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Le grime est-il du genre increvable ?

Ce qui était dans les 00’s le pendant britannique au rap U.S est en train de devenir le genre-bactérie qui s’inocule dans tous les autres et les transforme. Retour sur un genre retour permanent.

D’où vient le grime ?

De Bow (selon Wikipédia), un quartier désoeuvré de l’Est londonien. Réponse britannique au hip hop américain, le grime y mêle les spécialités locales type UK garage ou 2-Step (l’un dérive de l’autre) comme la drum & bass voire la dancehall, héritage de l’importante immigration jamaïcaine au sein du pays. Mais pour que le genre prenne, il doit s’incarner et l’étendard se voit donc fièrement porté pendant une demi-décennie par des rappeurs au flow hystérique : Wiley, Roll Deep, Kano… et surtout Dizzee Rascal. Propulsé par son succès international, Rascal parvient à lui seul à exporter les couleurs du grime hors des frontières britanniques pour en disséminer les codes de par le monde. En 2007, Rascal sort son troisième album, Maths + English, pratiquement débarrassé de tout grime. L’alpha mâle de la discipline sent le vent tourner, abandonne le genre, et le pousse vers la plus complète désuétude. Mort clinique du grime. Mais en musique rien ne se perd jamais.

 

Où va le grime ?

Slackk, Murlo, Logos, Visionist, Novelist, Moleskin ou Flava D. Voilà le trombinoscope de la jeune création anglaise qui en 2013 a émergé avec sous le bras… du grime. Ce qui quelques mois auparavant était encore considéré comme le genre le plus plouc parmi les ploucs trouvait une seconde vie dans l’éclosion d’une scène qui ne vécu pas la première vague. Un renouveau purement instrumental, postérieur à l’ère dubstep, qui piétine les cendres de cette dernière en incorporant à son grime toute la création produite entre sa mort et sa résurrection (notamment l’UK funky). Sauf le dustep. Ce renouveau grime est une sorte d’ellipse cloitrant le dubstep entre parenthèses. Du grime père, le grime fils ne conserve pas le socle. Cette scène joue avec les codes et les déjoue, utilise la première vague comme une matière à malaxer, déformer. Ainsi, si un Slackk a une vision très militariste et rigoureuse du genre, un Logos va quant à lui créer une odyssée spatiale, où l’ambient accueille l’intersidéral et où le grime est l’astéroïde comme le missile qui le détruit. Et comme le genre connait un printemps, son pollen commence à parcourir le monde. Fatima Al Qadiri qui l’utilisait pour illustrer sa mélancolie des machines, son blues informatique dans la vaporwave ou ses souvenirs d’une enfance dans un pays en guerre, l’amène aujourd’hui en Chine pour questionner les frontières esthétiques est/ouest. À Paris, on le croise régulièrement au sein des productions Sound Pellegrino, autant que le son Night Slugs ou Fade To Mind. Plus au sud, le grime a aidé DJ Marfox à créer un nouveau langage esthétique, dérivé du kuduro, aux ghettos de Lisbonne. Plus au sud, c’est chez El Mahdy Jr que le grime s’insuffle. Habillant le raï (si le genre venait à se développer, la terminologie graïme serait toute trouvée) de l’Algérien, le grime peint un paysage nouveau au sein d’une électronique toujours en sous-développement. En somme le grime semble à tel point soluble dans tout que l’on aime à croire qu’il peut prendre n’importe quelle forme. Même celles qui, en cas d’hécatombe nucléaire, lui permettraient d’y survivre.

Le mix de Visionist pour The Fader est un beau panorama sur le grime moderne :