La Chef Barman du bar à whiskies Golden Promise, Lilya Sekkal, a accepté de répondre à nos questions. Les questions d’une interview spéciale whisky, forcément !
La Villa Schweppes : Donnez-nous deux ou trois mots pour décrire le Golden Promise.
Lilya Sekkal : Le premier mot sera “Whisky”. Le deuxième sera “L’échange” et, enfin, je dirais “L’innovation”.
Pourquoi le whisky ?
LS : Parce que c’est l’un des spiritueux les plus complexes. Il faut savoir que j’ai débuté à 15 ans dans le café qui est aussi quelque chose de très complexe en termes de fabrication, de palette aromatique. Et puis j’ai commencé à bosser dans les spiritueux et on m’a proposé ce poste dans le whisky. J’ai accepté. C’est un produit dont on peut parler pendant des heures, qui est passionnant.
C’était donc cohérent… Et, finalement, on peut dire que le café et le whisky sont comparables ?
LS : Oui, en effet, on peut comparer la complexité du café à celle du whisky même si, au final, ce sont deux produits très différents. La palette aromatique du café est aussi vaste que celle du whisky.
Et pourquoi en dessous de cette Maison du Saké et pas ailleurs ?
LS : Le propriétaire de La Maison du Saké avait tout cet espace, en bas de son établissement, dont il voulait faire quelque chose. Et il cherchait juste un bon partenaire. C’est La Maison du Whisky qui s’est imposée et… voilà.
Mais ce n’est pas étrange d’associer saké et whisky ? Vous verriez aussi des points communs entre ces deux spiritueux ?
LS : Oui. Leur complexité et, surtout, le nombre de personnes qui peuvent être intéressées pour les consommer. Le saké attire de plus en plus de gens, aujourd’hui, même si ça reste en France quelque chose d’encore assez méconnu. Le whisky est, lui, plus connu mondialement et attire énormément de monde dans les dégustations.
La clientèle du saké et celle du whisky serait donc la même ?
LS : Elle est quand même différente, mais on a beaucoup de gens qui viennent boire du saké et descendent finalement chez nous pour tester des whiskies.

Lilya Sekkal du Golden Promise en pleine préparation de cocktail

Lilya Sekkal du Golden Promise en pleine préparation de cocktail – Photo 2
C’est un ancien sommelier qui a ouvert le Golden Promise. Parce que le whisky c’est aussi comme le vin ?
LS : On peut effectivement faire un rapprochement entre ces deux produits. Il y a une importance du vieillissement dans le vin qu’on va retrouver dans le whisky et qui fait, généralement, 60% du goût de ce dernier. Le fait de vieillir dans tel type de fût, tel type de climat, tel type de maturation, fera du whisky ce qu’il est.
Quel est votre rôle à chacun, dans ce Golden promise ?
LS : Alors, moi, je suis Chef Barman de mon bar et lui est maître des collectors (la “bibliothèque à whiskies” en quelque sorte, ndlr). Il s’occupe de rassembler des produits de distilleries qui n’existent plus, des produits rares, de très vieux embouteillages…
Quel(s) est/sont le(s) cocktail(s) signature du Golden Promise ?
LS : Et bien il y en a plein ! On a à la carte cinq whisky en accord “chaser”, une méthode de dégustation japonaise qui n’existe pas encore ailleurs à Paris et qui consiste à servir 2 cl de whisky en shot plus un chaser (un jus, une bière, un autre alcool…). L’idée est de déguster le whisky puis de passer sur le chaser et d’avoir un retour en bouche de certaines notes du whisky (voir la recette d’un Whisky Chaser du Golden Promise ici !).
À côté de ça, on sert aussi cinq Highball (voir la recette du N°5 ici !), cinq cocktails servis dans un verre highball et composés d’un whisky et d’un autre produit tels qu’un soda, un thé glacé maison, un bitter… Parfait pour mettre en valeur le whisky !
Enfin, on propose également cinq autres cocktails avec plus d’ingrédients et pour lesquels on utilise un shaker, un verre à mélange… Bref, cinq cocktails plus “élaborés.

Le Whisky Chaser du Golden Promise
Ces cocktails, il paraît qu’il est conseillé de les boire en dégustant les tapas japonais du Chef de La Maison du Saké ?
LS : Effectivement ! Le propriétaire de La Maison du Saké est aussi celui du Solera, un restaurant japonais qui a une étoile Michelin mais qui a, malheureusement, pris feu en janvier dernier. Une catastrophe qui a quand même un intérêt pour nous : on va pouvoir faire venir tous les cuisiniers de là-bas chez nous. Du coup, on va bientôt travailler sur une carte Cocktail Pairing.
D’après Drinks International, le cocktail le plus populaire au monde est le Old Fashioned (whisky, orange, eau gazeuse, angostura). Comment l’expliquez-vous ?
LS : Le Old Fashioned a été inventé pour adoucir les mauvais whiskies. Dans sa composition, on ajoute au spiritueux un peu de sucre et de bitter pour donner un côté plus rond, plus aromatique au whisky. Donc c’est quelque chose qui dénature très peu ce dernier (beaucoup moins qu’un Manhattan, par exemple). Et puis c’est quelque chose d’accessible pour quelqu’un qui n’a pas envie de beaucoup de sucre, qui n’a pas un palais formé au cocktail. Avec le Old Fashioned, on retrouve bien le goût du whisky mais on ne s’y perd pas. C’est ça qui doit plaire.
Justement, quel cocktail conseilleriez-vous à un nouveau client pour l’initier et lui faire aimer le whisky ?
LS : Je lui conseillerais le “Golden Eagle” qui est un cocktail phare composé de Bourbon Eagle Rare, de jus de poire fraîchement centrifugé, d’une liqueur comparable à la Chartreuse Jaune, de sauge, d’une pointe de citron et d’un peu de sucre. Le tout passé au shaker et servi sans glace. C’est très gourmand et il y a un côté herbacé qui plaît. Je l’ai servi à beaucoup de clients qui n’aiment pas le whisky mais qui ont adoré.
Quel whisky on devrait tous avoir chez soi ?
LS : Wow, ça dépend des palais… ! (rire)
Peut être le plus polyvalent, alors ?
LS : Peut être le classique de chez Ben Romach, une petite distillerie écossaise qui fait de très bons produits. Ce whisky est très légèrement fumé et va avoir un côté fruité et malté qui peut s’ouvrir au plus grand nombre de palais.
Aujourd’hui, la tendance dans le whisky est au vieillissement
Et quel whisky vous nous conseillez d’offrir à un ami pour le bluffer ?
LS : Encore une fois, tout dépend du palais. Mais en ce qui me concerne, j’ai fait une découverte ici : un Lagavuline Distillers Edition. La “Distillers Edition” est une double maturation : une première dans un fût de bourbon et une seconde dans un fût de xérès. Sur ce Lagavuline 1981 (qui m’a littéralement renversé !), on retrouve de gros accents iodés. C’est comme une huître qui s’ouvre. Quand on le boit, on a l’impression de lécher un rocher à la mer ! Et puis, 15 ou 20 minutes plus tard, il va s’ouvrir sur des notes beaucoup plus gourmandes. Je ne voulais plus rien manger après l’avoir goûté !
Et quel serait le whisky le plus original ? Ou qu’on trouve nulle part ailleurs qu’ici ?
LS : Je pense qu’il y en a plusieurs ici. Et notamment le Linkwood de je ne sais quel année et qui était très spécial, très marqué sur le souffre et avec des notes de chocolat noir, de café. Je n’ai pas spécialement apprécié mais c’est une question de goût !
Selon vous, quelles sont les nouvelles tendances à venir pour l’année, en matière de mixologie ?
LS : Je pense que cette tendance du pairing déjà en cours va s’accentuer. Après, je vogue au travers de la mixologie, en ce qui me concerne. Ce que j’essaye de faire, c’est plutôt de développer cette tendance japonaise axée autour du produit. Mon objectif est avant tout de mettre en valeur différents whiskies. Du coup, il s’agit moins d’une démarche de “Cocktail Bar”.
Et dans le milieu du whisky, alors, quelles seraient les tendances à venir ?
LS : On est sur le vieillissement. Il y a eu le boom du whisky japonais axé sur l’assemblage. Aujourd’hui, on travaille plus le vieillissement sur différents fûts. Cela consiste à marquer vraiment le whisky par le bois. Et comme je le disais avant, c’est ce qui va faire 60% du goût du produit. C’est énorme !
Quel est votre cocktail préféré de tous les temps ?
LS : J’aimer beaucoup le Sazerac. Ce dernier est composé de Cognac ou alors de Rye whisky (ou même des deux, ce qui donne des notes très intéressantes), d’absinthe (le verre est rincé à l’absinthe), de Peychaud’s bitter, d’angostura bitter et d’une pointe de sucre. C’est très simple et j’aime beaucoup les notes anisées de ce cocktail qui ne dénature pas du tout le ou les spiritueux. Et puis chaque barman à sa façon de le préparer donc j’aime toujours voir comment ce dernier s’y prend.
Mais j’aime aussi, bien sûr, le Old Fashioned parce qu’il permet de révéler quelques petites choses et qu’on peut facilement twister la recette avec un petit dash de quelque chose en fonction du whisky utilisé.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.