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Interview : Jeff Mills nous parle de son label Axis

L’un des pionniers de la techno made in Detroit, Jeff Mills, a répondu à quelques questions avant son live de vendredi au Weather Winter. Une interview spéciale Axis, label qu’il a fondé il y a maintenant… 25 ans !

La Villa Schweppes : Quelles étaient vos intentions en créant Axis Records en 1991 et à New York ?

Jeff Mills : C’était de créer un label qui abordait la techno sous d’autres angles. À l’époque, cette dernière était très demandée et j’ai imaginé qu’on pouvait créer quelque chose de différent, en l’occurrence un label techno qui se concentrerait un peu plus sur la spiritualité et l’émotion. Il y beaucoup de labels qui couvrent ce champ, mais peu dans ce style précis.

Etait-ce la chose à faire pour faire progresser la techno ?

JM : Je le pensais. Je pensais qu’on avait besoin d’un équilibre créatif dans cette musique. Plus de diversité. Mon plan était de créer un label qui “ferait un pas en arrière” pour permettre à l’auditeur d’écouter de la vraie musique à nouveau. À l’époque, la rave était si dure, si pulsée et si rythmée qu’il était difficile d'”entendre” la musique.

J’essaie de ne pas juger seulement les morceaux mais je les replace dans le contexte d’un travail, d’une durée

Le label a 25 ans. Quels ont été les meilleurs moments ou les meilleures rencontres ?

JM : Je suis très fier de tout ce que nous avons fait, et je n’ai pas de regrets. En général, je prends le temps de bien réfléchir à ce que nous produisons et il m’est arrivé à plusieurs occasions de tout arrêter parce que je jugeais que ce n’était pas assez bon. Une fois que c’est sur le marché, impossible de revenir en arrière, il faut s’en accommoder. En tant qu’artiste, j’essaie de ne pas juger seulement les morceaux mais je les replace dans le contexte d’un travail, d’une durée. Je pense aussi à ce que je n’ai pas fait, les sujets que je n’ai pas exploré et j’essaie de combler ces lacunes. Je suis très fier d’avoir atteint 20 ans et puis 25 ans d’existence. Nous préparons le 25ème anniversaire pour 2017.

La scène française est en bonne santé, mais s’il n’y a pas une croissance créative, de nouvelles idées et de nouvelles perspectives, elle déclinera de nouveau

Beaucoup reconnaissent que la scène française a vraiment “explosé” ces dernières années. Avez-vous l’impression d’avoir contribué à ça ?

JM : Ma principale contribution, c’est de continuer à produire de la musique autant que je peux. Je n’ai jamais été intéressé par les scènes régionales ou spécifiques à un pays, mon but est de soutenir la musique sur le plan international. Je suis l’un des DJs/ artistes qui a le plus de chance : je suis invité tous les ans dans plein de pays, si bien que mon jugement porte sur la musique électronique globale. Oui, la scène française est en bonne santé, mais s’il n’y a pas une croissance créative, s’il n’y a pas de nouvelles idées et de nouvelles perspectives, elle déclinera de nouveau. Ce que j’ai vu dans d’autres pays, c’est que lorsque la musique atteint un sommet, quand les gens pensent que la scène se porte bien, l’impulsion pour créer du nouveau décroît, parce que les gens n’ont pas envie de changer le status quo.

Être DJ demande un haut niveau de connaissance, de technique et de maîtrise créative

Peut-être qu’en cherchant de nouveaux artistes français…

JM : Chercher et faire connaître de nouveaux artistes, c’est l’un des moteurs importants du genre. C’est quelque chose que les gens doivent réaliser. Si c’est une priorité, il faut aussi que l’artiste qu’on fait découvrir soit valable. Sur le plan professionnel, je pense que les standards et la qualité, notamment chez les DJs, sont trop bas pour que ces derniers ne méritent d’être connus du public. Il me semble que les journalistes qui écrivent un article sur un nouvel artiste devraient expliquer qui est cet artiste, mais aussi pourquoi sa musique est spéciale, pourquoi on doit y prêter attention. Que fait-il que les autres ne font pas ? Si on élève la qualité, il faut aussi être sélectif en ce qui concerne le niveau professionnel des DJs. Être DJ demande un haut niveau de connaissance, de technique et de maîtrise créative. Ce n’est pas à la portée du premier venu qui achète deux platines et un mixeur mardi, se lance le vendredi et se considère finalement comme un pro le dimanche. On devrait vraiment rendre l’accès au statut de DJ plus restrictif. Nous y gagnerions tous.

Vous êtes un artiste avec une palette large : vous faites de la composition (Metropolis, Three Ages…) de l’art (Paris, Pompidou, Critical Arrangements for Futurism à Paris), du documentaire (Exhibitionist 1 and 2)… Axis vous aide dans ces divers domaines ? C’est donc un peu plus qu’un simple label ?

JM : J’ai toujours voulu quelque chose qui dépasse les limites d’un simple label. J’avais besoin de créer un label qui fonctionnerait en parallèle avec toutes mes entreprises de création. J’ai toujours été intéressé par l’art, la danse, la littérature et les autres formes d’art.

Le documentaire

Le documentaire “Exhibitionist” de Jeff Mills

Vous avez collaboré avec le label Tresor dans les 90’s. Quel était son rôle ?

JM : Dimitri Heggemann est un ami proche et nous nous connaissions avant que Tresor ne soit fondé. Il a invité en 1989 le groupe dont je faisais partie : Final Cut. Nous avons sorti pas mal de choses avec Underground Resistance et Axis. Il y a eu aussi des soirées régulières au club Tresor.

Vous avez de nouveaux projets avec Tresor ?

JM : Mes projets ne concernent qu’Axis, mais je ne verrais pas d’inconvénient à travailler avec Tresor à nouveau.

Jeff Mills fêtera les 25 ans de son label Axis ce vendredi 18 décembre 2015 lors du Weather Winter 2015

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