De Crowdspacer à son projet solo, Joakim joue avec le sens du courant de la musique électronique depuis la fin des 90’s. Rencontre à quelques semaines de la sortie de son nouvel album : Samouraï.
La Villa Schweppes : La première chose qui frappe, c’est que Samouraï semble dans la parfaite continuité de Nothing Gold en termes de production. C’était volontaire ?
Joakim : Pas vraiment. Vous les trouvez si liés que ça ? Oui, Tropics of Love a été fait différemment : je déménageais à New York, je n’avais pas encore rapporté ce qui composait mon studio. Je l’ai donc conçu sur quelques machines dans ma chambre, avec un son plus resserré, plus électronique. Là, j’ai retrouvé le même studio que pour Nothing Gold en un peu plus grand et de l’autre côté de l’Atlantique. Je suis aussi revenu à mes thèmes de prédilections : une forme de nostalgie, les thématiques de l’érosion. Je ne sais plus dans quel état d’esprit j’étais en 2011 mais Samouraï a été composé dans des moments un peu difficiles…
Le disque n’est pas “dark” pour autant…
Joakim : C’est ce que j’aime : que la mélancolie soit une teinte un peu ambiguë. C’est un équilibre difficile à trouver.
Une des grosses nouveautés en termes de son, c’est l’importance des instruments à vent…
Joakim : L’influence de New York. Il y a des musiciens de malade là-bas. Le saxophoniste que j’ai invité sur le disque faisait des choses tellement incroyables que j’ai eu du mal à me restreindre. Il n’avait même pas besoin de connaître les morceaux pour savoir directement où aller. C’était hallucinant. J’ai toujours été hyper fan de cet instrument qui est le plus proche de la voix, le plus expressif. C’est un instrument qui donne du sens, qui relie les différents éléments d’un morceau.
Le concept d’appropriation culturelle génère beaucoup de confusion
C’est marrant parce que les synthés ont toujours plus ou moins cherché à simuler des instruments comme le saxophone.
Joakim : J’aime le fait que le saxophone, contrairement au synthétiseur, soit un instrument honni. J’aime la notion de bon-mauvais goût. J’aime jouer avec cet aspect cheesy.
Déjà, sur Nothing Gold, en jouant avec ces notions-là, tu anticipais la vague internet, les esthétiques type “vaporwave“. Samourai peut s’inscrire là-dedans.
Joakim : J’adore le mélange entre les vieilles machines et des choses très modernes, numériques. C’est ça qui est au centre de la création. Je n’aime pas trop les discours d’ayatollah, genre : “L’ordi, c’est de la merde”. C’est la rencontre de tout ça qui est intéressante.

Joakim
Tu sens un écho de ces esthétiques internet dans ta musique, aujourd’hui ?
Joakim : Il y a des choses que je trouve hyper intéressantes. Je me suis intéressé un peu à PC Music, même si ce n’est pas 100% ma came. Oneohtrix Point Never est vraiment le grand génie actuel. C’est le seul artiste contemporain qui m’inspire fortement. Je suis allé chercher des choses d’une autre époque, par exemple, avec l’ambiant japonais qui a toujours un côté super borderline, new age. J’ai énormément écouté Midori Takada, mais aussi Hosono et Sakamoto qui sont de véritables héros pour moi.
Il y a une forte utilisation de textures extra-occidentales. Serait-ce une volonté de faire avancer la musique en la globalisant ?
Joakim : Ce n’est pas très réfléchi. Je collectionne et je joue beaucoup de musiques non occidentales dans mes DJ sets. Je n’arrive pas à m’empêcher d’aller dans ce sens. Je trouve qu’il y a un phénomène un peu problématique par rapport à ça, notamment aux USA. Le concept d’appropriation culturelle est tout à fait compréhensible dans plein de situation, mais il génère aussi beaucoup de confusion. Quand tu parles de création artistique, il n’y a pas de culture pure, rien n’existe sans mélange. J’essaie de me faire l’avocat de ça. Dire qu’un Français blanc ne peut pas utiliser de percussions japonaises, ça me semble absurde. Quand Urban Outfitters fait des fringues Navajos sans renvoyer un dollar aux Indiens, il y a un vrai problème. Mais ce sont deux choses différentes.
Dans ta méthode de travail avec ces instruments, es-tu de ceux qui cherchent à maîtriser les rudiments avant de les intégrer ou cherches-tu plutôt une certaine naïveté ?
Joakim : Pour ne pas verser dans le pastiche, ça me semble necessaire de garder une démarche un peu naïve. Voir les choses en amateur permet d’éviter les clichés. Sur l’acquisition de matériel, c’est souvent l’occasion qui fait le larron. En l’occurrence, sur le disque, il y a pas mal de choses samplées aussi. Mais oui, quand j’étais en Indonésie, j’ai rapporté des gamelans, par exemple.

Joakim en studio
On ne peut d’ailleurs pas dire que tu ais une manière “très française” de faire de la musique électronique, en tant que Joakim.
Joakim : Je ne me sens pas très Français en musique. J’écoute de la musique hexagonale, de la variété, ce genre de trucs, mais c’est infime. Certains ont une façon de composer très française, dans le choix des accords et tout ça. Je ne m’y retrouve pas vraiment.
Comment organises-tu tes projets, entre les alias de Crowdspacer – plus dance – et tes disques en ton nom propre ?
Joakim : J’aurais du mal a définir une véritable identité sous mon propre nom parce que je travaille sans me limiter. Mais il y a des genres de musique que j’adore et que je ne pourrais pas faire sous Joakim. Crowdspacer me permet de créer ces espaces dans lesquels je peux me livrer à ces espèces d’exercices de style propres aux artistes que j’aime bien, Français ou non, d’ailleurs.
Samouraï sortira le 17 Mars prochain et en voici un premier extrait.