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La chronique de Violaine Schütz : Nuits blanches en série

A quelques jours du lancement de Netflix en France, notre contributrice Violaine Schütz jette un pavé dans la mare : séries versus clubs, la guerre est déclarée !

L’arrivée à la rentrée de Netflix et Vodkaster en France, deux géants du streaming à bas prix, sont peut-être une bonne nouvelle pour les cinéphiles. Un peu moins pour les noctambules et les patrons de clubs. Je m’explique.

Depuis quelques temps, on ne compte plus les empêcheurs de danser en rond qui désertent le dancefloor ou le comptoir pour leur lit en tête-à-tête avec une série. Car non, le fait que certains sortent moins n’est pas dû à l’absence de lieux merveilleux, du manque de folie des Français (par rapport aux voisins barcelonais par exemple), de la crise économique ou des plaintes du voisinage. D’après une enquête très sérieuse, longue et documentée effectuée auprès de mon entourage restreint, la baisse de fréquentation de certaines salles obscures n’a qu’une seule et unique cause : la qualité des séries télé américaines.

Faites le test autour de vous. Analysez le nombre d’amis, parents, collègues, connaissances qui annulent au dernier moment une soirée parce qu’ils sont fatigués. Interrogez-le traite lendemain, sur ce qu’il a fait hier. Une grippe A l’a terrassé ? Il avait un rendez-vous Tinder (pas raté)? Il n’a pas survécu au Ice Bucket challenge ? Non la vérité est bien plus sobre : il ou elle (le lâche) était en pyjou devant True Detective, Vikings, Orange Is The New Black, Mad Men, Master Of Sex, Girls, Homeland ou Game Of Thrones (rayez la mention inutile). Car l’époque est ainsi : le binge watching a remplacé le binge drinking. Rarement satisfait par la vision d’un petit épisode, comme on ne se satisfait pas d’un seul petit drink ou d’un seul club, on a le besoin viscéral de rempiler. Ou parce qu’on est amoureux du héros, comme on peut être à fond sur le barman. Tournée d’épisodes au programme !

Il faut dire que séries, c’est plus ce que c’était. On oublie le scénario d’ “Alerte à Malibu” moins épais qu’un sein de Pamela, et les rires enregistrés de “Madame est Servie”. La série d’aujourd’hui est un bijou, avec des acteurs de fou, un scenar écrit par 50 personnes, du suspense, des larmes, du budget… Résultat ? On ne compte plus les ex clubbers repentis qui préfèrent désormais rester (un peu honteux) sous leur couette avec une tisane, en enchaînant fébrilement les épisodes de leur feuilleton fétiche, que s’habiller pour sortir dans une fête dont le scénario sera peut-être plus soumis au doute.

Alors, voilà, la guerre est déclarée : séries versus clubs. Organisateurs face aux réalisateurs. Scénaristes contre barmans. Acteurs en concurrence avec les DJ’s. Le plus grand ennemi du clubbing aujourd’hui n’est pas la vieillesse, ou le fait d’être d’avoir un enfant (et la babysitter, ça coûte un os), ce sont Netflix et Vodkaster et tous les sites de streaming. Que faire pour enrayer ce problème majeur ? Chers entertainers, pour lutter, deux choix s’offrent à vous. Le premier consiste à kidnapper les scénaristes de True Detective saison 2, à les baillôner voire à les éliminer. Souci : cela veut dire qu’il faut trouver les noms, leurs adresses, aller aux États-Unis, pénétrer dans leurs villas aux multiples alarmes, se faire mordre par le chien et il faut bien l’avouer, risquer la taule. Sinon, plus réaliste, pensez à infiltrer de ce qui rend ces shows TV addictifs sur les pistes de danse. A l’image du bar Museum Bar en Suisse qui recrée l’atmosphère gothique/geek d’ “Alien” imaginée par Hr Giger, on rêve de danser dans un club à la déco “heroic fantasy” avec tabourets de fer (ok pas obligé, ça fait un peu mal aux fesses), boissons couleur rouge sang et barmaids péroxydées déguisées en mère des dragons (avec des robes décolletées).

Sinon, moins onéreux et beaucoup plus simple : installer des écrans géants en boîte diffusant le dernier épisode de “Scandal” ou de “Revenge”, pendant qu’on trinque au bar. Et si en plus on peut avoir Kerry Washington au vestiaire…