Son album Opium vient de sortir et déjà, on entend le succès d’une voix qui fête ses 20 ans, sur les scènes du monde entier. Venu de Suède, Jay Jay est un artiste multi-influencé, talentueux et qui ne cesse de se réinventer. De ses capacités, de ses illégalités, de sa vie, il en tire le meilleur pour une rencontre sensible et marquante en ce mois de juin parisien.
Opium, telle une drogue musicale
Retour à Paris, cette ville qu’il a vu des dizaines de fois, dont il ne se lasse pas. Son album – le 10ème – vient de sortir, il s’appelle Opium non sans raison. De sa voix, de ses arrangements, de cette guitare et de ce piano, Jay Jay Johanson veut en faire une drogue pour ses auditeurs. “Opium, j’ai lu le mot tellement de fois. Dans des livres sur Toulouse Lautrec, Picasso, Cocteau, ils buvaient de l’absinthe, leur culture était liée à l’Asie et vivaient ces drogues nouvelles, le plaisir aussi. J’ai pensé qu’Opium, c’était bien pour une addiction à ma musique, que le public puisse se sentir accro à ma voix“.
Opium, comme addiction à ma musique.
Avec ses effets négatifs. Comme toute addiction, l’écoute répétitive peut lasser. Mais bizarrement, Opium développe en nous une sorte de sentiment à mi-chemin entre l’amour, la nostalgie, la tristesse positive, si elle existe. Né en 1969 dans une petite ville de 7000 habitants, entre Göteborg et Stockholm, Jay né Jäje découvre par son père le jazz et notamment Chet Baker, son idole. Un goût peu gagné d’avance, “Enfant, je détestais le jazz. Et je crois que ça fait partie du truc, quand on est jeune, on déteste quasiment tout ce qu’aiment nos parents“. Un jazz en lui, dans sa voix, depuis cette nuit où il a vu celui qui deviendra l’une ses références musicales.
Artiste contrasté
Aujourd’hui père, mari amoureux, artiste confirmé et aimé par un public qui le suit de Londres, Paris à Tokyo, Jay Jay est dans la vie quelqu’un de très positif, heureux. Il a pleinement conscience de sa nostalgie, de la tristesse que dégagent ses chansons, de ses débuts avec Whiskey – dont il fête les 20 ans l’année prochaine dans une grande tournée – Tattoo (1998), Poison (2000) à l’excellent Cockroach (2013) et Opium sorti le 17 juin. Jay Jay Johanson a évolué comme les tonalités de sa voix, plus sûre d’elle-même, moins dans l’hésitation, le test, qu’il n’a jamais travaillé avec des professeurs, venue en toute spontanéité. “C’est l’avantage d’écrire ses propres textes, tout ce dont vous avez besoin, c’est d’une plume et d’un papier“, confirme-t-il avec une certaine fierté. En voyage la plupart du temps, JJ aime voir son retour en banlieue de Stockholm comme un réconfort pour écrire à nouveau, composer, arranger les morceaux chez lui ou en studio avec ses acolytes Erik et Magnus. Comme un chercheur, il collecte ses idées et les assemble une fois en Suède, chez lui.

Jay Jay Johanson à Paris, juin 2015.
Une quête de beauté
Son secret pour durer ? La beauté, qu’il cherche avec désespoir parfois dans les moindres recoins de nos sentiments. “Dans certains de mes albums, c’est très sombre, dépressif. Je suis nettement plus mélancolique aujourd’hui car je cherche plutôt le charme, la tristesse, qui peut-être très belle“. Même si conscient d’avoir le plus beau métier du monde, Jay Jay invite à un long voyage musical, de chanson en chanson, avec quelques fatigues de ne pas rester avec sa famille et d’apprendre à son fils de contredire les lois. “Pour mon fils, j’essaie de lui montrer toutes les options possibles et je le laisse choisir. En Suède, il y a de nombreuses choses à comprendre. Par exemple, les graffitis. C’est interdit, il y a zéro tolérance. Mais j’adore alors le soir, avec mon fils on sort tous les deux et on s’amuse… En grands admirateurs de Bansky !“.
Et c’est sans doute ce côté enfantin, presque naïf que Jay Jay Johanson développe dans son nouvel album Opium. “Moonshine“ nous infiltre des images cinématographiques, “I Love Him So” nous embarque dans un univers très liquide et doux, cuivré, tandis que “Nde” nous charme totalement avec cette voix plus jazzy, plus séductrice et ces ententes inspirées par le hip-hop, ces instruments mêlés à des voix électroniques… Jay Jay où ce condensé de musicalité à fleur de peau.
Quelques rêves à suivre
Sa musique, très liée aux images, au cinéma, n’est pas passée inaperçue auprès de réalisateurs, français, qui ont fait appel à lui à deux reprises pour composer la bande son de leurs films. Un travail qu’il apprécie énormément, même s’il confesse n’avoir pas le temps tout ayant l’envie. “J’aime collaborer avec des gens créatifs, c’est comme si j’apprenais quelque chose à chaque fois“. Ses films cultes ? Kubrick, Hitchcock et Lars von Trier, plus décevant ces dernières années même si pour Jay Jay, le réalisateur Danois reste l’un des plus grands artistes du monde du cinéma. L’occasion de cette interview pour lancer un léger appel, ” S’il me proposait de faire la musique d’un de ses films, je dirais oui tout de suite “. A bon entendeur…
Un son scandinave ?
À la question sur la musique venue du “froid” ou du “Nord” comme on le lit un peu partout, Jay Jay Johanson préfère une réponse modérée, “Ce qu’il se passe en Suède, c’est très divers, rien n’est forcément lié. Ce qu’il y a de commun est à chercher au Danemark, en Norvège et surtout en Islande : le bizarre“. Une sorte d’étrangeté cultivée par ces pays, capables de capter de multiples influences musicales, tout en gardant leur originalité, leur charme. En témoigne des artistes comme Björk ou plus jeune, Asgeir. En poussant l’analyse, JJ y voit l’envie d’aller au-delà de sa “petite ville”, comme lui l’a fait auparavant. “Il faut apprendre à parler plus fort pour être mieux entendu. C’est-à-dire, passer de la petite ville à la capitale, de la capitale à la ville du pays voisin et celle à l’autre bout de la planète“. Retour à Paris, une ville où Jay Jay est né aux yeux des français comme un artiste accompli, une bizarrerie à laquelle on s’attache sans la voir venir. 2016, année des trois J, année où déjà un autre album est en préparation, année de la persévérance, “Je vais continuer pendant 20 ans encore, si je suis toujours en vie !“, lance-t-il le sourire aux lèvres. Ne t’arrête donc pas, Jay.
Merci à l’Hôtel du Temps, 11 rue Montholon dans le 9ème pour le chaleureux accueil.Retrouvez Jay Jay Johanson sur plusieurs dates en France, 13 octobre à Lyon, 15 octobre à Paris (à la Cigale dans le cadre du MaMa), 17 octobre à Bordeaux, 29 octobre à Strasbourg, 30 octobre à Anneçy…