A l’occasion du Mondial du tatouage où nous étions présents, on a fait un état des lieux du tatouage aujourd’hui. Comment ce “10e art” a évolué ? Qui sont les nouveaux artistes tatoueurs ? Quel avenir pour le tatouage ?
Les 6, 7 et 8 mars derniers, tatoueurs et tatoués étaient réunis dans la Grande Halle de la Villette pour la nouvelle édition du Mondial du Tatouage. Avec près de 340 artistes et plus de 30 000 visiteurs présents, l’évènement a été une fois de plus un succès. On en a profité pour faire un état des lieux du tatouage aujourd’hui.
Comment est-il représenté dans notre société contemporaine, qui se fait tatouer, qui sont les nouveaux acteurs de cet univers autrefois critiqué et comment cet art pourrait-il évoluer ?
Le tatouage 2.0, un cycle de popularité
C’est un fait, le tatouage est aujourd’hui populaire. Mais comme nous l’a souligné Anne, fondatrice de la revue trimestrielle sur l’art outsider Hey! et commissaire d’exposition de Tatoueurs Tatoués (qui se tient jusqu’au 18 octobre au Musée du Quai Branly), ce phénomène est loin d’être nouveau ! Le tatouage, tout comme la mode, suit des cycles. Cet art a déjà connu de grandes périodes de popularité au 19ème siècle, au début du 20ème siècle ou encore dans les années 60 avec les hippies et les rockeurs qui l’utilisaient comme un moyen de revendiquer leurs idées.
Aujourd’hui, de nombreuses raisons expliquent ce regain d’intérêt pour le tatouage. Les nouveaux moyens de communication, par exemple, l’ont amené à devenir populaire. Les stars de la télévision, du cinéma ou encore du sport (Miley Cyrus, David Beckham, Pharrell Williams), en affichant leurs tatouages, ont changé le regard que nous portons sur lui. Anne nous précise :
On vit une période où le tatouage est devenu regardable, intégrable.
En effet, il suffit de voir la foule qui s’est pressée tout le week-end à la Grande Halle de la Villette pour comprendre qu’il intéresse maintenant un large et éclectique public. Des bikers crades, des gangsters, des marins ou des prostitués… L’univers du tatouage n’a plus rien à voir avec ces clichés que l’on connait bien !
Aujourd’hui, on laisse une trace indélébile sur sa peau que l’on soit professeur, avocat ou graphiste. Mais ce que l’on remarque aussi, c’est que l’on fait le grand saut de plus en plus jeune…
La jeunesse, la Mode et les “switchers”
Oui, “le tatouage a clairement rajeuni“ comme nous l’a fait remarquer Nicolas Brulez. Plus connu sous son pseudonyme The Tattoorialist , il dresse depuis 2012 le portrait de tatoués rencontrés dans les rues de Paris, Berlin et Montréal et les a même réunis dans un livre (100 portraits de tatoués aux éditions Tana).
De nos jours, on se fait tatouer de plus en plus tôt. On n’effectue plus un acte rituel mais un acte personnel. A travers le tatouage, on tente de se démarquer, d’affirmer son individualité mais aussi de faire partie d’une collectivité, suivre un mouvement et bien sûr la mode ! C’est d’ailleurs cette dernière qui a remis le tatouage dans la lumière. Mais si beaucoup l’accusent de s’être marginalisé, pour Nicolas Brulez, cette nouvelle popularité ne présente que du positif.
On découvre constamment de nouveaux artistes qui n’ont pas nécessairement toujours baigné dans l’univers du tattoo et qui s’épanouissent dans divers domaines. On les appelle les “switchers” et il en est un lui même. Quand il boucle ses 35 heures en tant qu’infirmier psy, il passe derrière l’objectif pour s’adonner à sa passion pour la photo et le tatouage. Mais si son projet est aujourd’hui abouti et félicité, tout n’a pas toujours été rose. Pas photographe de métier, Nicolas a bien souvent eu peur d’être pris pour un usurpateur et a dû faire preuve de persévérance pour être considéré. Son cas n’est pas unique, les nouveaux tatoueurs par exemple, ont encore du mal à s’imposer.
Un art en mouvement : les nouveaux artistes tatoueurs
Si l’univers du tatouage était auparavant très secret et protégé, il s’ouvre petit à petit grâce à la nouvelle génération de tatoueurs et artistes qui font parler de lui à l’image de l’incontournable Tin-Tin qui organise depuis 2013 le Mondial du tatouage. Chez Bleu Noir, espace atypique qui fait en même temps studio de tatouage, ministore et salle d’expo, Jeykill, l’un des fondateurs, a lancé son propre concept. Passionné de peinture, de street art mais aussi de sports de glisse et de tout ce qui est ethnique, il a avec son collaborateur Veenom ouvert son salon il y a 5 ans. Qu’est-ce qui fait sa particularité ? Jeykill ne tatoue uniquement ses dessins à l’encre noire. Il les travaille seul, avec la plus grande confiance de ses clients qui sont issuent de tous horizons.
Si les tatouages étaient il y a quelques decennies plutôt virils, aujourd’hui, comme ceux de Bleu Noir, ils recherchent l’harmonie et le style. On pourrait presque parler de “body-art” ! Un art qui s’exprime évidemment par la main d’un artiste :
Mes clients viennent chercher une griffe. Je ne présente quasi rien sur papier, je dessine sur la peau au crayon et ensuite je tatoue.
Anne et Julien, les fondateurs de la rubrique Hey! tentent eux aussi de faire évoluer l’univers du tatouage en explorant dans leur exposition sa métamorphose au fil des siècles. Mais alors jusqu’ou ira le tatouage dans sa marginalisation et quel sera son avenir ?
Cette popularisation rapide, un danger ?
La rapide et forte popularisation du tatouage peut aussi engendrer des dangers. Du côté des tatoués, le risque reste toujours le regret d’un tatouage “effet de mode”. Et si l’encre se démocratise, la société ne l’accepte pas forcément aussi vite…Du côté des tatoueurs, le danger est lié au possible amateurisme de certains, poussés par l’attractivité d’un business florissant. Comme l’a mentionné Jeykill de Bleu Noir :
Tout le monde veut être tatoueur mais on ne réalise pas la dureté du métier. Ça demande beaucoup d’investissement. C’est très dur physiquement. On est constamment concentré et en tension parce que l’on n’a tout simplement pas le droit à l’erreur.
Mais il faut aussi souligner que, même s’il est plus exposé, que ce soit dans les magazines, à la télévision, dans la mode ou dans l’art, le tatouage n’en est pas moins sérieux de nos jours. Au contraire !
De part son expérience auprès de tatoués, Nicolas Brulez nous a fait remarquer que chaque tatouage avait son importance. Pour des raisons esthétiques, pour le côté symbolique, pour se réapproprier son corps ou devenir une “autre” personne, un tatouage raconte toujours une histoire.
Futur, tatouage et technologie
Reste qu’un tatouage est un symbole de liberté individuelle et c’est ce côté positif qu’il faut retenir de son évolution. Celui-ci va d’ailleurs encore se métamorphoser dans les décennies à venir. Nicolas Brulez, lui, rêve de tatouages connectés. En ajoutant de la nano technologie aux encres, on pourra peut-être bientôt communiquer directement avec ses tatouages. Fou, non ?
Quand on voit que vient juste d’être conçue une imprimante 3D qui tatoue, on se dit que le tatouage a encore de beaux jours devant lui !