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Joke : le rap salace de ce Montpelliérain met dans le mille

Sa release party du 3 juin au Wanderlust dut être interrompue tant le show a dégénéré. Dès son premier album, Joke sait envoyer de l’huile sur un public en feu et s’attirer une ferveur hors norme. Hot hop psy d’un succès.

Devoir mettre un terme à la release party de son premier album, ça n’est pas commun. En trois titres, le public chauffé à blanc du Wanderlust (et tellement nombreux que la queue s’étendait parait-il jusqu’à la Gare d’Austerlitz) débordait le service de sécurité sans que Joke n’ait à mettre le feu aux poudres. C’est-à-dire que le Montpelliérain de 25 ans, défie les profils habituels du rap. Sans excès de promo, de réseautage social, sans surenchère de grossièreté, Joke a su, non pas trouver sa place au soleil mais bel et bien à l’inventer. Si Joke touche les sommets des tops iTunes le jour de sa sortie, c’est que la signature de Joke tout en rap de chambre, feutré et suave, séduit pour la rareté de sa matière première.

Joke n’arrache pas sa plume à l’aile d’un coq mais à la queue d’un paon

Notre premier souvenir de Joke, c’est Teki Latex nous vendant une promesse. Un featuring sur la tape “Mes Pelures Sont Plus Belles Que Vos Fruits” ou Teki hurle : ” JOKE RETENEZ BIEN CE NOM ! “. C’était en 2010 et aujourd’hui on constate que la promesse est tenue, et que le flair de Teki est autrement plus précis que ceux nous annonçant “le nouveau Booba“. Voir du Booba en Joke, c’est un gros problème de strabisme. Car même si Gilles, de son vrai nom, peut jouer au bon à la brute et au truand, on a deux gabarits bien différents. Dans cette course à la punchline qu’est le rap moderne, Joke n’est pas dans la pole position, ne vaut pas un Booba (justement) ou encore moins un Seth Gueko, n’arrache pas sa plume à l’aile d’un coq mais à la queue d’un paon. Le verbe élégant, Joke se démarque par un flow de velours, paresseux et débonnaire, où de toute son arrogance solaire il reprend les gros thèmes de la discipline. Oui, Joke parle d’argent, de drogue, de femmes, oui Joke est en proie à une certaine mégalo mais Joke témoigne aussi d’une certaine érudition, fait preuve d’un regard constant et lucide sur le monde qui vient nourrir son oeuvre et la laisse respirer. Et si son album se fait parfois licencieux – la plastique féminine habitant une grande partie de ses propos – il l’a nommé d’après son grand-père, soldat togolais tombé pour la France et sa pochette affiche le bébé joufflu qu’un jour il fût. Peut-être est-ce un écho à l’époque du micro-blogging et de la petite vitrine sur soi. Peut-être est-ce le symbole d’un album plus intime que la normale dans le rap. Et s’il souffre de quelques longueurs et d’un ventre mou, Ateyaba n’en reste pas moins un mille-feuille, un rap à plusieurs couches s’assurant une durée de vie confortable. Ateyaba est le genre d’album qui, à lui seul, tord le cou à ceux (à celui) qui un jour déclarèrent ne voir dans le rap “qu’une sous-culture d’analphabètes“.