Après trois EPs, le prix du public Deezer 2016 et tout un tas de dates pour l’été, le groupe L’Impératrice est en train de conquérir le coeur des Français. Et bientôt des réalisateurs ? Rencontre avant l’effervescence estivale.
L’Impératrice n’est qu’un avatar. Il s’agit d’une bande de cinq garçons qui s’est formée autour de Charles de Boisseguin. Un groupe au départ très testostéroné, avant que ne débarque, dans la vie des musiciens, la mystérieuse chanteuse de jazz Flore. On a profité d’un moment d’alcalmie dans le planning (chargé) des artistes pour rencontrer le fondateur du projet, Charles, ainsi que l’un de ses très discrets acolytes de musique, Hagni. Rencontre au Mansart, autour d’un thé.
La Villa Schweppes : Bonjour ! Si vous deviez donner trois mots pour décrire votre musique, quels seraient-ils ?
L’Impératrice : “Élégant”, “Émotion” et… “Cinéma” !
Vous êtes maintenant six avec votre chanteuse Flore. Pas trop compliqué d’être aussi nombreux ?
Charles : Non, au contraire ! Je ne suis pas musicien à la base (il était journaliste, ndlr) et c’était très intéressant de me retrouver entouré de plein de musiciens d’horizons musicaux différents et d’influences diverses. Tom, le batteur, est plus rock et nouvelle scène pop. C’est un mec qui a grandit avec Phoenix, notamment. Hagni est, au départ, violoniste classique. Il a fait le conservatoire et a donc cette formation classique. David, notre bassiste, est aussi violoniste et a un grand sens de la construction harmonique. Martin, le guitariste, vient, lui, du cinéma. Il est chef op’ et a aussi un truc très funk, funkaelic. C’est un grand fan de Prince ! Moi, j’ai un côté très BO, très disco, très synthé, plus mellow, plus sensible… enfin, Flore est une chanteuse de jazz et apporte donc encore autre chose…
On ne veut pas que notre musique soit cataloguée dans tel ou tel genre
Le risque pourrait alors de partir un peu dans tous les sens…
Charles : On part du principe que ce qu’on fait est une musique de genre. Un peu comme – on ne se compare pas à ça, attention, c’est juste pour l’image – les films de Tarantino. Il restranscrit dans ses films tout un tas de trucs un peu kitsch qu’il adore. Nous, on est un peu dans cette optique de mélanger plein d’influences. On ne veut pas que notre musique soit cataloguée dans tel ou tel genre. Même si ça reste globalement pop !
… Mais le mot pop ne veut plus dire grand-chose aujourd’hui…
Charles : Oui, c’est vrai ! On dit que Michael Jackson était le roi de la pop, mais il a fait beaucoup d’autres choses aussi !
En tout cas, c’est vraiment cool de bosser à six, d’autant plus qu’il y a une manière d’être chez nous qui découle d’elle-même…
Hagni : On sait tous quand se mettre en avant et quand s’effacer…
L’Impératrice, groupe très mature donc ?!
(rire général)
Hagni : Tout dépend de ce qu’on entend par maturité mais, sur ce point là, on est plutôt synchro !
Charles : Sur la composition et l’entente musicale, oui ! On n’est pas matures à proprement parlé, mais équilibrés !
Vous dites être un autre groupe depuis la sortie de votre premier EP, L’Impératrice, et votre second EP. Qu’est ce que vous entendez par là ?
Charles : C’est la manière de composer qui a changé. Au départ, il y a trois ans, j’étais tout seul dans ma chambre avec ce projet. Le premier disque était uniquement de ma composition. C’était un truc un peu foutraque, pas vraiment réfléchi, mais très spontané, sans aucune prétention. Avec le deuxième disque, il y a eu l’arrivée des musiciens parce qu’il fallait construire un live. On a commencé à bosser quelque chose de différent sur scène et donc, forcément, c’est devenu aussi différent en studio… tout en gardant le même fil conducteur. Et pour le troisième EP ça a été encore différent avec l’arrivée de Flore qui ouvre d’autres horizons et rend le truc un peu plus accessible.
Plus mainstream on peut dire ? Ou c’est péjoratif pour vous ?
Charles : Pas mainstream mais accessible, c’est différent ! Je ne pense pas qu’on fasse de la musique qui plaise aux radios mainstream…
Oui mais pourtant vous avez gagné le prix du public Deezer Adami. De quoi vous faire connaître du grand public…
Charles : Ce prix, c’était une vraie surprise ! D’ailleurs, on ne savait même pas qu’on était inscrit, c’est notre manager qui l’a fait pour nous ! Du coup, on était très contents de savoir qu’on faisait partie des dix finalistes et on a joué le jeu en interprétant quelque chose qui n’était, pour le coup, pas du tout maintream. En sortant de cette version acoustique, je me suis vraiment dit qu’on n’allait pas gagner et que c’était juste cool de montrer qu’on savait faire autre chose. C’est peut être comme ça qu’on a touché les gens et gagné, au final ! En tout cas, ce n’était vraiment pas notre intention, on relevait juste un défi, nous !
La scène dans laquelle on s’inscrit est très fédératrice
Mais ce prix vous permet de devenir peut être plus grand public. C’est quelque chose d’important pour vous ?
Charles : Dans la carrière d’un artiste, c’est toujours important d’avoir de la reconnaissance et d’en avoir le plus possible. Je pense que l’aboutissement de toute carrière est de remplir des grandes salles et de faire kiffer un maximum de gens. La scène dans laquelle on s’inscrit est très fédératrice.
Hagni : Il n’y a pas d’élitisme dans notre musique, on n’est pas renfermés sur nous-mêmes.
Charles : Non aucun élitisme ! On ne fait pas partie de la scène parisienne très “underground” ou, du moins, plus confidentielle comme Syracuse, un groupe qui fait quelque chose de très pointu (et qu’on adore !). Pour nous, plus la scène est grande et le public nombreux, plus on kiffe !
Vous vous sentez proche d’une scène ou d’autres artistes en particulier ? Si oui, qui ?
Charles : Je pense que, globalement, il y a quelque chose qui se passe à Paris depuis quelques années et, manifestement, on touche à ça avec d’autres gens comme Flavien Berger, Fishbach, Juliette Armanet, Bon Voyage Organisation…
Hagni : … Et La Femme qui a un peu déclenché tout ça !
Charles : Evidemment ! La Femme a, artistiquement et mécaniquement, cassé les codes de la musique, tout simplement. Ils ont donné des coups de pieds dans tout, et notamment dans le système de signature de label en s’auto-produisant. Ils ont donné envie à plein de groupes de faire de la musique de cette manière.
Hagni : Contrairement à ce qui se passait avant, il s’agit d’une scène musicale regroupant plusieurs genres musicaux. C’est comme une nouvelle jeunesse ! Peut être que c’est dû au fait qu’on est plus ouverts aujourd’hui…

La scénographie de Lucie Coudurier au Palais de Tokyo et pour L’Impératrice
Justement, en parlant scène, quel est votre dernier meilleur souvenir de live ?
Charles : C’était à Bordeaux le 15 avril dernier ! FX du festival Vie Sauvage avait organisé un événement au Darwin, l’équivalent du 104 bordelais en douze fois plus grand. Un immense hangar absolument magnifique avec un magasin bio, des ateliers, un skatepark etc. On a donc joué là, devant 1 000 personnes (plus que La Gaité Lyrique !) qui hurlaient. Hallucinant !
Il paraît que ton rêve, Charles, serait de composer la BO d’un film et Martin bosse déjà dans le ciné. Finalement, L’Impératrice va se tourner vers le cinéma ?
Charles : Je ne sais pas si on peut parler de rêve, mais c’est super tentant, oui !
C’est au programme, alors ?
Charles : On verra ce qu’il se passe. On commence à bosser sur un album… Mais c’est vrai qu’on s’est aussi entourés de gens qui pourraient potentiellement nous apporter ce genre d’opportunités… Pour l’instant, rien n’est officiel…
Charles, tu dis avoir éduqué à la French Touch. Un titre ou deux qui ne te lâcheront jamais à nous citer ?
Charles : Et bien Homework, le premier album des Daft Punk, évidemment !
Hagni : Ou “Veridis Quo” !
Charles : C’est le morceau de Daft Punk qu’on écoute le plus et dont on ne se lassera jamais ! Mais sinon aussi “Intro” d’Alan Braxe qui est incroyable avec sa basse… Après, il y a aussi des trucs qui découlent de ça et qui sont très intéressants.
Bonne transition : c’est quoi votre ou vos dernière(s) claque(s) musicale(s) ?
Charles : Moi j’adore toute cette petite scène de DJs qui font des edits de disco de manière un peu illégale et pressent ça sur des white labels. Ça sonne très French Touch sauf que c’est moins filtré. Je pense à 6th Borough Project, Riccio, 78 Edits… Des mecs qui créent une scène DJ que j’aime beaucoup. Il y a une agence à Paris qui s’occupe d’eux : Moon Rise. J’aime beaucoup écouter toute cette scène façon Horse Meat Disco, d’autant plus que ça me permet de découvrir de vieux tracks…
Après, pour en revenir aux claques musicales récentes, je peux citer l’album de Nicolas Godin, Contrepoint, mais aussi le dernier album de Tellier, L’Aventura. Tout le monde est un peu passé à côté alors qu’il est absolument sublime !
Sinon, quoi de prévu pour la suite ?
Charles : On est en phase de composition d’un album. On teste un peu des nouvelles choses, là… Et puis il y a le live, tous les concerts à venir à We Love Green, au Casino de Paris avec Bachar Mar-Khalifé, au Midi Festival, aux Days Off à La Philharmonie de Paris, ou encore dans un petit festival trop cool à Etretat : Hello Birds. Au programme aussi : Pete the Monkey et Vie Sauvage en DJ set. À six derrière les platines, ça va être marrant !
Le site internet de L’Impératrice