fait. Il y a constamment de nouveaux lieux, quand d’autres ferment. Avant, j’ai le sentiment que les clubs étaient là pour durer, même s’il changeaient de propriétaires. Il y a des clubs qui ferment enfin, et il était temps. Beaucoup d’autres méritent la même chose. Ca se fera avec le temps, mais maintenant, d’autres concepts naissent un peu plus rapidement et c’est appréciable.
C’est une ville qui bouge beaucoup et qui est amenée à encore plus le faire
Où est-ce que vous jouez le plus ?
Ethyène : On a eu une résidence à l’Ambassade depuis deux soirées, c’était très cool. La Maison Mère fait aussi beaucoup jouer Folamour. Sans oublier Le Petit Salon. Ce sont globalement les trois clubs dans lesquels on joue le plus par ici. Le Petit Salon est devenu un très gros acteur de la scène lyonnaise, il s’y passe des choses cool, vraiment. Ce qui est vraiment appréciable là bas, c’est la liberté de manoeuvre que tu as.
OKWA : A chaque fois qu’on a joué là-bas, on s’est éclaté ! On nous a toujours laissé faire ce qu’on voulait là-bas. On a toujours eu la possibilité de mettre notre univers dans la petite salle ; on avait carte blanche à chaque fois.
Ethyène : On a quand même très souvent fini sur du Booba au Petit Salon (rires)
Folamour : Oui, parce que comme disait Ethyène, c’est un endroit qui nous laisse beaucoup de libertés. Quand on vient, on vient pratiquement toujours au complet, et on a 6 ou 7 heures devant nous. Du coup, on kiffe.
Pour terminer, et vu que les absents ont toujours tort, une anecdote sur Kaffé Kreme ?
OKWA : Celle de Saint-Etienne ?
Folamour : Oui ! On jouait à Saint-Etienne, dans son fief. Il était super excité ! On commence à jouer et c’était vraiment cool. Il faisait quand même pas mal d’aller-retours donc je me demandais, vu que je reprenais les platines après lui, si tout était bon… Je le sentais pas ultra-concentré. Mais c’est normal, il avait des amis partout… Il passait donc un vinyle et je lui demande donc de me prévenir un petit peu avant pour que je prépare mon track. Il faisait particulièrement noir et c’était bondé. Donc j’attends de caler mon disque et quelques secondes après, je lui redis, “tu penses bien à me prévenir”. Il me répond directement, “oui, oui, tiens, vas-y balance !”. Et au moment où il prononce le mot “balance”, son morceau s’arrête. Blanc. Réflexe, je lève la main de mon disque et c’est parti, mais c’était moins une… Et lui, à peine gêné, il m’a sorti un “ah ouais, excuse”, mais c’était très marrant…

Rencontre : Moonrise Hill Material, une house astrale et sans frontière