Cette année, le mythique club berlinois Le Berghain souffle ses dix bougies. L’occasion pour Manon de se remémorer le soir où, suite à un petit coup de mou, elle s’est endormie au premier étage du temple de la techno.
“C’était un soir de juillet. Je venais de faire la rencontre de Yannis, le frère de ma meilleure amie. Il était grec et avait décidé de fuir la crise et de venir, comme moi, s’installer à Berlin. On avait débouché quelques bouteilles de vin local à la maison et on allait passer à la vodka lorsque Yannis me lança : “Je ne suis jamais allé au Berghain. Ça te tente ?”
Résultat : On part rejoindre quelques copains délurés venus des quatre coins du monde pour s’encanailler là-bas. Sur place, on danse la salsa sur de la grosse techno teutonne (le Riesling fait bien les choses) pendant un petit moment, jusqu’à ce que je ressente comme un petit coup de mou. Du coup, je file me poser au premier étage, là où, sur des banquettes en skaï défoncées, les fêtards rechargent leurs batteries, coincés entre la porte des toilettes et un bar tenu par un type acariâtre.
Une fille est venue me hurler dans les oreilles
C’est donc là que, prise d’une irrésistible envie de dormir, je m’allonge pour fermer les yeux deux minutes… et je ne me souviens pas du reste. Je ne me souviens pas qu’après quelques minutes, constatant que j’étais paisiblement lovée dans les bras de Morphée, Yannis avait délicatement posé ma tête sur ses genoux et veillait sur mon sommeil. Je ne me souviens pas que, toutes les cinq minutes, un fêtard bien intentionné passait pour savoir si j’étais toujours vivante et si je ne faisais un coma éthylique… avant de repartir rassuré. Je ne me souviens pas aussi que quelqu’un a essayé de hurler dans mes oreilles pour s’assurer que je n’étais pas sourde. Car qui dormirait si profondément avec une énorme enceinte crachant de l’électro au-dessus de la tête ? Et puis je ne me rappelle pas non plus qu’un joli garçon est venu demander à Yannis s’il avait envie de s’amuser avec lui dans les darkrooms. Ni que Yannis a dû le repousser gentiment à trois reprises… Non, je ne bougeais pas, laissant juste couler de mes lèvres un mignon filet de bave sur le genou de Yannis.
Quelques heures (?) plus tard, je me suis finalement réveillée. J’ai commandé un expresso bien serré et un brownie au Panorama Bar, tout en haut du club et puis je me suis de nouveau jetée sur le dancefloor, fraîche comme une rose. Pendant mon sommeil il ne s’était rien passé. Personne ne m’a fait boire du GHB, personne n’a tenté de retrousser mon jupon, personne n’a fait de vidéo de moi avec mon soutien-gorge sur la tête, rien. Franchement, le Berghain, si on le veut vraiment, ça peut être aussi chou que La Boum.”
Manon a 33 ans et vit à Berlin depuis 5 ans. Elle est réalisatrice et auteure du blog Génération Berlin