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Matthieu Chedid : “La B.O²M, c’est un cri de liberté artistique”

Son nouveau projet La B.O² -M- tout juste sorti, nous avons rencontré Matthieu Chedid pour qu’il nous explique les dessous de cette “expérience en 3V”…

Villa Schweppes : Tu sors aujourd’hui un nouveau projet intitulé La B.O.² -M-, pour lequel tu t’aventures dans la musique expérimentale. Tout d’abord, comment est né ce projet ?

Matthieu Chedid : J’ai sorti il y a 13 ans un disque qui s’appelait Labo M. C’était au départ une série d’albums expérimentaux mais, à l’époque, je ne suis pas allé plus loin que ça. J’ai donc attendu 13 ans pour en faire la suite, initialement le Labo M 2 qui est devenu La B.O.² -M- par la suite.

Villa Schweppes : En quoi ce travail en studio est-il différent de celui que tu as pu faire par le passé ?

Matthieu Chedid : Je suis parti avec mon trio à Bruxelles pendant 4 jours pour faire de la musique instrumentale improvisée et surréalistes. Ça a été 4 jours d’expérimentation totale : une expérience musicale et aussi émotionnelle. On s’est mis des contraintes assez fortes, on a joué dans le noir, on s’est bu des jus de gingembre très concentrés, on a même amené une strip teaseuse dans le studio pour que ça nous évoque des sensations, même des gênes… On s’est rééellement mis dans des expériences intérieures, pour jouer sur notre ressenti. Tout ça a donné 4 heures de musique, que l’on a donc improvisée, enrgistrée et mixée au même moment. Le montage final a donné un morceau d’une demi-heure qui est devenu cet album expérimental.

Avant toute chose, c’est un cri de liberté artistique.

Villa Schweppes : Outre la musique, tu proposes un “rêve” qui accompagne l’album, cette fameuse B.O de -M-. Tu as utilisé la même méthode de travail pour créer cette histoire ?

Matthieu Chedid : Il manquait une dimension onirique à mon goût et j’ai eu envie d’écrire un rêve dessus. J’ai mis un an à l’écrire, composé de fragments de rêves, avec aussi une dimension d’écriture automatique. Je voulais vraiment que ça soit l’âme qui prenne les commande de l’esprit. J’ai inventé un monde et un rêve qui sont devenus la genèse de M. Inconsciemment j’avais écrit le rêve que j’avais fait au moment où M est arrivé dans ma vie. J’ai ouvert la porte d’un monde onirique.

C’est la musique qui devient la muse du rêve et qui l’inspire, c’est en fait le laboratoire qui permet de créer une alchimie. Je n’ai pas cherché à maîtriser, j’ai laissé l’instinct parler. C’est le monde des surréalistes, laisser place à l’inconscient.

Villa Schweppes : La B.O.² -M- est presque née d’un courant artistique, non ? Certains artistes t’ont spécialement inspiré ?

Matthieu Chedid : André Breton, Aragon, René Char, Perec, tout ce mouvement là, les dadaistes aussi… Ç’a été une grande source d’inspiration. J’ai essayé de transférer toutes ces règles là en musique. C’est pour ça qu’on a fait des cadavres exquis musicaux : par moment on entrait dans la pièce, on avait un tempo et une tonalité et on jouait quelque chose sans que l’autre entende. Il n’y avait plus qu’à monter les pistes et c’est presque le hasard qui faisait la musique. Je cherchais les contraintes, à la manière des surréalistes, ça devient très ludique, ce sont des jeux. Donc ça a été l’inspiration première.

Villa Schweppes : Tu t’éloignes des contraintes pop de -M-. C’est une liberté que tu t’offres en tant que musicien ?

Matthieu Chedid : C’est presque un devoir en tant qu’artiste ou d’artisan de la musique : quand on a la chance d’avoir du succès, il faut innover, ouvrir d’autres portes, c’est le luxe qu’on a. Les limites, on se les met à soi-même. La B.O.² -M- devient presque un ovni, un rêve musical en bande dessinée. Personne n’attendait ça, personne ne me l’a demandé. Tout est possible. C’est presque vital.

Avec le temps, on a l’impression que -M- est très cohérent, très formaté. Mais retourne 20 ans en arrière, tout le monde me disait “Mais quand est-ce que tu vas enlever ce costume ridicule ?“. Regarde les Bowie, Björk etc, ça semble évident mais au départ il y avait une réelle proposition surprenante. À l’origine c’est même un peu dérangeant. C’est peut-être là qu’est la nouveauté.

La B.O² -M- aux éditions 204

La B.O² -M- aux éditions 204

Villa Schweppes : Le public initial de -M- peut aussi se retrouver dans cette BO ?

Matthieu Chedid : je ne cherche pas à parler à un public particulier, c’est un peu abstrait. Je ne considère pas avoir un public, plutôt des gens plus ou moins ouverts, qui acceptent de lâcher prise, même s’ils ne comprennent pas tout de suite. Je parle juste aux gens.

Villa Schweppes : Cette expérience est vouée à être jouée en live ?

Matthieu Chedid : C’est tellement expérimental qu’il n’y aura pas de tournée traditionnelle. On va faire un concert expérimental et onirique le 13 décembre au Palais de Tokyo. Nous aurons peut-être l’occasion de faire quelques expériences, mais ça restera très ponctuel. C’est vraiment à part. Avant toute chose, c’est un cri de liberté artistique.

Villa Schweppes : L’autre aspect indissociable de la BO, c’est la bande dessinée de Matthias Picard. Ce travail visuel s’inscrit aussi dans cette logique de liberté artistique et d’expérimentation ?

Matthieu Chedid : C’est déjà la logique de mettre en lumière un grand talent. Il a autant une culture de la peinture que de la bande dessinée. La bande dessinée permet aussi de mettre des repères et de donner accès à ce rêve qui est abstrait. L’image permet d’écouter avec les yeux. Avoir des fresques visuelles donnent de la douceur et de la poésie.

Il y a 20 ans, quand je suis arrivé avec -M-, il y avait une sorte de consternation, de malaise général !

Villa Schweppes : Comment avez-vous travaillé ensemble ?

Matthieu Chedid : J’avais chez moi sa bande dessinée en 3D, Jim Curious, qui est sublime, et quand j’écrivais mon rêve, je me suis rendu compte que cétait tout à fait les dessins de l’univers que je développais. Je l’ai appelé pour lui demander de dessiner mon rêve s’il l’inspirait. Je lui ai envoyé les bandes et dès le lendemain, il m’a renvoyé des images qui tombaient pile dedans. Pendant 4 mois, il a plongé dans mon rêve pour faire cette bande-dessinée.

Il l’a totalement inventé visuellement, c’est son interprétation de mon rêve. On a beaucoup échangé : dans la forme, il est resté libre de son trait mais dans le fond on parlait énormément des subtilités.

Villa Schweppes : Au premier abord, l’ensemble peut paraitre abstrait…

Matthieu Chedid : En apparence c’est un délire un arty mais c’est aussi beaucoup de secrets et différentes lectures possibles. C’est pour ça que j’ai mis un an à l’écrire. Il peut paraitre abstrait mais il y a différentes façons de l’aborder. C’est vraiment apparenté au monde du surréalisme, il y a plein de clés cachées.

Extrait de la B.O² -M- aux éditions 204

Extrait de la B.O² -M- aux éditions 204

Villa Schweppes : En fin de compte, est-ce que La B.O.² -M- ouvre une nouvelle porte sur ton personnage -M- ?

Matthieu Chedid : Pour moi, c’était revenir à la source de -M-, plutôt comme un retour en arrière. Il ne faut pas oublier que lorsque je suis arrivé il y a 18-20ans, il y avait une sorte de consternation, de malaise général ! Je retrouve un peu cette énergie là avec ce rêve, ça me fait du bien, c’est bon signe. Puisque c’est un retour aux sources, c’est évident que c’est lié à la suite : je l’intègre complètement dans mon cheminement artistique. C’est le point de départ de quelque chose de nouveau.

Matthieu Chedid est le rédacteur en chef invité du week-end sur Villa Schweppes.

La B.O² -M- de Matthieu Chedid et Matthias Picard
Un livre de 96 pages avec un CD inédit
Disponible depuis le 13 novembre aux éditions 2024

La sortie du livre-album s’accompagne également d’une “Orange Numérique” désignée par Devialet et contenant du contenu inédit.
Édition limitée.

L'Orange Numérique désignée par Devialet

L’Orange Numérique désignée par Devialet

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