Avant de monter L’Atelier des Artistes et son Hôtel des Artistes, Filipe Alves a organisé des soirées. Beaucoup beaucoup de soirées. De passage dans son lieu de vie, on en a profité pour parler nuit et scène actuelle. Rencontre.
La Villa Schweppes : Bonjour, Présente-toi en quelques mots.
Filipe Alves : Filipe Alves, 39 ans, propriétaire aujourd’hui de L’Atelier des Artistes et directeur artistique musical des Ambassadeurs. Activiste nuit pendant très longtemps, je suis désormais à la retraite sur cette partie là. (rire).
Tu lances le speakeasy L’Hôtel des Artistes. Pourquoi un bar caché ? La tendance speakeasy c’est donc toujours d’actualité pour toi ?
FA : Parce que j’aime bien les choses qui sont un peu confidentielles ! Il y a deux ans, quand le restaurant a été monté, il a plutôt très bien fonctionné. Le bar, plutôt discret, était investi par notre “tribu” ou par des gens qui fréquentaient L’Atelier à son ouverture. Alors je me suis dit : “Tiens, on va le transformer et en faire un speakeasy, parce que je trouve que c’est un mode de consommation assez sympa”. Sympa notamment parce qu’il n’y aura pas de physio à la porte, par exemple. À L’Hôtel des Artistes, les chambres – des tables, en l’occurence – seront entièrement réservées via un site internet.
Tu as commencé en organisant des soirées au sein des structures DeLaProde puis WeBecome (soirées Delahouse, Terrassa, Spray, Eté d’Amour…). Monter ton propre restaurant a-t-il toujours été un but dans ta vie ou c’est venu comme ça ? Tu étais déjà associé de L’Escargot Montorgueil il y a quelques années…
FA : C’est mon côté épicurien, ça ! J’aime beaucoup le pinard et la bonne bouffe. Et puis j’ai passé beaucoup plus de temps et me suis toujours senti beaucoup plus proche des gens de la restauration que des gens des clubs. Bien sûr, ces derniers sont évidemment des amis, mais on se voit finalement beaucoup plus dans des restaurants que dans des clubs !
Ça me paraissait donc assez naturel d’ouvrir L’Atelier, c’était comme une évidence. Après, je ne voulais pas seulement créer un bistrot de quartier avec une terrasse, j’avais envie aussi de monter un lieu un peu différent, un espace de vie avec un restaurant, un speakeasy, un box de projection et un joli fumoir pour nos amis polytoxicomanes.
C’est quoi la ou les valeur(s) ajoutées de l’Atelier des Artistes ?
La valeur ajoutée de L’Atelier ? Toutes les façons dont on peut évoluer dedans
FA : Je pense que c’est toutes les façons dont on peut évoluer dedans. On peut juste venir se perdre sur l’un des canapés devant le bar sans subir la pression du : “Est-ce qu’on va dîner après ou pas ?”, ou alors profiter de la carte de notre très bon chef (on a eu beaucoup d’excellents retours dessus !), ou on peut aussi arriver à 20 ou 25 et réserver une pièce – La Danish Suite – uniquement pour nous et avec un service personnalisé. C’est un luxe ça, non ?
Effectivement ! Sinon tu accueilles beaucoup de dîner d’artistes. En gros, pas mal de DJs viennent dîner chez toi avant d’aller jouer… Te souviens-tu d’une rencontre en particulier ?
FA : La dernière personne qui est venue ici, c’était Sam Smith. J’ai beaucoup aimé la façon dont il est arrivé : pas dans un cadre de privatisation, mais avec tous ses musiciens, sa tribu. Ils étaient tous à table en train de partager des super côtes de boeuf au milieu de la salle. Ils sont d’ailleurs restés assez longtemps. À L’Atelier, les dîners durent toujours très longtemps… Après, c’est vrai que je connais pas mal d’artistes internationaux qui sont toujours très contents de venir et de revenir. J’ai déjà reçu Loco Dice, Carl Cox, Miss Kittin… Les organisateurs aussi aiment bien passer !
Et quel est ton meilleur souvenir de soirée de l’époque WeBecome (voire d’avant !) ?
FA : Je n’ai pas un souvenir figé sur une meilleure soirée en particulier. Ce qui m’a intéressé c’est toujours les équipes avec qui on les a montées (à l’époque WeBecome, on s’appelait presque les “WeBecomiens”, c’est pour dire !). Des gens super brillants comme Marc-Antoine Surand, Nadir Sayah, Yogi qui, aujourd’hui, fait du stylisme. Je pense aussi à Bertrand Mialet, mon associé de l’époque qui a monté tout plein de choses, à Etienne Dauta qui est parti à Berlin s’occuper de Nicolas Jaar, ou encore à Franck Bompani qui a le club Les Étoiles aujourd’hui et qui a relancé DeLaProd par la suite, ou encore à Rasmus (Michau) et Olivier pour qui j’ai fait la DA du Cirque Bonheur au départ du projet… C’est à eux tous que je pense ! C’est marrant, quand on me demande ce que je sais faire de mieux, j’aime bien répondre : “Pas grand-chose, mais je sais m’entourer !”
Quel est ton regard sur la scène aujourd’hui ?
FA : La scène je la vis surtout à travers les copains qui viennent ici comme Aurélien Dubois (un des patrons de Concrete et du Weather Festival), Fred Agostini (DA du Wanderlust et co-fondateur des soirées Respect et Eté d’Amour)… Aujourd’hui, cette scène est importante, parce que son public est devenu important. Cependant, je ne pense pas qu’il y ait énormément de gros artistes émergents. Je constate juste que certains, déjà important il y a 15 ans, ont pu exploser grâce à la multiplication des évènements à grosse échelle : à l’époque, une soirée de 2 000 personnes c’était déjà énorme, aujourd’hui on peut faire quatre ou cinq festivals en deux mois qui réunissent entre 15 000, 20 000 ou même 30 000 personnes. C’est incroyable, tout le monde a compris que la musique électronique n’est pas une musique émergente, mais qu’il s’agit d’une musique avec une histoire qui devient donc transgénérationelle.
Tu penses encore, comme tu le disais en 2010, qu’il n’y a “pas assez de mélange” en soirée ?
Le mélange en club est juste entré dans les moeurs
FA : À l’époque c’était un peu marginal donc les mélanges se faisaient presque par obligation. Aujourd’hui, l’offre est tellement dense que le mélange est juste plus évident et est entré dans les moeurs.
Tu t’occupais à l’époque de la Direction Artistique du Regine’s et disais que ce qui t’intéressais, c’était de produire de gros artistes dans un petit espace intime. On est, pour notre part, aussi un peu pour le retour du clubbing à taille humaine. Tu crois que c’est ce qui va se passer et tu crois aussi que c’est possible ?
FA : Evidemment que ça va revenir, tout est cyclique ! Aujourd’hui beaucoup disent que ce n’est pas possible et qu’au prix des booking, les artistes ne font plus que de gros festivals. Ce n’est que très temporaire, à mon avis…
Comment tu vois les choses évoluer, alors ?
FA : Je pense que les gens vont en avoir marre, justement, de passer du temps sur des gros formats. Je remarque que les gens ayant grandi avec cette musique et qui ont entre 30 et 40 ans aujourd’hui ont envie d’un peu plus de confort. C’est très physique un festival : il faut bouger, s’organiser… Ce n’est pas un mode de consommation spontané, contrairement au fait de se rendre dans un lieu où il y a toujours une bonne programmation comme Le Zig Zag ou Le Rex Club. Pourquoi Le Rex Club marche-t-il toujours aussi bien ? En dehors de l’âme insufflée par Fab et Moly ? Parce qu’il reste à taille humaine, justement !
La soirée Face B aura lieu chez toi, à l’Ateliers des Artistes, jeudi soir. C’est un One Shot ou tu comptes organiser plus de fêtes ?
FA : Bien sûr que c’est un format qui va être beaucoup beaucoup plus développé, c’est une évidence ! Je voulais que L’Atelier soit connu avant tout pour son restaurant et pas pour ses soirées, mais maintenant qu’on a lancé le speakeasy, on réfléchit à une partie plus “entertainment”.
Enfin, peux-tu répondre du tac au tac à ces quelques questions : Quel est le meilleur cocktail du monde ?
FA : Ça reste absolument la caïpiroska !
La “Killer Track” par excellence ?
FA : “Your Love” de Frankie Knuckles. Et aussi “The Way” de Global Communication qui est un morceau indémodable qui me rend complètement fou !
Ta dernière nuit blanche ?
FA : Avant-hier.
Le meilleur acolyte pour sortir ?
Je suis beaucoup trop attaché à l’humain
FA : Franchement, un de mes grands acolytes pour sortir reste quand même Aurélien Del. (rire).
C’est qui ta team, d’ailleurs ?
FA : Nico Lévy (le fondateur des Ambassadeurs), Aurélien Del (le patron du Badaboum), Aurélien Dubois, Stephan et Tiboz (DA du Zig Zag), Nadir ad vitam eternam et Fred Agostini, ma team Eté d’Amour, mon c*** préféré, évidemment ! Je suis désolé, il s’agit beaucoup d’orgas, mais ce sont des personnes avec qui j’ai monté beaucoup de projets et passé pas mal de temps. Des personnes qui ont vécu la même vie que moi !
Ps: Nicolas Coco je te hais. (double rire).
Les trois meilleurs clubs parisiens actuellement ?
FA : Je reste un addict du Rex pour plein de raisons. Je suis aussi très fan de Concrete pour d’autres raisons et puis du Zig Zag et du Badaboum aussi ! Mais pour ce dernier je vais aller encore plus loin et je dirais qu’il s’agit non pas de mon club préféré, mais de mon “endroit” préféré. Pourquoi “endroit” ? Parce qu’on y trouve un bar à cocktail, un salon privé, une scène où il y a du concert qui devient, plus tard une salle de club. Ma réponse est forcément biaisée parce que je suis beaucoup trop attaché à l’humain. Si je vous cite ces clubs, c’est parce que je sais que j’y suis super bien accueilli. C’est pipé avec moi ! (rire).
Ta soirée idéale ?
FA : Dans mes rêves les plus fous, vous reprenez la bande que je vous ai citée précédemment, vous les foutez tous dans un avion avec nos copines toutes aussi timbrées que nous, et on vous fait une teuf de sept jours dans chaque ville dans laquelle on atterrit.
Et ton DJ préféré ?
FA : Je ne peux pas en avoir qu’un mais je vais quand même te citer D’Julz. J’ai toujours aimé bosser avec lui, c’est quelqu’un qui a toujours eu une vision à long terme des artistes et du développement des artistes. Quelqu’un comme lui m’a permis de découvrir Dixon, Âme, Loco Dice, Luciano… Pas en me les faisant écouter, mais en me disant : “Viens je vais te les présenter, on va les faire jouer et tu verras quel DJ ils sont”. Et, sinon, je pense aussi à DJ Deep.
La chose que l’on ne sait pas sur toi ?
FA : Je crois que les gens ne savent pas que je suis sympa pour de vrai.
La nuit…
FA : La nuit se fait le jour.